Des prisons mitées comme la Justice !

Chronique du vendredi 6 juillet 2018

sur RCF: @lien en attente

 

La chronique d’actualité, aujourd’hui, avec Jacques Cohen, comme tous les vendredis, bonjour Jacques !

Bonjour.

Et on va revenir sur un fait marquant dans l’actualité nationale, l’évasion de Rédoine Faïd de la prison de Réau, cela paraît invraisemblable !

Cela paraît invraisemblable… cela ne serait pas vraisemblable dans un monde idéal. Dans le monde tel qu’il est, dans l’état des prisons et dans l’état de la justice, c’est malheureusement quelque chose d’inéluctable.

prison recife 2

Prison désaffectée à Recife Brésil

Cette évasion… on est obligé, de ce fait, d’évoquer le système pénitentiaire. Il y a l’apparence et la réalité.

Bien évidemment, la population, les Français veulent des prisons fermées à triple tour, que les délinquants soient sévèrement condamnés, qu’on les mette dedans, et puis qu’ils sortent par miracle en ayant compris qu’il ne fallait pas recommencer. La réalité est très très différente, d’abord parce que l’on n’a pas assez de place de prison par rapport au niveau de pauvreté dans la population, et donc il y a une population délinquante marginalisée importante qui ne peut pas être mise en prison, et d’ailleurs qu’il faudrait essayer d’éviter de mettre en prison. Pour laquelle les peines de substitution seraient utiles, à condition qu’elles soient crédibles. Or, on est dans un système où la prison étant trop pleine, on n’y met pas tout le monde d’une part, et d’autre part les gens peuvent sortir. Soit parce que l’administration l’a décidé, soit parce qu’ils l’ont décidé dans le cas de Rédoine. Et que les peines de substitution ne sont pas crédibles et sont peu exécutées parce qu’il n’y a pas grand risque que les gens qui ne les respectent pas se retrouvent en taule, ce qui est normalement la sanction si ces peines-là ne sont pas exécutées.

Comment pourrait on re crédibiliser les prisons ?

C’est un peu un cercle vicieux parce que si on n’a pas un volume pénitentiaire correspondant, malheureusement, à notre population pénitentiaire prévisible, on se retrouve avec une situation calamiteuse qui est que les prisons sont cogérées avec les détenus, qu’il y a une administration parallèle, que l’administration pénitentiaire achète la paix sociale comme n’importe quel élu dans une banlieue pourrie, et que, finalement, l’ensemble du système n’a guère de crédibilité. On peut voir, par exemple, qu’il y a un grave débat sur les portables en prison…

Et on a vu des images de l’évasion.

bien sûr ! En fait, tous les détenus en ont et ils ont tous filmé l’évasion, ce qui montre le décalage entre la réalité et l’image, si l’on peut dire, que les prisons ont dans l’opinion, avec des débats complètement décalés.

Est-ce que l’on peut dire de fait que Rédoine Faïd a eu le temps d’observer et d’obtenir ce qu’il voulait, ce qu’il cherchait ?

Ah certainement ! Et d’autant plus que cela paraissait la chronique d’un évènement annoncé. Il y a des gardiens qui ont annoncé, plusieurs mois à l’avance, que les choses se préparaient, ce qui devait être de notoriété publique. Et les choses se sont passées telles que prévu si j’ose dire. À un gros détail : dans son évasion, que certains ont présentée comme parfaitement organisée, etc. l’équipe de Rédoine a fait une bêtise. Ils ont raté l’incendie de l’hélicoptère. Les bagnoles, ils ont l’habitude si j’ose dire, ils les ont fait brûler jusqu’au dernier gramme de caoutchouc ou de fauteuil. Mais pour l’hélicoptère, ils se sont mal débrouillés, il n’a pas brûlé, le feu s’est arrêté et donc, il est hautement probable que les ADN des complices ont déjà été retrouvés, que ceux-ci sont identifiés et pour l’enquête c’est quand même beaucoup plus simple de traquer X personnes que de n’en traquer une seule.

C’est une faille qui va être à l’avantage de la justice j’ai envie de dire.

À l’avantage de la police, nous dirons.

Cette faille, il y en a une également dans le système judiciaire. Quelle est la position de Nicole Belloubet ?

Eh bien elle, elle est priée de faire de la gymnastique acrobatique, c’est-à-dire d’expliquer à la fois que l’on prend très au sérieux la chose, que ça ne devrait pas s’être produit et que ça ne se reproduira pas, tout en sachant que c’était inéluctable et que l’on ne voit pas très bien comment faire pour que cela ne recommence pas. Donc, elle est dans une situation qui est classique pour les politiciens, de devoir raconter des choses auxquelles elle ne croit probablement pas.

Certains, en milieu de semaine, ont commencé à évoquer une éventuelle démission. Elle, elle a dit refuser cette démission, cette éventualité. Est-ce que vous pensez que c’est une bonne solution ?

C’est une tradition ancienne est parfaitement périmée. Autrefois, en cas d’évasion, le directeur de la prison et le Préfet sautaient. Et s’il y avait plusieurs évasions le ministre de la justice sautait. Le limogeage systématique du Préfet, du directeur des polices urbaines du coin, et du directeur de la prison était ce qu’il se passait, par exemple sous De Gaulle il y a eu plusieurs exemples comme ça. De nos jours, le ballon prisonnier des responsabilités a permis que les choses se diluent, et que finalement, personne n’étant responsable de rien, personne n’a besoin d’être puni.

On parlait tout à l’heure de Rédoine Faïd, de sa cavale, de ces fautes qu’il y a eu de ces complices, en tout cas avec l’hélicoptère incendié, mais mal incendié. Quelle image aujourd’hui, Rédoine Faïd, renvoie-t-il à la population aux Français, qui sont « spectateur » de ça j’ai envie de dire ?

Il y a une tendance à l’admiration du rebelle, mais c’est une tendance et une imagerie complètement erronée, c’est un fantasme projeté. Béatrice Dalle, là-dessus, s’est très largement plantée, ce type est un prédateur assassin, il a tué une policière, et donc il ne mérite aucune considération si ce n’est de le remettre sous les verrous dans les plus brefs délais.

C’est une histoire qui paraît rocambolesque, il avait déjà réussi à s’échapper, il avait fait une cavale de 6 semaines en 2013. Est-ce que la cavale peut durer encore comme ça plusieurs jours, plusieurs semaines ?

Ou plusieurs années s’il arrive à s’éloigner. Mais il a également un problème qui est un problème d’égo et d’habitudes. Je ne le vois pas devenir éleveur de chèvres en Amérique centrale !

Je reviens sur ce fait que vous disiez, l’hélicoptère, justement, qui a été mal incendié. Cela veut dire que si Rédoine Faïd se sent menacé, qu’il sent que les sources policières peuvent s’approcher de lui, est-ce que ses complices pourraient risquer quelque chose à leur tour ?

On peut toujours envisager qu’il les fasse abattre… mais il a aussi à gérer son image parce que pour la suite il faut qu’il continue à avoir des complicités. Si être complice a l’image de se faire abattre dans les meilleurs délais, cela lui posera aussi un problème. Mais je pense qu’il serait soulagé de voir ses complices disparaître avant lui.

Merci Jacques Cohen, d’avoir été avec nous aujourd’hui pour cette chronique d’actualité.

On ne se retrouve pas la semaine prochaine parce que, vous le savez, c’est les vacances !

Un bel été, Jacques !

Bel été à tous !

À très bientôt !

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