Chronique du 13 juillet 2018
sur RCF@lien en attente
Aujourd’hui, nous retrouvons, Jacques Cohen, le seul chroniqueur de la semaine qui est resté fidèle au poste jusqu’au bout, jusqu’à la dernière ! Bonsoir, Jacques !
Bonsoir.
Aujourd’hui, avec vous, on va parler de sport. Parce que oui, l’équipe de France est en finale de la Coupe du monde de football, ce sera dimanche à 17 h face à la Croatie. C’est la thématique que vous avez décidé de traiter sous un angle particulier, « la joie par le sport, bien ou mal ? » Une liesse considérable, on l’a vu en local, l’exemple à Reims, parce que moi j’étais à Reims, mais les auditeurs ardennais peut-être l’on vu aussi dans les rues de Sedan, de Charleville-Mézières… On a vu toute cette foule déferler dans les rues, les voitures qui s’accumulaient, les klaxons, etc. qu’est-ce que vous en pensez, Jacques Cohen ?
Je n’en pense rien, ce que je fais c’est que je constate et que j’essaye d’analyser. Donc, il y a du bien et du mal. On peut prendre tout d’abord le bien, le bien c’est le sentiment d’identification collective. C’est l’appartenance à la nation. C’est la communauté des gens qui vivent ici, et cela est tout à fait favorable de voir que l’identification au sport, à l’équipe de France, conduit à cette cohésion de la nation.
Ça, c’est pour l’aspect « bien ».
Oui. Au passage, l’identification, s’il en est ainsi, c’est l’identification à l’image. C’est une équipe qui est témoin de la société actuelle, et est donc acceptée de façon massive. On a mieux qu’un référendum en la matière. Il y a aussi des aspects qui le sont moins, et l’on va commencer à le voir, parce que la valeur individualiste et l’argent, pour dire les choses, qui tournent autour du sport ou vice-versa…
Des choses qui fâchent parfois…
Ce sont des choses qui peuvent fâcher, de même la propreté des affaires commerciales et autres, et le monde qui tourne autour du sport n’est pas non plus quelque chose d’extraordinaire. Mais l’opinion gomme tout cela parce que c’est une façon d’être tous ensemble, d’être les plus forts.
Alors, autre élément positif évidemment, c’est une affirmation collective qui tue beaucoup moins de monde que la guerre. Le sport collectif ou l’identification au sport collectif sont des sources d’agressivité contre les autres par définition puisqu’il s’agit de battre.
Malgré un chant guerrier pour entamer les rencontres avec la Marseillaise par exemple ?
Oui, mais la Marseillaise c’est très différent, nous le verrons une autre fois, mais si la Marseillaise est un chant guerrier, ce que j’assume, c’est parce que la République devait se défendre contre ceux qui lui faisaient la guerre. Donc là, c’est un petit peu différent parce que chacun se fait la guerre de façon très égalitaire, si je puis dire, dans le foot.
On part au combat différemment !
Voilà ! Alors, si l’on passe à ce qui est négatif, évidemment c’est que les mécanismes de cette identification collective sont des mécanismes d’hystérie collective, c’est-à-dire de fonctionnement de foule sans raisonnement valide individuel. La quasi-totalité des types qui montaient sur les toits des bus à Paris ne l’auraient jamais fait tout seuls !

Devant ces agissements, la RATP a tout simplement décidé de laisser bus et trams au garage le soir de la finale
Aller sautiller sur le toit d’un bus avec tous les dangers que cela représente…
Cela ne vous arrive pas à vous, Jacques, d’aller sautiller sur le toit d’un bus comme ça ?
Euh… rarement ! Rarement ! Et en tout cas, individuellement, non. Je crains que si j’étais dans une foule je puisse me faire entraîner comme tout le monde, mais là, j’allais dire à tête reposée et à jeun, je ne me vois pas sauter sur le toit d’un bus !
Dans d’autres endroits, on a eu une différence cette fois-ci quand même dans les aspects négatifs qui est que la violence affleure. Il y a des dégradations de mobilier urbain, de bus on l’a vu, de voitures… on n’est pas dans une liesse aussi bon enfant qu’autrefois. En quelque sorte la dureté de la société actuelle, les inquiétudes sous-jacentes que beaucoup de gens vivent, les rendent beaucoup plus agressifs ou rendent la foule beaucoup plus agressive comme témoin d’un monde bien plus dur, et d’un défoulement qui est beaucoup plus rugueux. C’est un des éléments négatifs non négligeable.
Est-ce que les foules ont toujours raison ou est-ce que parfois elles peuvent avoir tort finalement ?
J’aurais tendance à dire que les foules ont généralement tort, mais bon… On a en tête des tas de mouvements de foule guidés par des individus déplorables qui ont conduit à des choses catastrophiques. Je pense que le propre de l’humanité c’est d’être fait d’individus qui ont chacun un cerveau, et manifestement, quand on les connecte au lieu de les faire échanger, à ce moment-là, on obtient une espèce de court-circuit et on a une foule qui se comporte très en deçà de ce que les cerveaux individuels de chacun de ses membres auraient pu raisonner.
Malgré tout cette adhésion populaire a certainement un sens. Qu’est-ce que cela représente ?
L’adhésion populaire est un mécanisme de défense bien évidemment, parce que contre toutes les difficultés individuelles, on se sent plus fort tous ensemble, c’est déjà ça. Et puis, tant que l’on est un collectif, on pense qu’il est supérieur à tous les autres. Alors, tant, comme je vous l’ai dit, que l’on ne fait pas la guerre, il y a beaucoup moins de victimes sur les stades, quelques-unes, mais enfin on peut les passer à pertes et profits.
J’avais encore une question pour vous, Jacques. Pourquoi les gens ont-ils besoin de « substitut » guerrier ?
C’est une question qui n’a pas forcément de réponse définitive. Certains pensent que notre espèce est génétiquement programmée pour une agressivité qu’il faut bien exprimer quelque part. D’autres pensent que notre espèce peut vivre apaisée quand elle vit dans le bonheur et que c’est quand elle a des misères et des malheurs qu’elle devient agressive. J’aurais plutôt tendance à pencher pour la seconde hypothèse. Et donc, l’ampleur de l’adhésion à ces manifestations sportives est un témoin du mal-être généralisé.
Jacques Cohen, des scènes de joie dimanche soir aux alentours de 19 h avec une victoire de la France ?
Nous verrons, nous verrons, mais il y aura certainement des scènes de joie chez le vainqueur. Chez le perdant les choses seront différentes.
Merci d’avoir été avec nous pour cette dernière de la saison, et puis l’on se retrouve à la rentrée, au mois de septembre. Bel été, Jacques Cohen !
À bientôt. Bon été à tous !