Marche contre l’antisémitisme : Marche blanche ou marche à blanc ?

Jacques HM COHEN 10 11 2023

Sur les ondes de RCF: LIEN

La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen avec nous par téléphone, Professeur Bonjour.

Bonjour.

Vous être avec nous et aujourd’hui dans l’actualité vous voulez nous parler d’un événement prévu ce dimanche, la marche contre l’antisémitisme à l’appel de Gérard Larcher, président du Sénat, et de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée Nationale. A quoi servent les marches d’une façon générale, Professeur Jacques Cohen ?

Et bien d’habitude, ça sert à se compter. Et là j’ai bien peur qu’on soit assez mal parti en convoquant une marche dans de mauvaises conditions, à la fois de délais et à la fois d’appui des forces politiques et sur une question qui ne se pose pas. L’essentiel de la société française, presque 90 %, est absolument hostile aux pogroms du Hamas et aux manifestations d’antisémitisme qui ont eu lieu en France. Une marche donc n’est pas l’important, l’important c’est d’isoler les rares partisans de ces actions et de les réprimer.

D’avoir en plus une cacophonie politique pour savoir si on défile tous ensemble les uns derrière les autres, les uns mis de côté etc, ça me parait également complètement aberrant. Churchill n’a pas eu une seconde d’hésitation à s’allier avec Staline, qu’il ne devait pas forcément beaucoup aimer, pour lutter contre Hitler. Parce qu’on doit avoir un seul ennemi à la fois, c’est un b.a.-ba. Et donc pour combattre les islamistes, tout le monde est bienvenu. Je ne comprends absolument pas que cette discussion pour savoir s’il faut ou pas excommunier le Front National, le mouvement actuel, issu du Front, et puis lui-même de son passé et lui rappeler son passé. S’il a changé, c’est tant mieux de mon point de vue. Qu’il puisse éventuellement revenir à de mauvaises idées plus tard, ce n’est pas la question. Ce qui compte c’est hic et nunc. Hic et nunc, il faut montrer une opposition unanime de la société et puis ceux qui ne sont pas sur cette position, qui sont pour soutenir le mouvement antisémite du Hamas ou des manifestations de ce genre en France et bien il faut les combattre et les combattre fermement. Je ne comprends pas par exemple que la dame qui a mis des tweets pour se marrer du gamin foutu dans un four à micro-onde dans un kibboutz et qui discutait des sauces pour l’accompagner, je ne comprends pas qu’elle ne soit pas en taule. C’est de l’apologie du terrorisme et là on a envisagé qu’elle pourrait être convoquée pour etc, etc, mais elle n’a pas été arrêtée et cela nous montre un niveau de répression totalement insuffisant. Il faut être absolument intraitable sur les manifestations d’antisémitisme comme de tous les racistes, et il ne faut pas hésiter à manier une répression tout à fait féroce. Or, on semble vouloir encore prolonger le fait qu’on ne voudrait pas s’affronter aux islamistes et donc que si on pouvait gentiment leur demander de mettre une sourdine, etc, mais ce n’est pas la question. Les partisans des pogroms, il faut les combattre et les mettre au trou. Ça me parait un b.a.-ba. Et on a de ce point de vue-là un mauvais exemple historique. Dans le début du retour du nationalisme allemand qui va terminer par le nazisme, on a le putsch d’Hitler à Munich où il va être condamné à peu d’années et en faire encore moins, ça va lui faire un an pour rédiger son bouquin. On a l’assassinat surtout, que je voudrais prendre comme comparaison, l’assassinat de Walther Rathenau.

Berlin, Staatsakt für Walter Rathenau

ADN-ZB /Archiv Berlin: Staatsakt am 12. Juli im Reichstag für den von der Reaktion am 24. Juni 1922 ermordeten deutschen Außenmnister Walter Rathenau. 6787-22 hommage parlementaire à Walter Rathenau au Reichtag

Pouvez-vous nous en dire un peu plus Professeur ?

Absolument, en 1922 Walther Rathenau est assassiné parce qu’on en fait le bouc émissaire par l’extrême droite allemande des difficultés économiques et politiques, parce qu’au passage Rathenau est juif. Il va y avoir un énorme rassemblement populaire montrant que la société allemande en 1922 n’est pas du tout prête à exclure sa population juive, etc. Seulement la répression elle va être extrêmement modeste et par exemple, un des investigateurs de cet assassinat, Ernst von Salomon ne va prendre que 5 ans pour complicité, qu’il ne fera pas non plus. Tandis que les assassins se sauvent au Danemark.

Et donc quand on ne réprime pas et bien vous avez compris ce qu’il se passe. Qu’on ne réprime pas Hitler, qu’on ne réprime pas les assassins de Rathenau, que ce soit directement ou indirectement, complice ou pas, et bien dans ce cas-là on se retrouve avec une montée progressive de gens qui n’ont pas grand-chose à craindre. Or il faut taper, j’allais dire sans sourciller.

Si pour terminer on prend les deux moldaves qui ont été payés pour aller mettre des étoiles de David et qu’on envisage de les expulser sous prétexte qu’ils n’ont pas bien compris ce qu’ils faisaient et bien ce n’est pas la question. Ils ont été complices, ils ont même été payés pour ça, donc au trou. Il n’y a pas de raison de les expulser. Ils doivent être en prison comme l’apologie de l’antisémitisme et du terrorisme, etc. Donc, que ce soient des imbéciles qu’on a un peu payés pour le faire ou pas, il faut réprimer toute action. Et comme ça, ça fera comprendre aux autres imbéciles que ce n’est pas la peine d’accepter trois billets pour faire des graffitis, que ça coûte très cher. Si on ne le fait pas et bien on banalise, on admet l’insertion, l’enracinement du mouvement islamique antisémite et la volonté de Djihad, j’allais dire de croisade. Et bien si on admet son enracinement dans notre pays, il va croître peu à peu et le prix de l’affrontement, parce qu’un jour ou l’autre il faudra le faire, sera de plus en plus coûteux.

Professeur Jacques Cohen, vous en parliez au début de votre chronique mais une des polémiques de ce dimanche est de savoir s’il faut y aller avec le Rassemblement National ou pas. Vous le mot d’ordre c’est un seul ennemi à la fois et tout le monde y va parce que pour l’instant on a un ennemi à combattre, un même ennemi tous ensemble.

Exactement. Exactement et quelle que soit la solidité des convictions de certains antisémites reconvertis de fraîche date, peu importe. Pour moi, il faut prendre tout ceux qui s’inscrivent maintenant contre le racisme et l’antisémitisme.

Avec une question subsidiaire pour vous, Professeur Jacques Cohen, quelle doit être la place du Président de la République, parce qu’il est assez rare de voir le Président aller faire ce genre de marche. On l’a vu par exemple il y a quelques années à l’époque de Charlie Hebdo avec François Hollande qui était avec d’autres représentants d’état. Est-ce qu’Emmanuel Macron doit prendre place dans cette marche par exemple ?

Je suis assez réservé là-dessus. On a les présidents des deux assemblées. Le Président de la République à mon avis doit se réserver pour les grandes occasions et sur un événement ponctuel précis en France. C’est problème tactique. Mais malheureusement, je crains qu’il en aura bientôt l’occasion, si justement on ne réprime pas sérieusement, de devoir affirmer sa position sur des événements plus importants que quelques étoiles de David sur des murs, et que si j’ose dire on devrait le garder en réserve, en ayant les deux présidents des assemblées pour ce rassemblement, qui en plus me parait, je vous l’ai dit, très mal engagé et dans de très mauvaises circonstances.

Finalement, Professeur, cette marche à quoi peut-elle servir ?

Et bien justement c’est le problème, parce qu’on a maintenant pris des habitudes en France de faire un rituel qui s’appelle une marche blanche chaque fois qu’il y a quelque chose que l’on veut considérer comme déplorable et vis-à-vis duquel on n’a pas de mesures très précises à prendre. Et donc une marche blanche, c’est un petit peu une marche à blanc et j’ai peur que ce soit la situation de cette marche prévue dimanche puisqu’elle n’a pas d’objectif de se compter, qu’elle n’a pas d’objectif d’assumer une répression féroce qu’il faudrait faire. Et cela me fait penser à une autre marche et un poème d’Aragon qui concernait les manifestations en France concernant l’affaire Sacco et Vanzetti, quand il était question et ce qu’il s’est passé de les électrocuter aux Etats-Unis, ces deux anarchistes accusés à tort d’assassinat. Il y a un poème d’Aragon qui s’appelle le jour de Sacco-vanzetti : « il n’y avait que des guèpes sur le port de Dieppe », qui nous disait que le fait de défiler c’était bien gentil mais que ça n’aboutissait pas à grand-chose. Et bien je ne voudrais pas que l’on soit dans la même situation avec une marche blanche qui ne soit qu’une marche à blanc, et que les participants à cette marche puissent compter les mouches en défilant entre les deux assemblées.

Affaire à suivre donc Professeur, merci de nous avoir éclairés sur cette marche contre l’antisémitisme prévue dimanche. De nombreuses marches devraient partir, j’allais dire, un petit peu partout en France évidemment. A très bientôt Professeur.

http://poetesresistants.canalblog.com/archives/2014/08/23/30459005.html

A très bientôt.

Le jour de Sacco-Vanzetti
Sur le port sur le port de Dieppe
Mais comment cela se fait-il
Qu’il y eût seulement des guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti

Quand les affiches du Parti

Disaient d’aller au port de Dieppe
A quoi cela ressemblait-il
Qu’il y eût seulement des guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti
Qu’est-ce que tu croyais petit
Qu’il allait se passer à Dieppe
Aussitôt venu que parti
Pour n’avoir trouvé que des guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti
 au refrain
Tu étais malheureux faut-il
Pour espérer autant de Dieppe
Comme un changement pressenti
Mais c’était compter sans les guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti
Le mal d’aimer qu’on s’en sortît
En criant sur le port de Dieppe
Tu le croyais ferme et tu t’y
Trouvas tout seul avec les guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti
Louis Aragon

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