Guerre Israël – Palestine : La survie du Hamas

Jacques H Cohen 30 11 23

Sur les ondes de RCF: LIEN 

[ Cette chronique date d’avant la fin de la trêve à Gaza. Elle n’est pourtant pas périmée par le cours des évènements ]

La question d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen. Bonjour Professeur.

Bonjour.

Et on continue de partir en Israël et en Palestine avec le conflit à Gaza, si l’on fait une photographie cette semaine quelles sont les nouveautés ?

Et bien il n’y a guère de nouveauté ou du moins de chose imprévisible. Je vous avais dit que la situation Israélienne se compliquerait inéluctablement à partir du moment où on n’évacuait pas les civils, les femmes, les enfants et les vieillards, soit en Egypte soit en Israël, et on en est à la vérification de ce point. L’autre élément c’est que le Hamas bien sûr joue au maximum sa carte qui est double: montrer qu’il est toujours là et de lâcher des otages plus ou moins au compte-goutte de façon à faire durer justement le fait qu’il soit toujours là avec une trêve où les Israéliens ont cessé de le bombarder. De ce point de vue-là, la propagande se joue maintenant par l’image sur le net en faisant saluer leur geôlier avant de les lâcher par les otages, ce qui fait inéluctablement penser bien sûr au camp vitrine de Theresienstadt pour les visites de la Croix-Rouge de l’époque.

Gaza_Strip_1999

Un peu d’Histoire: En 1999, il y avait 21 implantations israéliennes dans le bande de Gaza. Abandonnées lors du retrait des israéliens en 2005. En 2006, le Hamas balaye par la force tout autre courant politique palestinien et installe à Gaza un régime totalitaire islamique. Le gouvernement israélien laisse faire, pensant que la gestion de la bande de Gaza finira par rendre réaliste le Hamas et en faire un partenaire économique, sinon politique. 

Comment les choses peuvent évoluer ? On est presque arrivé dans le dur, si je puis dire, c’est-à-dire que le Hamas a très astucieusement lâché des femmes et des enfants. Ce qui aboutit à faire oublier qu’il a été capable d’enlever des femmes et des enfants, puisqu’on le montre relâchant les femmes et les enfants en oubliant le fait qu’il les ait capturés. Après il va y avoir le problème des soldats ou des hommes plutôt en âge d’être soldat, et donc là le prix va monter. C’est-à-dire que le Hamas va exiger des Israéliens, des palestiniens ayant du sang sur les mains pour les attentats, ou même les captifs de l’opération du 7 octobre. Car Israël a quand même raflé une bonne centaine de types qui n’ont pas regagné Gaza à temps. Donc une situation qui là va être un peu plus difficile avec d’autre part la continuation et l’accentuation des tensions pour la société israélienne, l’une d’entre elle étant que quand on mobilise 300 000 personnes dans un pays qui est quand même beaucoup plus petit que le nôtre, ça bloque l’économie donc ça coûte cher. Surtout qu’une grande partie est l’arme au pied indépendamment de l’opération sur Gaza. Puisqu’ils ont été mobilisés pour tenir en respect le Hezbollah au nord ou pour d’éventuelles opérations si les choses se dégradaient encore en Cisjordanie. Donc une situation difficile pour les Israéliens, d’autant que comme je vous l’ai dit, l’objectif d’éradiquer le Hamas n’est possible que sur un schéma relativement simple, évacuer la population et la mettre à l’abri du Hamas, pour ensuite exterminer les combattants du Hamas.

Et malheureusement si le Hamas reste au contact de la population et bien il va se dissoudre dedans, il continue à la contrôler. Non pas qu’elle le soutienne considérablement, le Hamas gouverne Gaza par la terreur depuis 2006, en ayant exterminé les autres courants palestiniens. Mais la population ne le lâchera pas tant qu’il y aura des hommes armés pour imposer leur loi. Cela malheureusement, on n’en voit pas très très bien d’issue rapide, ni d’issue tout court. Alors les Israéliens vont être obligés de se rabattre sur quelque chose de symbolique, comme d’abattre des dirigeants du Hamas à Gaza ou ailleurs. Mais tout ça conduit à une situation qui fait que l’opération du 7 octobre malgré les massacres épouvantables de civils, malgré le pogrom, est au bénéfice du Hamas. Le résultat net sera une victoire du Hamas.

Car, il y a un autre élément qu’il faut voir c’est que le Hamas a surtout dans cette opération gagné la Cisjordanie. C’est-à-dire gagné les palestiniens de Cisjordanie, où on a un sondage disant que 68 % d’entre eux approuvent tout le 7 octobre, massacres, viols, etc., compris. Donc ça c’est épouvantable pour ce qui est d’envisager une cohabitation des deux populations bien sûr.

Alors, j’ai employé une expression qui n’était peut-être pas très heureuse la semaine dernière.

Ça vous a valu justement, Jacques Cohen, j’allais dire un petit peu de remous tout cela et vous vouliez l’expliquer.

Oui, j’ai parlé des colons, ou du moins de certains colons extrémistes qui ont pourchassé les arabes par la force et par la peur en abattant même quelques-uns, pour dire que c’était les symétriques du Hamas. Alors la grande chose qu’il faut préciser c’est l’équilibre des deux. Ce sont des symétriques qui ne sont pas équilibrés. Je viens de parler de 68 % de la population de Cisjordanie qui approuvent la Hamas, qui approuvent ce qu’a fait le Hamas, et ces quelques centaines d’excités ne représentent même pas 1 % de la population Israélienne. Alors le problème c’est qu’il est toujours très difficile d’être irréprochable, d’approcher la pureté à 100 %, c’est toujours plus difficile que d’être à 10-20 % comme probablement dans la société palestinienne en dehors des événements actuels. Or pourtant les Israéliens ont ce problème qu’il faut absolument qu’ils soient intraitables avec ces individus, qui sont quelques centaines d’excités. Et il y a une divergence là-dessus dans la société israélienne, la gauche mais qui ne représente maintenant plus un énorme poids quoi qu’elle remonte un peu, comme le journal Haaretz, dit qu’il faut les boucler au plus vite et qu’il faut être totalement irréprochable. Le gouvernement de Netanyahou qui s’appuie sur des religieux de droite et d’extrême-droite mais pas forcément des assassins potentiels comme ces quelques dizaines d’individus, lui considère que la priorité n’est pas de leur faire la chasse, il suffit de les menacer et ils se tiendront tranquilles ou que les autres colons les obligeront à se tenir tranquilles, plutôt que de lancer une opération de ratissage dans les colonies de Cisjordanie alors que l’armée israélienne est quand même sérieusement occupée à 36 choses ces temps-ci. J’ai plutôt tendance à penser qu’il faut être irréprochable même si cela a un prix, que l’image d’Israël est ternie par ces abrutis même s’ils ne sont qu’une poignée et qu’il faut démanteler ce groupuscule au plus vite. Voilà pourquoi l’expression symétrique qui montre que ces individus sont la même chose que le Hamas. Cette expression symétrique est malheureuse parce qu’ils ne représentent pas l’ensemble des colons de Cisjordanie et encore moins l’ensemble des Israéliens. Donc voilà la rectification si je puis dire que je voulais faire. Mais globalement, je reste hélas sur un pronostic assez pessimiste d’une victoire politique du Hamas et de sa survie.

Après cette rectification faite, Professeur Jacques Cohen, il nous reste une bonne minute à passer ensemble. Une fois qu’on a fait la photographie et que l’on voit l’évolution du conflit, quelles sont les perspectives pour les prochains jours et les prochaines semaines selon vous ?

Soit il est très probable que le cessez-le-feu persiste dans des négociations beaucoup plus compliquées sur les otages militaires et sur les prisonniers. Néanmoins, il peut y avoir une rupture et une tactique Israélienne nouvelle à la reprise des hostilités, mais peut-être pas de la même façon que précédemment. Ils avaient défini une zone de sécurité dans la partie sud de Gaza mais qui est relativement petite donc qui n’est pas praticable, et là il s’agirait pour eux de mener des raids pour intercepter l’appareil politique du Hamas, puisque comme je vous ai dit aussi l’appareil militaire du Hamas est une fiction. Le Hamas dispose tout au plus de 1000 ou 2000 combattants et encore moins maintenant dignes de ce nom, le reste c’est une populace armée, c’est une milice de gens qui ne vivent que parce qu’ils sont salariés du Hamas et d’ailleurs salariés de l’Union Européenne puisque c’est elle qui paye, c’est d’ailleurs assez déplorable. Et ces individus sont ceux qui ont mené les opérations en territoire israélien du 7 octobre contre la population civile. Donc il est très difficile de les abattre sans dégâts collatéraux, puisque là il s’agit de 10 ou 20 000 personnes au milieu d’une population civile importante autour d’un million de personnes. Donc malheureusement c’est un objectif qui me paraît inatteignable, sauf encore une fois à commencer par vider les civils et s’engager ensuite dans une opération de destruction comme à Mossoul ou à Falloujah, enfin ce que les Américains ont fait en Irak.

De ce point de vue là on pourrait conclure quand même sur la politique américaine qui est assez incohérente. Et il n’est pas possible de dire à la fois qu’Israël a tout à fait raison de vouloir exterminer le Hamas et de dire que les conditions pour le faire ou les moyens pour le faire ne sont pas parfaitement adaptés. Si les Américains avaient voulu développer cette position qu’il fallait faire comme à Mossoul et bien il fallait qu’ils négocient soit avec les Israéliens soit surtout avec les Egyptiens, d’accueillir la population civile le temps de massacrer ceux qui ne le sont pas et qui sont de tristes individus.

Merci Professeur Jacques Cohen et on vous dit à la semaine prochaine.

A bientôt.

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