Jacques HM COHEN 2/10/2024
Sur les ondes de RCF
La chronique d’actualité, c’est avec le Professeur Jacques Cohen que ça se passe. Professeur, Bonjour.
Bonjour.
Et cette semaine, on va se recentrer sur l’actualité locale, très locale, Jacques, puisque vous voulez nous parler de l’affaire Christian Lantenois et du procès de ses agresseurs qui se tient actuellement à Reims. Christian Lantenois était photoreporter au journal de l’Union et a été lâchement agressé dans l’exercice de ses fonctions, c’était le 27 février 2021. L’occasion d’ailleurs, avant que vous développiez votre propos aujourd’hui, Jacques Cohen, de rappeler que l’ensemble des équipes de RCF Reims-Ardennes apporte leur soutien à Christian Lantenois et ses proches dans cette épreuve. Voilà pour le contexte, avant un rappel des faits plus complet avec vous, Professeur Jacques Cohen.
En effet, parce qu’il ne s’agit pas d’un fait divers, il s’agit d’un fait politique important dans son déroulement et dans ses suites. Que s’est-il passé ? Christian Lantenois faisait des photos à la limite de Croix-Rouge d’ailleurs, il a vu une bande de voyous armée se préparant à en découdre avec une autre qu’ils attendaient, si j’ose dire, à l’entrée de leur territoire. Il a commencé à faire des photos, et ceux-ci se sont précipités sur lui et l’ont massacré en lui piquant son appareil photo et en lui tapant dessus avec cet appareil, y compris au sol avec un traumatisme crânien très important qui a laissé malheureusement Christian Lantenois extrêmement handicapé.

Christian Lantenois avant l’agression. Cliché L’union
Alors il n’a pas de handicap moteur, il a un handicap général qui est que son lobe frontal a été en grande partie détruit, donc il est catatonique, il n’a aucune émotion, il ne réagit pas à grand-chose et donc il a donc dû malheureusement cesser son travail, il a été mis à la retraite, et ainsi de suite. Donc les séquelles lourdes d’une agression qui aurait pu être mortelle, parce qu’il a passé quand même un mois dans le coma.
Alors ses agresseurs étaient donc toute une bande de voyous armés de barres en tout genre je pense, deux d’entre eux seulement se retrouvent devant la Cour. Et qui plus est, deuxième problème majeur, il a été décidé que le procès serait en huit clos, parce que l’un des accusés était mineur à l’époque des faits. Sauf qu’il ne l’est plus et que le Président aurait pu décider le contraire.
Je pense qu’au moment où on considère que n’importe quelle agression sexuelle doit être exhibée sur la place publique, le fait que ce genre de procès exemplaire, ou qui devrait être exemplaire justement, se passe en huis clos, c’est à dire sans aucun témoin pour le raconter, c’est à mon avis quelque chose d’extrêmement désagréable.
Alors pourquoi est-ce ainsi ? Et bien parce que l’affaire est finalement, du point de vue judiciaire, très mal engagée. Toute la bande de jeunes en question est par définition une bande armée organisée, et dont tous les membres qui ont fini par être identifiés devraient être poursuivis. Mais je crois que ceux qui ne sont pas directement agresseurs sont considérés comme témoins, ce qui me paraît déjà une conception extrêmement réduite de la bande organisée. J’ajouterai que le gabarit respectif du sale type qui a tapé dessus, du gamin, et celui de Christian Lantenois montrent que s’il avait eu à se battre avec l’un ou avec l’autre, Christian l’aurait mis immédiatement hors service, sans aucun problème, vu la différence de gabarit entre Christian et les deux morveux. Mais là, il y avait une bande et il a donc choisi de ne pas se battre et il s’est donc fait massacrer. Donc c’est déjà un premier élément.
Parmi les gens de cette bande, la plupart n’ont pas parlé et n’ont aucune envie de parler. On prétend que le huis clos est pour leur permettre de parler, ce qui me paraît une aimable plaisanterie. Et surtout l’un d’entre eux avait esquissé de répondre à l’interrogatoire, moyennant quoi il a été enlevé, il a été tabassé, on lui a même entaillé les jambes à la hache si j’ai bien compris. Les individus qui ont fait cela ont été identifiés par la rumeur publique qui atteint quand même les oreilles policières. Ils ont été interpellés et puis il ne s’est rien passé parce qu’il n’y avait pas de preuves, et que l’omerta, le silence, le contrôle donc de Croix-Rouge par des forces extérieures à la République s’est refermé et que donc on est dans une situation qui est parfaitement lamentable.
On a les deux personnes qui ont directement tapé sur Christian qui se sont poursuivies, qui naturellement racontent qu’elles ne se sont rendu compte que plus tard que c’était un journaliste. Et si ça n’avait pas été un journaliste, ça aurait été un policier et normalement c’est une circonstance aggravante au point de vue pénal. Et donc même si elles l’ont cru à ce moment-là, cela se devrait être considérée déjà comme circonstance aggravante. Et bien ces deux individus sont les seuls poursuivis, le reste de la bande est devenu de gentils témoins, et bien sûr ils racontent qu’ils n’y sont sinon pour rien, du moins qu’ils n’ont pas compris, qu’ils s’excusent beaucoup, etc, etc.
Ce procès qui aurait pu être exemplaire pour décrire le quotidien d’une bande de jeunes qui défend en fait un trafic de drogue, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom, sur un territoire, qui échappe maintenant à notre République, et bien on aurait pu en faire un exemple et l’exemple va être dans l’autre sens. C’est à dire que « circulez il n’y a rien à voir ». Les deux individus au contact de Christian Lantenois vont probablement être condamnés. Le plus jeune des deux probablement pas beaucoup puisqu’il n’est même pas incarcéré, seul est resté en taule le principal accusé qui était majeur. Donc on va avoir la démonstration inverse que démolir et laisser lourdement handicapé définitif un journaliste dans l’exercice de son métier, c’est parfaitement possible « à pas cher » si on se trouve dans un territoire qui échappe aux lois de la République et c’est ce qui sera malheureusement la leçon du procès.
Professeur Jacques Cohen, vous nous avez fait un très large rappel des faits. Vous avez commencé à nous expliquer ce qu’il peut se passer pendant ce procès. Le verdict n’est pas encore tombé. Que peut-il en être, Professeur Jacques Cohen ?
J’allais vous dire que ça ne m’intéresse pas beaucoup parce que c’est le procès qui est la démonstration. Ce qui arrive aux individus derrière n’est pas le plus important dans cette affaire. Il y aura sûrement une condamnation pour le principal accusé. Je ne sais même pas ce qui va arriver au mineur de l’époque, mais à la limite ça m’indiffère.
Professeur Jacques Cohen, lorsque vous faites ce développement, est ce que quelque part ça veut dire qu’il y a certains quartiers, notamment à Reims, puisque là on prend l’exemple de cette agression de Christian Lantenois, mais en France de manière plus générale, qui sont un petit peu abandonnés par la République quelque part ?
Ils ne sont pas seulement abandonnés par la République, ils sont occupés par d’autres et la République recule. Parce que la solution judiciaire n’est pas faite pour cela. La police applique la loi mais elle reçoit souvent des consignes de modération si l’on peut dire. Est-ce que vous avez entendu parler d’inculpation pour les types qui ont brûlé les poubelles devant le tabac à la bordure de Croix-Rouge après l’avoir pillé lors des émeutes plus récentes que cette affaire ? Il a été choisi de ne rien faire. Tous ceux qui ont pillé le magasin super marché et là c’est carrément toute la population qui a pu y participer et ceux-là non plus il ne leur est rien arrivé et il ne leur arrivera rien, et donc on considère qu’il est sage de ne pas réprimer quand on n’a pas les moyens de tenir durablement le quartier. Donc c’est un recul. De temps en temps on fait sauter une barre d’immeuble parce que l’immeuble était devenu un lieu de drogue un peu trop voyant, mais ça n’avance pas à grand-chose si on n’a pas un plan d’ensemble de reconquête du quartier et d’élimination des forces qui le contrôle. Et quand les islamistes qui pour l’instant attendent sagement leur heure, liquideront les bandes de voyous au profit de leurs propres réseaux commerciaux, et apporteront leur sécurité au quartier, ils seront plébiscités et tiendront en main durablement ce territoire.
Et bien en tout cas un grand merci, Professeur Jacques Cohen, de nous avoir parlé de cette affaire Christian Lantenois et du procès de ses agresseurs qui se tient actuellement à Reims. Et j’ai l’occasion de rappeler une nouvelle fois que la rédaction de RCF Reims-Ardennes soutient évidemment le photoreporter de l’Union Christian Lantenois et ses proches dans cette épreuve. A très bientôt Professeur.
Je suis moi aussi tout à fait à côté de Christian et de sa femme, et donc à bientôt.
Vendredi 4 10 24
Le verdict est rendu : D’après « L’union » Pour le principal accusé, avec antécédents judiciaires, le Parquet avait requis 15 ans dont la moitié incompressible et une expulsion OQTF. Le verdict est de 12 ans dont 6 incompressibles. 5 ans d’interdiction de paraître.. dans la Marne. Pour l’ex mineur 4 ans dont 3 avec sursis, l’année « ferme » sera aménagée à son domicile….
Les condamnés ne feront sans doute pas appel, on ne sait pas encore si le parquet fera appel.
Pour l’enlèvement avec torture du « témoin » bavard, dont le principal accusé est le commanditaire, personne ne sera pas poursuivi « faute de preuves »…