La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen avec nous par téléphone. Professeur, Bonjour.
J HM Cohen le 14/11/2025.
Sur les ondes de RCFI LIEN : »https://www.rcf.fr/actualite/chronique-dactualite/embed?episodeId=632846″
Bonjour.
Merci d’être avec nous. Il y a quelques heures, on célébrait les commémorations du 13 novembre 2015, les attaques, les attentats du 13 novembre 2015. 13 novembre 2025, 10 ans après, évidemment on n’oublie pas, la mémoire reste. D’où votre chronique du jour, le Bataclan, en parler ou la damnation mémorielle. Jacques Cohen, de quoi s’agit-il déjà lorsque l’on parle de damnation mémorielle ?
La damnation mémorielle, c’est en latin la damnatio memoriae, c’est-à-dire la damnation de la mémoire, l’effacement du sujet. C’est une des pires mesures prises chez les latins, le type n’existe plus, n’a jamais existé, personne ne doit en parler, il est interdit d’en parler, etc, etc.

Dans ce portrait de famille de l’empereur Commode, deux personnages sont effacés. Sachez les retrouver et les reconnaître !
On peut aussi remarquer que l’artiste ne les a pas totalement effacés, sans doute délibérément…Pour faire connaître leur disgrâce.
On retrouve cela en fait dans une attitude qu’il y a eu en Nouvelle-Zélande, concernant un type qui avait fait un attentat en tuant du monde à tort et à travers, Et la Premier Ministre avait décidé qu’on n’en parlerait pas, on ne donnerait pas son nom, on ne donnerait rien, il n’existe pas. Et c’est l’inverse de ce qui s’est fait dans la plupart des pays concernant les attentats. Or, si vous regardez de près, ou à deuxième intention, vous apercevez ce que cherchent les gens qui créent des attentats. C’est de tuer quelques personnes, mais c’est surtout d’en impressionner beaucoup d’autres et de créer un sentiment de crainte et de peur, etc. Et bien, on a deux attitudes, c’est dire « mais non, même pas peur », etc , et puis ensuite les gens bavardent, ils vont s’étaler à n’en plus finir sur les victimes, etc, etc. Et bien non, l’autre attitude c’est de dire la damnation de la mémoire, ce type n’existe plus, n’existe pas, n’a jamais existé, et le fait de vouloir obtenir un écho par des attentats de ce genre, Cela ne marche plus parce qu’on n’en parle pas. Bien sûr qu’on n’oublie pas, bien sûr qu’on prend des mesures, bien sûr qu’on enferme ces types définitivement, au lieu par exemple de bavarder sur un pauvre sentiment, la discussion entre les victimes et les assassins, etc, ou autres fariboles. Et bien, les types sont bouclés, on n’en parle plus, ils ne sortent pas, ils n’ont plus le droit de jouer avec un ordinateur et d’organiser les nouveaux attentats comme le type parmi eux qui s’est fait piquer avec des clés USB récemment. Et bien, la damnation de la mémoire, la mémoire maudite , l’oubli formel, c’est aussi une solution, et je vous rappelle c’est la solution des Romains pour décider que l’action d’un type est une action suffisamment grave pour décider qu’il n’existe plus. On peut noter que cette peine était considérée comme suffisamment sévère et infamante pour que son successeur et oncle Claude refuse qu’elle soit appliquée à Caligula.
Cela veut dire, Professeur Jacques Cohen, qu’il y a cette action que faisaient les Romains. A priori, les commémorations organisées à l’occasion du 13 novembre en France, on était plutôt sur le choix d’en parler avec des commémorations effectivement, des récits, ce genre de choses. C’est une attitude, entre guillemets, pour vous quelle est la meilleure solution ?
Et bien il y a les deux possibilités, et moi je penche nettement pour la damnation de la mémoire. La mémoire maudite.
Pourquoi ?
On a encaissé le coup, et derrière on se prépare à éviter que cela se reproduise, on se prépare à punir les coupables, et on ne parle plus d’eux, on ne parle plus de leurs actes. C’est l’affaire, par exemple pour rester sur un truc antique, de l’abruti qui avait foutu le feu à une des sept merveilles du monde pour qu’on se souvienne de lui. Et bien, on ne s’en souviendra pas. On ne s’en souviendra pas parce qu’il n’existe plus. Dans la version romaine, ce type n’aurait pas eu le moindre écho et on l’aurait oublié. Et l’oubli c’est finalement ce que les terroristes ont comme crainte maximale, c’est qu’ils n’obtiennent pas l’écho de leur action et de son élément spectaculaire. Il n’y a plus de spectacle, il n’y a plus rien, il n’existe pas. Mais Cela n’oublie pas des victimes et cela n’oublie pas de punir et de prévenir pour que ces types ne puissent pas recommencer.
Professeur Jacques Cohen, vous citiez l’époque romaine avec ce terme damnatio memoriae, et on regarde ce qu’il s’est fait aujourd’hui en 2025 par rapport aux commémorations des attentats du 13 novembre 2015. Est-ce qu’il y a des exemples, des faits récents où il y aurait eu des attentats, ce genre de choses, où il y aurait eu ce choix justement de ne plus en parler, mais de ne pas oublier tout de même ?
Je vous ai dit aux antipodes en Nouvelle-Zélande c’est ce qui s’est passé à cliquer souris Christchurch en mars 2019.
Donc Cela c’est un des exemples. Est-ce que, à l’inverse, parfois lorsque l’on en parle, c’est peut-être aussi trop souvent raviver les souvenirs ressassés ?
Il y a deux aspects, il y a de raviver les souvenirs, ce qui n’est pas du tout plaisant, et je connais beaucoup de situations où des gens qui ont été dans des épreuves épouvantables préfèrent ne pas en parler ou garder les choses pour eux. J’ai connu beaucoup de cambodgiens qui avaient connu la période difficile des Khmers rouges, et c’est leur attitude la plupart du temps. Et puis, dans l’autre sens, il faut bien voir que l’écho d’une action terroriste c’est exactement ce que cherchent les terroristes, et donc il faut les en priver.
Et il y a aussi on imagine, Jacques Cohen, chez chacun des citoyens une façon différente d’accueillir les choses, de les recevoir, de les vivre aussi. A partir du moment où on fait le choix d’en parler ou de ne pas en parler, il faut jongler avec la susceptibilité des différentes personnes. C’est aussi compliqué de faire accepter un choix ou un autre.
Je pense qu’il faudrait mieux l’expliquer, parce que pour l’instant, je vois beaucoup trop d’actions, d’explications et quasiment de compréhension vis-à-vis des terroristes, et je crois que ce n’est pas du tout ce qu’il faut faire. Il faudrait beaucoup mieux expliquer que les terroristes veulent des échos, veulent la lumière, et qu’ils n’en auront plus, qu’ils seront mis à l’ombre ou à six pieds sous terre, et qu’on n’en entendra plus parler.
Donc c’est avec beaucoup de pédagogie que l’on pourrait peut-être revoir la façon de commémorer certains événements. Merci Professeur Jacques Cohen d’avoir été avec nous. On aura certainement plus d’informations sur votre blog : jhmcohen.com.
Exactement, j’espère pouvoir envoyer la chronique bientôt.
À très bientôt Professeur.
Merci, au revoir.
Pour faire connaître leur disgrâce pour faire connaître