Jacques HM Cohen 9 2 2024
Sur les ondes de RCF: LIEN
La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen qui nous rejoint par téléphone, bonjour.
Bonjour.
Et aujourd’hui, Jacques, dans la chronique d’actualité on va faire un petit focus sur ce qu’il se passe en local notamment dans la ville de Reims, puisqu’il a été annoncé par nos confrères de l’union dans la semaine probablement un nouveau spectacle à l’intérieur de la basilique Saint-Remi les soirs d’été, tout cela à l’initiative de la ville, Jacques Cohen, qu’est-ce que ça traduit si on fait une photographie à votre manière.
Et bien déjà que le spectacle qui tournait exceptionnellement l’été depuis plus de 25 ans ou quasiment était vraiment au bout du rouleau, à la fois dans son concept et aussi, il faut le dire, dans son matériel qui n’avait pas suivi les évolutions de la technique. Donc le fait qu’il faille changer ce spectacle, personne ne peut le remettre en cause. La ville a choisi de faire un spectacle payant cette fois-ci en le concédant à une société pour le faire et non pas à une association bénévole.
Avec les limites du bénévolat qu’on a vues dans ce sujet. Le bénévole, c’est très fier d’être bénévole, mais ce n’est disponible que de temps en temps et finalement le spectacle n’était projeté qu’exceptionnellement nous dirons. Donc effectivement, c’est le même choix que nous avions fait autrefois sur la cathédrale, c’est-à-dire de passer par une société extérieure, que l’équipe suivante a refait pour Régalia à l’extérieur de Saint-Remi, il faut passer à un système professionnalisé.

Le spectacle « Rêves de couleur » sur la façade de la Cathédrale de Reims
Là-dessus, il n’y a également pas beaucoup de discussions, si n’est peut-être sur le niveau technique et le niveau culturel choisi. Par exemple je trouve que la partie musicale de « Regalia » est très en dessous de ce que nous avions fait la fois d’avant avec « Rêves de couleurs ». Pour le reste, je n’en dirai pas plus.
Alors il y a une discussion, c’est que la ville a prévu que ce spectacle dans la basilique serait payant et l’archevêché a fait savoir qu’il voulait avoir son mot à dire. C’est l’occasion de reprendre un point sur les rapports de l’Eglise et de l’État dans les églises où les catholiques sont les affectataires en rappelant qu’il ne s’agit pas d’un point de dogme, si je puis dire, mais l’évolution historique dont on va reprendre simplement les grandes lignes pour arriver à la situation actuelle, rassurez vous assez rapidement.
En 1905, donc séparation de l’Église et de l’État, les biens de l’Église deviennent ceux de l’Etat en échange d’un certain nombre de facilités, que l’Église catholique avait refusé, parce qu’elle choisissait l’épreuve de force. Contrairement aux cultes protestants ou israélites qui avaient bien accepté la loi et en avaient été très largement récompensés, puisque le propriétaire est intégralement responsable de l’entretien du bâtiment, qu’il permet que des associations culturelles soient distinctes des associations cultuelles. Les associations cultuelles ne peuvent pas recevoir de subvention, mais les associations culturelles le peuvent etc.
Et l’église catholique a finalement choisi de faire la paix. D’ailleurs on peut rythmer cette paix par la progression de la sainteté de Jeanne d’Arc. Elle a été béatifiée je crois vers 1908 ou 1909 et elle sera canonisée beaucoup plus tard qu’on le pense, en 1920 pour sceller la réconciliation qui avait eu lieu dans l’union sacrée de l’Église catholique et de la République, où l’église de France un peu gallicane s’était opposée aux tentatives de paix blanche auxquelles le Vatican était favorable en 1917. Donc au-delà l’Église catholique récupère les avantages des autres et on a une situation qui n’a pratiquement pas changé. L’église catholique est affectataire, c’est-à-dire qu’elle a toute l’attitude pour organiser comme elle le veut et quand elle le veut toutes manifestations du culte à l’intérieur de l’église. Le propriétaire lui a toutes les contraintes d’un propriétaire. Il ne peut pas les virer bien sûr, il ne touche aucun loyer en l’occurrence, il doit assurer l’intégralité de l’entretien, mais on va voir qu’il peut y avoir des limites à cette notion d’entretien. L’entretien du gros œuvre personne n’en discute. Mais l’entretien des orgues par exemple, c’est plus discutable, si ces orgues servent à la fois aux cultes et à des manifestations culturelles et touristiques, il n’y a pas de problème. La municipalité, puisque c’est le cas pour un établissement comme Saint-Remi, alors que les cathédrales sont pour la plupart la propriété de l’État, donc la ville doit payer. Mais à l’inverse, si l’affectataire a la prétention de revendiquer qu’il ne puisse pas y avoir de manifestation culturelle sur l’orgue, ni de manifestation lumineuse, il est peu probable que la municipalité paye l’entretien. Elle payera le gros œuvre y compris le gros œuvre de l’orgue, mais pour le reste la municipalité est en droit de considérer qu’elle n’a pas à payer puisque c’est uniquement cultuel. A l’inverse, quand on a du culturel, l’éclairage bien évidemment est généralement pris en charge pour sa totalité ou pour une grande partie par la puissance publique. Donc vous voyez qu’il y a un certain nombre de choses qui sont non pas floues, mais qui sont à géométrie variable selon les bonnes volontés réciproques. On retrouve cela également sur la recette parce que malheureusement en ce bas monde, tout le monde a besoin d’argent pour vivre, même les paroisses. Et donc quand il y a des concerts par exemple la question des dédommagements de l’affectataire pour le dérangement de ses chaises ou des horaires de ceci ou cela se pose aussi. et on arrive généralement à un compromis qui est validé par la répartition des recettes. Donc la plupart du temps il n’y a pas problème.
De temps en temps il y a des paroisses qui ont une position maximaliste à ne pas vouloir de manifestations hors cultes, qui veulent en quelque sorte fermer la mosquée aux infidèles. Elles n’y sont pas fondées juridiquement, mais comme elles peuvent mettre un élément de culte n’importe quand, elles peuvent effectivement paralyser. Ces paroisses ne touchent alors pas un rond des concerts qu’elles ont empêchés. Et leurs paroissiens sont fondés à le leur reprocher. ! A l’inverse, la plupart du temps les choses se passent bien. Mais de temps en temps, j’allais dire, il y a de part et d’autre une tendance à vouloir montrer que chacun a un droit de cité à l’intérieur, mais la plupart du temps cela peut s’arranger assez raisonnablement. Alors là dans le cas de Saint-Remi pour y revenir, se pose aussi la question de la gratuité ou pas du spectacle.
Justement Jacques Cohen, puisque vous parlez de la potentielle gratuité ou pas du spectacle, on a aussi envie de savoir et vous pourrez, j’allais dire, prolonger votre propos, mais qui paye quoi ? C’est ce que l’on veut savoir aussi.
Et bien pour prendre un exemple, la ville avait proposé il y a quelques années de mettre en place une représentation du labyrinthe et des documents correspondants dans la cathédrale. L’archevêché avait préféré dire qu’il s’en chargeait. Il s’en est chargé sous la forme de trouver des mécènes qui l’ont payé, et de fait la ville n’a pas eu à payer. Même si la ville aurait voulu faire quelque chose d’un peu plus ambitieux que ce qui a été fait. Donc vous voyez que là aussi pour l’argent tout le monde va le chercher si possible en dehors de la poche du contribuable ou du paroissien quand on peut y arriver.
L’autre élément, c’est que ce spectacle payant ne me paraît pas personnellement une bonne idée. Au moment où on s’aperçoit que les musées gratuits sont une bonne solution de fréquentation, profiter que le spectacle est en intérieur pour y mettre un guichet, alors que le spectacle extérieur par définition est gratuit, ça ne me paraît pas d’une cohérence totale, ni d’un attrait touristique excellent. Comme vous savez, il y a aussi une discussion qui est menée depuis longtemps, qui est une impasse en France, c’est la question du paiement des visites à l’intérieur, des visites touristiques. Ça se passe dans d’autre pays, chez nous finalement jusqu’à présent aussi bien les puissances publiques que l’église s’y sont toujours opposées. L’église disant que chacun peut venir librement parce qu’il peut parfois être touché par la grâce et la puissance publique disant que ce qui lui appartient, appartient à tous les citoyens, que c’est aussi un atout d’attraction touristique et que ce n’est peut-être pas une très bonne idée de faire payer, quoique l’entretien coûte cher à tout le monde. Pour l’instant, on en est encore dans ce statu quo sur les visites et donc les spectacles payants. Je pense qu’il est difficile en France de changer et de passer à système payant comme c’est le cas par exemple en Espagne, mais on verra avec l’évolution des choses.
Vous me direz que je viens de parler des concerts qui sont des spectacles payants. Mais il s’agit de représentations uniques et pas d’un spectacle récurrent.
En tout cas pour le spectacle qui est prévu, on peut souhaiter d’une part qu’il soit de bonne qualité, qu’il n’y ait pas de concessions sur son niveau culturel et sa qualité artistique, qu’il soit donc confié à de bons artistes et donc pas nécessairement au moins disant, et d’autre part qu’il puisse être mise en place rapidement et qu’il participe à l’attraction touristique de notre cité.
Et bien merci Professeur Jacques Cohen de nous avoir éclairés sur ce nouveau spectacle son et lumière qui devrait donc voir le jour normalement pour cet été à l’intérieur de la basilique Saint-Remi de la ville de Reims. On rappelle bien qu’il n’a rien à voir le spectacle extérieur Regalia qui lui est projeté même un peu plus loin que l’été d’ailleurs sur la façade de la basilique Saint-Remi Regalia et également sur la façade de la cathédrale avec deux histoires qui normalement se suivent. Merci Professeur Jaques Cohen. Vous pourrez aussi prolonger votre propos sur votre blog jhmcohen.com. A très bientôt.
A très bientôt. J’ajouterai juste une chose c’est que nous sommes en février et penser qu’il pourrait prêt pour cet été, ça me paraît ambitieux et présomptueux et surtout dangereux, parce que rien n’est pire qu’un spectacle bâclé qui traîne des années dans un lieu public et qui finalement n’attire pas. Il vaut mieux faire quelque chose de bien en prenant un peu plus de temps.
Ça sera le mot de la fin, merci Professeur, à bientôt.
A bientôt.