JHM COHEN le 17 mai 2024
Sur les ondes de RCF: LIEN
Le chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen avec nous par téléphone, Professeur bonjour.
Bonjour.
Et on va faire si vous le voulez bien aujourd’hui un zoom sur l’Israël et j’allais dire sur la catastrophe politique qui touche le pays actuellement.
Effectivement, la conduite de la guerre est tout à fait catastrophique et conduit à une dégringolade des positions politiques internationales d’Israël. Comme vous le savez, dès le mois de novembre j’ai indiqué la victoire du Hamas, parce que pour une contre-insurrection il faut enlever les civils et après on peut massacrer les combattants. Mais si les civils ne sont pas enlevés, et bien l’insurrection reste comme un poisson dans l’eau. Plus on tape dessus, plus on tue de civils, quels que soient les efforts qu’on fait pour en tuer le moins possible.

Cour Pénale Internationale CPI la Haye
Plus on tape dessus, plus on tue de civils quels que soient les efforts qu’on fait pour en tuer le moins possible. Et de ce point de vue-là, initialement manifestement les Israéliens pensaient que les Égyptiens ouvriraient leur frontière sous la pression des États-Unis permettant d’évacuer les civils. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils n’ont pas commencé par couper cette frontière, ce qui militairement était de loin le plus logique. A partir du moment où les Égyptiens ne prenaient pas les civils, les Israéliens n’avaient qu’un seul choix à mon avis positif c’est de les prendre eux-mêmes. C’est-à-dire de les mettre dans le Néguev, voire même dans les kibboutz qui avaient été dévastés par le Hamas.
D‘indiquer à ce moment-là aux égyptiens qu’ayant pris eux les femmes, les enfants et les vieillards et bien qu’ils accueillent les hommes qui rendent les armes sinon on ne pourra pas éviter d’en tuer en massacrant les combattants. Ce qui aurait été très difficile pour les Égyptiens de ne pas accpter. Mais sous la pression de son extrême droite, Netanyahou n’a pas voulu de cette solution qui en plus avait l’inconvénient pour lui de mettre le doigt dans l’engrenage d’une solution à un seul état, un état binational fédéral, mais un seul état à partir du moment où on met pas mal de Palestiniens sur le territoire israélien, même si c’est temporaire.
Et les choses se déroulent hélas comme prévisible, c’est-à-dire que le Hamas n’a pas pu être éradiqué, n’a pas pu être coupé de la population civile dont il reprend le contrôle comme un état totalitaire islamiste tout à fait déplaisant qui utilise tous les moyens de violence bien sûr. Et de ce point de vue-là, on ne voit pas de solution immédiate. Netanyahou a probablement compris l’évolution des choses et il lui faut la tête de Yahya Sinouar pour prétendre qu’il a gagné la guerre. Je pense que le Hamas de l’extérieur ne serait pas mécontent de la lui donner, mais le plus cher possible et le plus tard possible. Et là-dessus, une étape significative de dégringolade est l’affaire de la CPI. Les Israéliens avaient transmis depuis longtemps un dossier à la CPI pour faire inculper le Hamas, pour l’action pogromiste du 7 octobre. La cour pénale internationale, du moins son procureur, ne s’est pas pressée et justement a choisi un dos-à-dos, a choisi de demander une inculpation aussi bien du Hamas que de Netanyahou et du chef d’état-major. C’est une position inadmissible, parce qu’on ne peut pas mettre en parallèle une agression terroriste sur des civils et la riposte militaire même si elle n’est pas mesurée. Parce qu’à cette échelle-là, on ne voit pas pourquoi Zelensky ne serait pas traduit devant la CPI en même temps que Poutine, puisqu’il a choisi d’attaquer y compris en fédération de Russie, y compris avec des missiles à fragmentation et qu’il tue effectivement des civils. Alors, vous me direz il ne le fait pas exprès, il en tue en moins possible, mais c’est exactement ce que raconte Poutine et puis ce n’est pas une question de nombre. Donc en fait, la seule argumentation qui justifie que Zelensky ne soit pas devant la CPI en même temps que Poutine, c’est que c’est l’autre qui a commencé. Poutine est clairement l’agresseur et donc même si Zelensky utilise des moyens qui peuvent être discutables avec une guerre qui de toute façon comporte des bavures, parce que la guerre propre cela n’existe pas, on se retrouve dans une situation qui est en fait très parallèle de la situation Netanyahou contre le Hamas. Quelles que soient les erreurs sur la conduite de la guerre par Netanyahou, Israël est clairement l’agressé.
A ce stade là, on voit une coupure dans les pays européens, certains comme l’Espagne soutenant cette attitude du dos-à-dos, au contraire de l’Allemagne qui soutient résolument Israël, et la France ayant une attitude ambiguë. Le premier communiqué du Quai d’Orsay était assez déplorable. Et puis maintenant l’attitude est qu’on soutient la CPI mais pas forcément les mesures que propose le procureur. Donc c’est quand même un signe de dégradation de la position Israélienne qui est assez net. Et les choses ne peuvent que continuer. Si la situation se gèle en l’état, avec des destructions colossales, le Hamas va continuer à contrôler la population palestinienne qui a beaucoup souffert à Gaza. Si les Israéliens poursuivent et bien ils poursuivront la destruction d’une part, mais cela va également faire survivre l’emprise politique du Hamas par les morts civils qui vont continuer à croître. Et on va déjà avoir un effet à court terme de cette position de la CPI, c’est une pression dans la société israélienne pour dire que de toute façon puisqu’on est tout seul et que les mesures qu’on prend pour essayer d’épargner le maximum de civils ne sont pas considérées convenablement, et bien ce n’est pas la peine qu’on perde des soldats à prendre des précautions. On peut taper plus fort.
Et j’ai peur que ce soit ce qui se produise sous la réserve néanmoins de la pression américaine qui là est salutaire, car Biden a intérêt à ce qu’il ne se passe pas trop de choses qui puissent conduire une partie de l’opinion américaine à se réfugier dans l’abstention, c’est-à-dire dans le fait de ne pas voter ni pour les Républicains ni pour les Démocrates, ce qui commence déjà à représenter plus d’une dizaine ou une quinzaine de pourcents, ce qui est très considérable par rapport à d’habitude.
Donc vous voyez que malheureusement les choses s’enchaînent comme aux échecs après une ouverture ratée. II n’y a pas beaucoup de solutions pour Netanyahou maintenant, à moins si j’ose dire de renverser l’échiquier en décidant maintenant les mesures qu’il n’a pas prises au début, d’accueillir les civils,. Elles auront moins d’impact que s’il les avait prises au début, mais finalement cela pourra être quand même salutaire pour restaurer son image et arriver à éviter cette attitude catastrophique qui est : « au fond c’est pareil », le massacre du 7 octobre, renvoie à celui de Deir Yassin en 1948, un massacre de palestiniens, et dans un autre sens Israël répond qu’en 1930 à Hébron il y a eu un pogrom faisant 70 morts, et on peut remonter comme cela hélas pendant longtemps. Cette affaire de la CPI n’est que le symptôme d’une étape de la dégradation du rapport de force international israélien à partir d’une erreur majeure sur la façon de répondre après le pogrom du 7 octobre.
Et bien un grand merci Professeur Jacques Cohen, de nous avoir éclairés évidement sur ces différents conflits et comment gérer cette politique internationale. On imagine qu’il aura d’autres événements qui seront davantage développés sur votre blog jhmcohen.com, cela sera d’ici quelques jours. Nous on vous dit à très bientôt, a priori la semaine prochaine, Professeur.
A bientôt.