Administration Trump: Caligula le retour.

Jacques HM Cohen 21 11 2024

Sur les ondes de RCF: LIEN

Bonjour.

Merci d’être avec nous pour nous présenter l’actualité, décortiquer l’actualité que vous avez en vue, et aujourd’hui vous nous emmenez aux États-Unis. Il y a quelques jours maintenant, on a appris que Donald Trump serait le nouveau président des États-Unis d’ici quelques semaines, d’ici quelques mois, et il est en train de mettre en place son administration. Jacques Cohen, on est surpris par les nominations, que-ce-que ça veut dire pour vous, Professeur ?

Et bien, les nominations dans l’administration comme on dit en termes américains, le gouvernement pour les Français, de Trump ne correspondent pas du tout aux choses habituelles et l’interprétation en la matière ne colle pas du tout. Trump se moque éperdument de qui sera ministre pour parler en termes français. Il compte gouverner avec une petite bande de copains, et les ministres qui chapeautent des administrations, ils s’en moquent éperdument.

caligula

Le jeune psychopathe ne ressemblait pas physiquement à Trump mais psychologiquement, il y a des points communs.

De même que du côté des parlementaires, des sénateurs, des représentants, à partir du moment où il les tient, il se moque éperdument de faire fonctionner l’institution et il compte fonctionner tout seul. Alors de ce point de vue-là, les nominations sont assez ahurissantes quand on croit qu’il s’agit de nommer des ministres qui vont gouverner quelque chose, mais ce n’est pas du tout le cas.

Si on prend simplement un tout petit balayage, on a dans les nominations un certain nombre de bateleurs de plateaux télé, c’est quand même déjà assez étonnant. On a une organisatrice de match de catch, là aussi on n’est quand même pas tout à fait dans le personnel habituel j’allais dire équivalent à la sortie de l’ENA. Et on a une responsable des services spéciaux qui alors là doit donner des sueurs froides à ses administrés, à ses ressortissants plutôt, parce que c’est une ancienne soldat américain en Irak qui a constaté, ce qui est tout à fait exact, qu’aider les gens en leur foutant des bombes sur la gueule cela ne vous fait pas aimer et c’est un désastre. Qui donc est contre les interventions militaires extérieures des États-Unis qui sont pourtant la base de leur politique depuis 70 ans. Et de ce fait, elle est très bien vue des Russes, elle serait un petit peu tentée à dire du bien des Russes et de Poutine et de ses protégés, et donc elle se retrouve à la tête des services spéciaux comme leur coordinatrice. C’est quand même quelque chose qui paraît assez extraordinaire.

Mais il faut raisonner différemment. Tout simplement parce qu’en la matière, Trump est la réincarnation de Caligula. C’est un empereur Romain, vous vous en souvenez, et cet empereur avait deux aspects. D’une part, il était fou et d’autre part, il se servait de sa folie. C’est justement pour cela que c’est un personnage très intéressant et passionnant. De la pièce de Camus lui étant consacré, il y a eu ce  commentaire extraordinaire: « la politique donne sa chance à l’impossible ». Et bien, l’impossible dans le gouvernement Trump, l’idée de Trump, c’est de faire disparaître toutes les administrations, dégraisser, pour retrouver une fluidité parfaite et une activité basée sur l’initiative individuelle, c’est à dire le libertarisme Américain à l’état pur, Et cela c’est l’impossible parce qu’une société ne peut fonctionner qu’avec des structures, sinon dès qu’elle prend une certaine taille cela va tourner au désastre et à la Tour de Babel en quelque sorte.

Et donc Caligula utilisait sa folie pour terroriser ses adversaires politiques et appliquer sa politique. Alors sa politique n’était pas totalement stupide, ce n’est pas du tout celle de Trump. C’est une politique de grands travaux pour des infrastructures, une politique militaire, mais également de développement. Il avait par exemple organisé des grandes manœuvres à Boulogne pour tirer dans la mer parce qu’il préparait l’invasion de la Grande-Bretagne qu’il n’aura pas le temps de faire, c’est Claude son successeur qui le fera. Et il va même faire des raids. On oublie qu’il a été récupérer les quelques survivants otages en Allemagne de la défaite de Varus qui avaient perdu ses trois légions, 20 ans après, il est allé faire un raid pour les récupérer, c’est assez spectaculaire. Mais le reste du temps, c’était un personnage dont on connaît les frasques, qu’elles soient sexuelles, d’ivrognerie, tout ce qu’on veut. Mais par exemple, il avait fait nommer son cheval sénateur pour humilier le Sénat, de même qu’il avait exigé que les sénateurs aient une mèche colorée qui était à l’époque à Rome le signe de reconnaissance des prostituées. Il avait créé le bordel impérial pour que les riches soient obligés d’y aller et payent très très cher, puisque lui-même y contribuait comme acteur à l’intérieur, payent très très cher de façon à renflouer les caisses de l’État. Avec un sens certain de la mise en scène et du spectacle, il avait même réquisitionné son oncle le futur empereur Claude comme aboyeur à l’entrée.

Alors pour l’instant, nous avons nous aussi des problèmes de recettes, mais je n’ai pas vu ressortir cette solution d’un bordel d’État à contribution obligatoire pour les revenus élevés. Donc je m’égare un peu et nous revenons à Trump et à Caligula. Caligula avait utilisé aussi abondamment la formule « peu importe qu’ils me haïssent s’ils me craignent », qui était d’ailleurs un petit peu nuancée parce que d’abord c’était une formule d’une pièce consacrée aux Atrides, vous savez les rois de tragédies grecques, et la formule initiale effectivement très proche c’est « oderint dum metuant » mais son prédécesseur Tibère avait utilisé la formule en la modifiant d’une façon qui pourrait être plus adaptée au régime actuel « oderint dum probent », c’est à dire en gros tant qu’ils obéissent ou tant qu’ils m’approuvent et votent pour moi. C’est à dire que, appliqué aux Chambres aux USA, c’est tout à fait ce qui va se passer, du moins dans un premier temps. Parce que je ne suis pas sûr que, comme Caligula d’ailleurs, Trump soit capable de maîtriser ses deux chambres quand elles vont commencer à tousser sur un certain nombre de choses qui vont paraître comme complètement folles.

Alors il y a une autre différence, mais c’est toujours le problème pour les fous, si je puis dire, en politique c’est que on a toujours du mal à juger s’il utilise sa folie comme un outil pratique, ou si c’est, j’allais dire, de la folie à l’état brut. Dans le cas de Trump, je ne le vois pas aussi retors que Caligula, je crains qu’on ait de l’expression directe de la folie, d’autant plus qu’il commence à être âgé et que ce qui est souvent oublié c’est qu’il y a très souvent avec les débuts de dégradation intellectuelle et les signes qui le montrent, il y a très souvent une levée des inhibitions, et donc il tente des coups ou fait des choses qu’on pourra dire de façon simple, de plus en plus gonflées. Et alors cela peut passer, mais cela peut aussi faire des désastres majeurs. Donc on est dans une période, pour conclure, dans une période d’incertitude où Trump va gouverner avec un tout petit groupe dont Musk par exemple. Vous me direz il est nommé quasiment ministre, oui mais il n’a pas d’administration. Et les ministres dont Trump n’a rien à foutre, ce sont ceux qui ont une administration à contrôler. Puisque cette administration, il veut que Musk lui la réduise à grands coups de serpe ou de hache et donc le rôle de Musk a toutes les chances d’être important.

Et lui aussi, c’est un personnage dont on peut considérer que le raisonnement mental, j’allais dire la santé mentale, n’est pas tout à fait celle de tout le monde. Donc on rentre dans une période d’incertitude parce qu’il est toujours très difficile de deviner ce que vont faire des gens qui ne sont pas rationnels.

Et bien merci, Professeur Jacques Cohen, de nous avoir emmenés entre États-Unis et empire Romain aujourd’hui. Et on vous dit à très bientôt, sans oublier de passer par votre blog d’ici là, jhmcohen.com.

À bientôt.

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