Les deux prochaines guerres du Moyen-Orient

J HM Cohen le le 23 octobre 2025

sur les ondes de RCF : lien en attente « https://www.rcf.fr/actualite/chronique-dactualite/embed?episodeId=626619 »

La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen avec nous par téléphone. Professeur, Bonjour.

Bonjour.

Merci d’être avec nous. Et cette semaine, Jacques Cohen, vous vous transformez, si j’ose dire, en Madame Irma. Vous allez sortir la boule de cristal, tirer les cartes, et anticiper sur les deux prochaines guerres du Moyen-Orient, c’est à dire Jacques Cohen ?

Alors on n’est pas absolument certain de l’ordre dans lesquelles elles vont se produire, mais inéluctablement ce sont des affrontements. Alors resteront-ils des guerres froides ? Ou se transformeront-ils, comme c’est malheureusement le plus probable, en guerres chaudes ?

Une géographie physique mais aussi une géographie religieuse…

La plus grande zone chiite est très loin d’Israël…

Nous allons les passer en revue. Il y a une guerre très importante qui est l’implantation de l’Empire Ottoman, c’est-à-dire en fait de la Turquie, qui profite des circonstances pour placer ses pions en Syrie. C’est un fait important, et surtout placer ses pions à Gaza en devenant un des éléments de la force d’interposition, etc, qui permettrait au Hamas et donc en dernière analyse aux Frères Musulmans de mettre les pieds dans le territoire et dans le jeu politique égyptien et israélien.

Alors évidemment, pour les Égyptiens encore plus que pour les Israéliens, il n’en est pas question. L’Empire Ottoman, cela leur rappelle quelque chose. Mais les Frères Musulmans, Erdoğan, vont donc tenter de s’insérer plus ou moins délicatement.

Alors fidèles à leurs tactiques, les Frères Musulmans tentent toujours de passer en douceur, si je puis dire, et de ne pas casser les choses. Et là, il s’agit pour eux pas à pas d’obtenir une situation qui leur donne un avantage décisif. Mais là, le problème auquel ils vont être confrontés c’est que les Israéliens ne sont pas du tout d’accord. Et la politique de Netanyahou, « la paix par la force », va très probablement s’appliquer.

C’est-à-dire ou les Frères Musulmans, donc la Turquie, donc l’Empire Ottoman, reculent, ou bien il y aura une guerre. Et savoir si elle se passera à Gaza ou si elle se passera en Syrie, ce n’est pas tout à fait certain, mais en tous cas si les uns et les autres considèrent que le rapport de force serait plus favorable qu’ils ne le pensent et vice-versa, et bien il y aura une guerre.

Et c’est une guerre importante parce que la Turquie est le seul pays disposant d’une armée significative dans le coin. Aucun des autres pays n’a les moyens d’esquisser un geste par rapport à Israël, mais la Turquie le peut. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne serait pas battue, mais cela veut dire que l’addition serait particulièrement élevée.

Donc la deuxième guerre prévisible, c’est une guerre qui est d’autant plus prévisible qu’elle avait commencé mais, qu’elle a été gelée.

Il s’agit de la guerre entre le le Hezbollah et le Liban. Alors le Liban c’est une mosaïque, c’est même plutôt un château de cartes qu’une mosaïque. Les Américains ont obtenu un coup d’arrêt de la part des Israéliens ayant liquidé Nasrallah et quelques autres, et puis ils finalement ayant interdit aux Israéliens de terminer le boulot. Moyennant quoi le régime libanais devait obtenir le désarmement du Hezbollah Et là on voit très bien que le Hezbollah choisit l’affrontement. Il choisit de maintenir sa ligne, et pas seulement en paroles, mais d’obtenir de rester une force militaro-politique et donc une des puissances du Liban.

Et cela pour les Israéliens, c’est la certitude que s’ils ne font rien il faudra recommencer rapidement. La question est de choix tactique : quand les Israéliens vont-ils considérer que la plaisanterie a assez duré et poursuivre la politique d’anéantissement du Hezbollah qu’ils avaient commencé et que le Hezbollah a contrebattu ? Alors pourquoi le Hezbollah continue-t-il alors que son avenir militaire paraît des plus sombres ? Et bien c’est une politique de fuite en avant. Il s’agit non plus de d‘occuper des malheureuses fermes de Chebaa au sud du Liban, mais d’aller carrément jusqu’à Tripoli. Il s’agit d’envahir une grande partie du Liban en considérant que les Israéliens n’auront pas les moyens matériels et humains de couvrir une telle situation à l’échelle de ce pays. Mais rien n’est moins sûr, parce qu’effectivement je vous ai dit que le Liban était un château de cartes, mais ses différentes factions peuvent se réconcilier les unes avec les autres, et surtout se battre les unes avec les autres, ce qui peut aboutir à une situation assez défavorable de destruction massive à faire passer Gaza pour une petite chose par rapport à l’ensemble du Liban.

Et donc le raisonnement est ce que je vous avais déjà indiqué : la politique de « la paix par la force cela » s’arrête où ? Exactement de la même façon que la Macédoine armée a fini par conquérir non seulement la Grèce, mais tout l’Empire Perse, et l’Égypte d’ailleurs au passage, avant d’aller finir en Afghanistan. Donc une situation où malheureusement la politique du pire, si elle est assumée par le Hezbollah, ne pourra que rencontrer la politique du pire, quelle qu’en soit l’échelle et quel qu’en soit le prix de la part des Israéliens.

Professeur Jacques Cohen, vous avez commencé par nous dire qu’il y aurait ces deux prochaines guerres du côté du Moyen-Orient, qu’on ne savait pas dans quel ordre elles arriveraient, l’une et l’autre certainement, mais que quoi qu’il en soit elles arriveraient. On sent bien quand même qu’il y a à la fois, j’allais dire, des différences mais aussi des éléments similaires en termes d’enjeux, etc, dans chacune de ces deux guerres, pour des territoires différents bien évidemment, mais on sent qu’il y a des similitudes dans chacune, et en même temps aussi qu’il y a des caractéristiques propres à chacune.

Bien sûr, il y a des caractéristiques propres, mais prenons déjà les similitudes. Les similitudes, c’est d’être la projection du conflit entre l’Iran et le reste du Moyen-Orient. Parce que les pays arabes ne représentent qu’un côté hostile aux Iraniens, et après il y a quelques nuances.

Mais si les Iraniens peuvent placer leurs pions, continuent à placer leurs pions au Liban, à ce moment-là la guerre sera bien sûr inévitable. Et de l’autre côté, il y a toujours, rappelez-vous, les Houthis qui continuent à démolir de temps en temps un bateau, qui continuent donc à interdire de fait la circulation en mer Rouge. Je vous rappelle que le blocus du détroit de Tiran avait été la cause d’une des guerres israélo-arabes, et que s’imaginer que cela peut durer longtemps sans qu’il y ait d’affrontement paraît quelque peu douteux. Ensuite, il y a toujours la même chose, c’est-à-dire que l’arme atomique des Iraniens c’est le pétrole. C’est-à-dire que tant qu’ils sont capables de détruire la production pétrolière et gazière de la région, et bien les autres pays, y compris les Etats-Unis, y regardent à deux fois avant de faire monter les enchères. Mais il n’est pas sûr que ce raisonnement fonctionne indéfiniment. Nous y reviendrons un de ces jours, mais il n’est pas sûr que le pétrole et le gaz du Golfe soient indéfiniment une solution indispensables à d’autres pays majeurs. Et à ce moment-là si cette dissuasion disparaît, on aura évidemment des affrontements majeurs et immédiats pour rééquilibrer les rapports de force et faire reculer la Perse en quelque sorte, un peu comme l’empire historique, mais sans le rapport à la force dont elle dispose actuellement comme force de dissuasion de la capacité d’anéantir le gaz et le pétrole du Golfe.

Et bien merci Professeur Jacques Cohen de nous avoir éclairés dans cette question d’actualité. Plus d’informations toujours sur votre blog, jhmcohen.com. À très bientôt.

À très bientôt.

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