La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen avec nous par téléphone. Jacques, bonjour.
Jacques HM Cohen le 12/12/2025
sur les ondes de RCF : LIEN
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Bonjour.
Merci d’être avec nous pour évoquer ce conflit Russie-Ukraine. Russie-USA, des alliés paradoxaux contre l’Union européenne. Et c’est assez drôle parce que j’ai parlé de ce conflit Russie-Ukraine, mais on a l’impression maintenant que c’est vraiment un conflit contre toute l’Europe presque, Jacques Cohen.
Et bien, ce n’est pas tellement que c’est un conflit contre toute l’Europe, mais c’est un conflit contre l’Europe d’une part, de la part des USA et de la Russie. Finalement, Russie et USA ont des intérêts objectifs ou intérêts communs qui peuvent paraître paradoxaux.
Pour l’instant, on a un premier tableau qui est de dire qu’il y a une guerre en Ukraine et les Européens ont peur que la guerre s’étende et finisse chez eux, et que les Américains ont indiqué qu’ils ne feraient pas grand-chose dans ce cas.
Après on voit les Européens totalement va-t’en guerre, suspecter les Russes des plus noirs dessins, annoncer que l’on va faire la guerre bientôt, devoir envoyer la jeunesse se faire trouer la peau, etc, etc. Dans la mesure où l’Europe n’a pas les moyens réels d’une guerre, on ne voit pas très très bien quel était l’intérêt des Européens à crier ainsi au loup.
Finalement il y en a un. Il y en a un, c’est que si la guerre de l’Ukraine reste une guerre froide, une guerre de compétition entre Russie et États-Unis, et bien les États-Unis peuvent mettre des conditions d’une barre de plus en plus haute pour obliger que leurs alliés, ou j’allais dire leurs vassaux parce que c’est plus exact, se conforment à ce que eux souhaitent. On va voir tout à l’heure quels sont les enjeux pour les USA.
Si en revanche la guerre dérape et déborde, à ce moment-là les USA seront obligés d’aider les Européens pour ne pas perdre tout le continent, et de ce point de vue-là c’est une situation d’où les Européens s’en sortent. Parce que s’il n’y a qu’une guerre limitée ou une guerre froide, puisque finalement c’est ce qu’on a eu autrefois, et bien les Européens se retrouve dans une c mauvaise situation. Ils sont les vassaux des États-Unis, lesquels veulent les faire payer tout simplement. Ils veulent les faire payer pour acheter des armes d’une part, pour surtout vendre leur pétrole et leur gaz liquéfié. I
l est quand même extraordinaire que les Européens viennent de céder, que de cesser de prendre du pétrole russe ou du gaz russe, avec comme corollaire que cela va nous coûter facilement 15-20 % plus cher. C’est tout bénef pour les Etats-Unis. Et que non seulement cela va nous coûter plus cher, mais en termes de bilan énergétique, puisque ce gaz de schiste est liquéfié, j’allais dire décongelé, au point de vue bilan énergétique c’est un désastre. On perd là aussi, au point de vue du réchauffement de la planète, gratuitement à nouveau 15 à 20 % du bilan énergétique. Alors que bien évidemment les pipelines ou le pétrole russe, lui il n’y a pas besoin de l’extraire et de le traiter le comprimer, de le décomprimer, de le liquéfier, etc, etc.
En effet, la situation européenne devient extrêmement tangente. Il n’y a pas de conflit majeur parce que les États-Unis ont décidé de mettre des pressions économiques importantes vis-à-vis des différents partenaires européens dans un but bien net qui est de faire exploser l’Union Européenne. Pour eux l’Union Européenne, si elle avait la moindre velléité d’avoir un poids politique, cela serait un ennemi à liquider dans les meilleurs délais. Donc effectivement, faire monter l’eau, et de ce point de vue-là la Russie aide finalement les États-Unis, et avoir des conditions de balkanisation d’une Europe vassalisée, et bien c’est une bonne chose. Comme pour d’autres.
Et cela montre d’ailleurs que les États-Unis ne croient pas vraiment à une menace russe puisqu’ils vont utiliser les Russes comme croque-mitaines vis-à-vis de l’Union Européenne, ce qui a l’air de marcher, que les Européens soient dupes ou bien au contraire qu’ils se disent qu’ils vont finalement coincer les Américains à ce que ce soit une guerre plus dure et plus large que ce qu’ils ne pensaient et qu’à ce moment-là ils seront enfin, du point de vue européen, obligés de nous aider.
Parce qu’on pouvait se poser la question au départ, mais qu’est-ce que les Européens ont à gagner à agiter la muleta comme cela chez les Russes, alors qu’on n’a pas les moyens de faire une guerre sérieuse vis-à-vis des Russes. Et bien finalement, c’est cela la seule chose que les Européens puissent jouer comme carte, c’est de montrer par leur hostilité et par le durcissement de la situation, qu’avec un petit peu de chance on pourrait obliger les Américains à nous aider, à condition que les Russes perdent leur sang-froid. Parce que si les Russes continuent, cesser de désigner les rodomontades européennes pour les prendre cette fois au sérieux et agir en conséquence, et bien à ce moment-là, les Américains se retrouvent dans une situation où ils sont obligés de changer de tactique et de défendre les Européens. Malheureusement, j’ai bien l’impression que les accords sont passés entre Russie et États-Unis, à base bien sûr d’activité économique et de prédation ou de rançons de la part des Russes qui payent finalement pour effacer la bêtise profonde qui a été faite de lancer cette guerre. Et bien avec cela les Européens vont se retrouver finalement assez marginalisés.
Et justement, Professeur Jacques Cohen, par rapport à cette situation, quelle position doit adopter l’Europe maintenant ?
Je crois de toute façon que notre libre arbitre est assez limité. Même si nous voulions déclencher la guerre en Russie, nous n’en aurions pas les moyens. Déclencher la guerre en Russie, cela veut dire viser les centres névralgiques et détruire l’économie russe, même si on a quelques petites choses qui sont réussies par les Ukrainiens, les Américains savent très bien, et les Européens aussi d’ailleurs, que les Russes ont des moyens de rétorsion tout à fait sérieux, que l’Union européenne est extrêmement fragile. Et que s’il fallait se retrouver avec un continent parsemé de ruines, cela serait très mauvais pour les affaires qui sont ce que vous savez le point le plus important au monde pour Trump. Donc les Européens n’ont guère les moyens de déclencher quelque chose de grave, ou alors il faudrait qu’ils s’échappent complètement de la tutelle américaine pour cela. Et ce serait d’ailleurs très dommage que l’on obtienne de faire une guerre mondiale tout simplement pour le bénéfice d’essayer d’échapper à une guerre commerciale.
En tout cas la position russe elle semble, j’allais dire, un peu plus claire avec des déclarations venues dans les médias russes en tout cas, qui en début de semaine disaient : nous sommes en guerre avec l’Europe au-delà de l’Ukraine.
Oui et non, les Russes ont dit « nous sommes prêts à faire la guerre à l’Europe ». Je vous ai dit, les Américains utilisent maintenant les Russes comme croque-mitaine, pour obliger l’Union Européenne à être vassalisée, à dépenser des dépenses militaires considérables, à balkaniser sa situation politique, etc, etc. Là, il y a une collusion, si j’ose dire, absolument nette et évidente. Et je ne crois pas que les Russes, au-delà de jouer les croque-mitaines, veuillent réellement attaquer. Parce qu’ils n’en avaient pas les moyens au temps de la guerre froide, et actuellement leur rapport de force, comme disait Obama, est celui d’une puissance régionale. Donc la question n’est pas réellement à l’ordre du jour, contrairement à ce que racontent les va-t’en-guerre européens. Ce qui est inquiétant, c’est que cette attitude de va-t’en-guerre, la seule chose qui puisse en ressortir, c’est d’abord une catastrophe économique pour l’Europe, mais aussi un état d’esprit. Et si l’état d’esprit va à la guerre, malheureusement les guerres viennent souvent de l’état d’esprit des uns et des autres.
Et est-ce que ce rapport de force à un moment donné, Jacques Cohen, peut s’inverser avec l’Europe, par exemple qui ferait basculer les Etats-Unis plutôt vers elle, plutôt que les Etats-Unis soient tournés vers la Russie par exemple ?
C’était un raisonnement qu’avaient les Européens du temps de la guerre froide, qui quand à son issue n’était pas certaine. C’est-à-dire quand finalement il fallait essayer du point de vue des USA, de rameuter des alliés parce que parce qu’ils n’étaient pas sûr de gagner n’était pas sûr de gagner. Là, le rapport de force américain est extrêmement favorable, et donc on ne voit pas en quoi les Russes auraient un intérêt quelconque à aller déclencher une guerre mondiale en situation très défavorable.
Ceci pour l’instant, parce qu’à moyen terme ou à long terme les contradictions, comme on disait autrefois, de l’empire américain vont continuer à le saper et à le faire tomber. Et on voit que maintenant les deux tiers de la population du globe les détestent, et cela c’est vraiment le travail gratuit des deux mandats de Trump. Donc là, la situation peut déraper, c’est vrai. Je pense que pour l’instant il n’y a pas un gros risque de dérapage, mais on ne sait jamais.
En tout cas, Professeur Jacques Cohen, comme bien souvent dans la chronique d’actualité, affaire à suivre. Et on retrouve plus d’informations sur votre blog lorsqu’il sera à jour, jhmcohen.com.
Absolument.
A très bientôt Professeur.
A très bientôt.