La guerre tiède mais sans bouillir, le défi mutuel irano-israélien

Jacques HM Cohen 19 4 224

Sur les ondes de RCF: LIEN

La question d’actualité avec le Professeur Jacque Cohen, Professeur bonjour.

Bonjour.

Et aujourd’hui on va parler des tensions entre Iran et Israël avec une escalade notamment depuis le week-end dernier maintenant et ces bombardements d’Iran envers Israël. Si l’on fait une photographie de la situation, Jacques Cohen, que faut-il retenir.

On retient une réplique escalade iranienne après un geste israélien qui représentait quelque chose de significatif, qui lui-même faisait suite j’allais dire hélas et ainsi de suite. Les deux pays se satisfont d’une situation de guerre perpétuelle à condition qu’elle ne soit pas trop chaude. C’est la politique de la guerre tiède perpétuelle. Cela arrange tout le monde des deux côtés. L’ennui c’est que c’est comme quand vous faites chauffer quelque chose, si cela se met à bouillir, cela déborde, et donc la guerre tiède c’est difficile.

Si j’ose dire la balle est maintenant chez les Israéliens pour choisir que faire après l’attaque iranienne. Mais on va remonter un petit peu à cette attaque elle-même. Cette attaque, elle est calibrée à la fois pour impressionner en envoyant 300 engins volants, et à la fois pour ne viser que des bases militaires, et probablement aussi en espérant qu’il n’y ait pas de dégâts significatifs pour que le coup d’après ne soit pas encore une marche d’escalier trop haute. Le problème qu’il y a, c’est que les marches d’escalier petites ou grandes, elles finissent toujours par conduire un jour à l’étage au-dessus.

Et donc, il y avait déjà un danger dans l’opération iranienne, le danger paradoxal c’est qu’elle pouvait marcher. Parce qu’elle annonce qu’on veut démolir une base militaire, finalement il tombe trois trucs dont un seul sur un tarmac, mais ce n’est pas si facile d’envoyer 300 machins dont plus de la moitié sont des drones bas de gamme donc des leurres, il peut toujours en passer à travers sous les radars, soit parce que les gens d’en face en l’occurrence les Israéliens auraient très bien pu choisir de laisser passer un ou deux drones pour que cela tape un peu n’importe où, cette fois ci en zone civile. Donc les Iraniens dans leur opération ont pris un petit risque, que cela marche trop bien. Il semble que le résultat ait été parfait pour eux, ils montrent qu’ils tirent sur le territoire israélien ce qui n’était jamais arrivé, qu’il a quand même un ou deux trous au sol, mais pas trop pour ne pas trop faire monter les enchères et maintenant les Israéliens sont eux dans une situation un petit peu similaire. Ils ont des objectifs stratégiques durables, ces objectifs c’est de démolir ou retarder le plus possible l’émergence de la bombe atomique iranienne. Donc ce qui les démange évidemment c’est de faire à nouveau une opération de destruction là-dessus, comme ils ont fait en Syrie autrefois, comme ils ont fait en Irak autrefois. Mais en Iran avec le temps qui passe, les choses sont beaucoup plus compliquées, il n’y a pas une installation, il y en a plusieurs. On en est plus à vouloir démolir la centrale, le réacteur pseudo-civil qui produit le combustible, il y a longtemps que les Iraniens en ont assez. Après ce sont des questions du raffinage et de l’enrichissement pour pouvoir faire un combustible de qualité militaire. Les Iraniens y sont à peu près, mais ils ont développé également ce qui leur a coûté fort cher des installations souterraines importantes . Donc jusqu’à présent les Israéliens tiennent leur plan probablement à jour sur les points cruciaux qui leur permettraient d’intervenir, mais finalement là aussi, on arrive peu à peu à une situation du seuil. C’est-à-dire que les Iraniens soient au seuil nucléaire, et qu’on soit toujours dans la guerre tiède où chacun a une arme nucléaire et finalement un équilibre de la terreur de ce point de vue-là, ce qui permet d’employer tous les autres moyens. Dans la riposte israélienne, il y a d’autres choses que les installations nucléaires qui sont des cibles potentielles. D’abord il y a toute la question du pétrole parce que les ressources iraniennes avec des dizaines d’années maintenant d’embargo, reposent considérablement sur le pétrole et le gaz. Alors évidemment, ils se sont mis d’accord avec les voisins du Nord sous l’égide d’ailleurs de la Russie, pour qu’avec un tour de passe-passe le pétrole ou le gaz passe par l’Azerbaïdjan dans un sens, dans l’autre, ni vu ni connu je t’embrouille, et on ne sait plus très bien qui exporte quoi. Parce que cela repasse aussi par la Turquie bien sûr. Donc les Israéliens peuvent essayer de renverser ce château de cartes, ce qui serait une escalade très significative. On va voir s’ils le choisissent ou pas. Ils peuvent aussi continuer des assassinats ciblés de responsables importants. C’est donc ce qu’il s’est passé à Damas. Il faut rappeler que le type qu’ils ont démoli etait en fait le véritable patron des attaques au nord d’Israël du Hezbollah sur Israël avec des missiles et du matériel totalement fourni par l’Iran, et que du point de vue des Israéliens c’est quand même quelque chose tout à fait significativement gênant puisqu’ils ont dû évacuer 120 000 personnes du nord du pays dans une zone où tombent des missiles régulièrement maintenant et qui devient une zone de guerre de fait.

Donc je suis d’ailleurs très surpris qu’ils n’aient pas choisi ou plutôt que les Américains aient réussi à les empêcher de remonter jusqu’au Litani, de remonter jusqu’au fleuve, et de dégager cette zone qui est censée être zone démilitarisée depuis le dernier cessez-le-feu sous l’égide de l’ONU il y a fort longtemps, mais qui a été réoccupée par les milices pro-iraniennes chiites du Hezbollah et fortifiée depuis longtemps. Donc les Israéliens pourraient choisir aussi de réagir un petit peu plus fort dans cette zone ou un petit peu plus loin en direction de Beyrouth. Il y a une panoplie en quelque sorte de moyens possibles, de cibles possibles, toujours sur la même logique à la fois des escalades mesurées du genre « je veux avoir le dernier mot », mais en gardant une guerre tiède de part et d’autre.

Et ce qui est frappant aussi c’est de voir comment Israël est de plus en plus dépendant des Etats-Unis. Les Israéliens n’ont pas de moyens militaires autonomes, n’ont plus de moyens militaires autonomes pour des opérations de grande ampleur. Et donc les États-Unis contrôlent déjà l’approvisionnement de missiles et autres sur un système de logistique à flux tendu sans que les Israéliens n’aient de stocks significatifs et maintenant par exemple les Américains contrôlent aussi les avions ravitailleurs pour les opérations à longue distance. Donc tout cela est quand même une emprise de plus en plus grande, emprise qui se double, de cette emprise technique, qui se double d’une emprise politique de plus en plus grande également.

On constate en plus, ce qui est très inquiétant pour les Israéliens, que leur situation aux États-Unis et le rapport de force entre les pro-palestiniens et les pro-israéliens se dégrade considérablement au bénéfice des premiers. Dont vous voyez que la situation est difficile pour les uns et pour les autres, car à chaque fois il n’y a pas que les Iraniens qui ont le problème de faire une action qui soit calibrée et qui n’aille pas trop loin. A chaque fois, il peut y avoir bavure ou il peut y avoir au contraire échec qui à ce moment-là fait perdre non seulement la face, mais le bénéfice escompté de l’escalade, et donc les deux camps jusqu’à présent dans les 3 ou 4 dernières marches ont chaque fois obtenu leurs objectifs. Mais à la longue, il peut y avoir bavure en plus ou en moins, c’est à dire objectif raté, ou au contraire il passait par là quelqu’un de plus important.

Je voudrais rappeler sur la question des gens plus importants, que les Israéliens ont liquidé il n’y a pas si longtemps que cela, le patron du programme nucléaire iranien Fakhrizadeh sous la forme d’un attentat assez sophistiqué, puisqu’il s’agissait non pas d’une voiture piégée qui saute à son passage, mais d’une voiture dans laquelle était cachée une mitrailleuse, le tout étant télécommandé à distance et permettant d’abattre ce type dans sa voiture j’allais dire depuis un fauteuil ou un bureau en Israël.

Il peut y avoir aussi dans les opérations développées, la démonstration d’une nouveauté technologique. Alors on en attend en cyberattaques, parce que la cyberattaque cela ne consiste pas seulement à bloquer les factures d’un hôpital, cela peut aussi paralyser une installation, voire pire. C‘est-à-dire la faire délibérément brûler pour ce qui est d’une centrale électrique ou d’un barrage, etc. Donc on peut avoir une escalade aussi dans la technologie de cyberattaques, c’est une des possibilités. Vous voyez que la panoplie est importante.

mitrailleuse iran

C’est ce modèle belge qui a été téléopéré par les israéliens pour abattre M. Fakhrizadeh le chef du programme nucléaire iranien.

Mais globalement de toute façon les deux camps ont intérêt à maintenir un état de guerre tiède et dans le cas des Iraniens, si j’ose dire, le régime a encore plus le feu aux fesses, parce que la population iranienne est excédée par les Mollahs et s’il n’y avait pas la guerre et l’embargo il y a longtemps qu’ils les auraient foutus dehors.

Et bien en tout cas un grand merci, Professeur Jacques Cohen, de nous avoir éclairés sur les tensions entre Iran et Israël. Vous pourrez développer davantage tout cela dans votre blog jhmcohen.com. cela sera en ligne certainement d’ici quelques jours. On vous dit à très bientôt Professeur.

A très bientôt.

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