Minorités agissantes, prise de pouvoir, technique du coup d’État… quelle action politique du MOSSAD en Iran?

Jacques HM Cohen 14 juillet 2025

Minorités agissantes, prise de pouvoir, technique du coup d’État… En Iran, le MOSSAD va devoir arbitrer entre Trotski et Malaparte….

Les interventions extérieures armées destinées à renverser un régime ont pris de nombreuses formes selon les époques. Action de l’United Fruit Company dans le pré carré US des républiques bananières, version franchouillarde de la Françafrique ou de Bob Denard aux Comores….

La plupart de ces actions reposent sur les forces armées locales supposées protéger le pouvoir, mais en fait actionnées par des puissances étrangères…. Parmi de nombreux scénarios quelque peu datés, il y a une nouvelle version originale imaginée par Jean-Christophe Ruffin dans son ouvrage « d’or et de jungle » consacré au sultanat de Brunei et au renversement supposé de son gouvernement.

C Rufin suppose une prise de pouvoir à la demande des GAFA, à leur profit, et un large emploi de moyens techniques modernes de communication, fausses nouvelles, publications audiovisuelles truquées etc.

La marche sur Rome, ou la prise du pouvoir par un coup d’Etat sans coup de feu.

En décrivant une technique du coup d’Etat modernisé économique, Ruffin n’en pense pas moins que seul un État vulnérable et fragile peut ainsi être abattu d’une pichenette comme un château de cartes. Quoiqu’on lui sente la tentation de généraliser sa méthode….

Pourquoi s’intéresser à un très vieux débat des années 30 sur minorités agissantes, prise de pouvoir, technique du coup d’État, quand les moyens de l’époque sont très largement périmés ?

De l’utilité de l’Archéologie politique…..

Parce que le problème reste entier de l’action minoritaire organisée ou de l’action des masses révolutionnaires conscientes comme on disait à l’époque.

Reprenons tout d’abord les termes du débat historique en langage plus moderne.

Les révolutionnaires bolcheviques avaient compris que les manifestations anti tsariste de 1905, malgré un large soutien populaire, s’étaient terminées face aux fusils. Elles avaient été suivies d’une répression féroce guidée par une police efficace, en avance sur son temps. Ils en avaient déduit, bien avant Mao Tsé Toung, que le pouvoir était au bout du fusil, qu’il ne servait à rien d’envoyer des foules au massacre, et que pour lutter contre une répression efficace, il fallait des structures de le clandestinité qu’on dirait aujourd’hui professionnalisées.

Une journée particulière, la marche sur Rome.

Assez paradoxalement, c’est du fascisme italien est venue la théorisation de l’inutilité des foules au profit d’une minorité structurée pour cibler les structures du pouvoir, sous la forme de l’ouvrage de Curzio Malaparte « Technique du coup d’État ».

Il est amusant de noter que pourtant encensé par l’ouvrage, Léon Trotski s’était violemment opposé à cette conception, en considérant que, en absence d’un soutien populaire, de tel coup État était voué à l’échec.

Un laboratoire politique français.

C’est en France que la démonstration grandeur nature, si l’on peut dire, a été faite, lors de la tentative de coup d’État du groupuscule armé fasciste « la  Cagoule », déjouant soi-disant préventivement un coup d’état communiste imaginé à l’aune de leur propre raisonnement. Rampant dans les égouts de Paris alors que les rues étaient vides et désertes, les Cagoulards, malgré leurs prisons clandestines, leurs armes, le contrôle des ministères et des centraux téléphoniques, ont fait choux blanc.

Sans soutien d’aucune force politique significative et lâchés par les milieux militaires, les cagoulards furent d’autant plus facilement arrêtés que la police de la IIIe République les suivaient pas à pas depuis longtemps. On peut noter de façon amusante que leur répression fut très molle, non pas du fait de leur force militaire ou politique, mais par le compromis du gouvernement Daladier de ne pas taper trop fort sur des milieux militaires qu’on espérait rallier à la guerre contre l’Allemagne malgré leur peu d’empressement la matière. Ce qui permettra à certains de ses membres de poursuivre une longue carrière politique à travers le conflit mondial et au-delà.

Qu’est-ce que ça peut faire que je sois de mauvaise foi puisque c’est pour la bonne cause et qu’est-ce que cela peut faire que ce soit une mauvaise cause puisque je suis de bonne foi ( J. Prévert )

L’illusion du coup d’État pour la bonne cause mais sans soutien populaire a été poursuivie en Irak, en Libye en Afghanistan et en d’autres lieux.

Mais au contraire, le lieu commun est théorisé de façon parfaitement abusive comme l’idée que toute force militaire extérieure ne peut que conduire au chaos.

On saupoudre quelquefois cette thèse d’une réprobation de moyens antidémocratiques et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est oublier que les Khmers rouges ont été balayés en quelques semaines par l’armée vietnamienne, que le régime d’Allemagne de l’Est et les autres régimes soviétiques se sont effondrés comme neige au soleil, que Bachar Al-Assad a disparu en quelques jours, tout comme le régime pro-russe ukrainien s’est effondré devant les émeutes de Maidan, d’une façon qu’on peut d’ailleurs noter comme assez peu démocratique d’un point de vue parlementaire… toutes ces oppositions armées avaient un point commun, leur soutien populaire et la capacité extérieure à neutraliser les forces de répression.

L’imagination pouvoir ou le pouvoir de l’imagination

Dans le cas de l’Iran, structurer l’opposition iranienne et la rendre capable d’affronter les forces de répression du régime est un certes un défi, mais un objectif qui n’est pas irréaliste. Il est tout à fait possible qu’un essaim de drones télé-opérés mettent en déroute des forces de répression classique. On peut noter en ce sens une démonstration récente et Mossad israélien qui a pu cibler sans bruit dans leur sommeil par des mini drones et tasers létaux quelques scientifiques iraniens choisis pour dissuader leurs congénères de poursuivre des études nucléaires appliquées.

Donald Trump ayant interdit aux Israéliens une action directe dans le champ politique iranien, le Mossad doit ronger son frein et en profiter en attendant pour faire preuve d’imagination dans les moyens de lutte armée du XXIe siècle, limitant la violence utilisée au profit de la spécificité de son ciblage et à la qualité de son impact politique. Le contraire en quelque sorte, des bombardements aériens, qui hélas parsèment la planète.

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