La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen avec nous par téléphone. Professeur, bonjour.
Jhm Cohen le 3 octobre 2025
sur les ondes de RCF : « https://www.rcf.fr/actualite/chronique-dactualite/embed?episodeId=618746 »
Bonjour.
Avec aujourd’hui un titre de chronique « Partir en guerre à Colin-Maillard », c’est un petit peu l’occasion, j’allais dire, de faire le tour de tous les conflits internationaux du moment, Jacques Cohen.
Faire le tour de tous les conflits, cela serait malheureusement une tâche qui dépasse la durée de la chronique. Mais effectivement on voit un certain nombre de conflits qui s’éternisent et dont la situation paraît stable, c’est-à-dire qu’elle paraît stable parce que chacun pense qu’il peut gagner encore un petit quelque chose de plus, alors que la mesure des risques de la situation, des risques du pas de plus au bord du gouffre, etc, semble perdue par les dirigeants.
‘
a la zone sécessionniste pro-russe de Transnistrie ( rive est du Dnirstr) ne figure pas sur cette carte qui montre la fragilité des voies de communication et des équilibres régionaux.
autre élément, c’est que quand les conflits durent, j’allais dire les héros sont fatigués, les gouvernants sont fatigués, et qu’on voit faire des choses qui sont, j’allais dire, invraisemblables à froid. C’est-à-dire qu’on voit des erreurs ou des mises en scène très compliquées qui n’ont aucune raison d’être, si ce n’est d’être dans une impasse et de chercher comment en sortir ou comment la masquer surtout.
Si on prend quelques exemples déjà, chez les Européens et en particulier chez les Européens de l’Est, on a une situation où les autres Européens j’allais dire de souche, les Européens riches surtout, sont de plus en plus priés d’aider et de financer l’économie de ces pays à base de subventions européennes. Et c’est quelque chose qui est quand même un déséquilibre Et une économie de guerre, cela finit par devenir une drogue quand on y met sérieusement les pieds.
On voit également la Moldavie dans un contexte d’aide financière massive et d’élections extrêmement limites, parce qu’en fait il y a deux Moldavie, il y a ceux qui sont près de la Roumanie et de la Russie et de l’Ukraine, et qui n’ont pas envie que l’on pousse le bouchon trop loin, parce qu’ils se rappellent ce qu’il s’est passé, ou ce qui se passe en Ukraine, et puis il y a la diaspora. Seulement la diaspora, cela représente maintenant près de la moitié du pays, c’est quand même très impressionnant. Et bien cette diaspora, elle voit la liaison à l’Europe beaucoup plus nettement que les autres. Que ceux-ci puissent déstabiliser la région, et par ricochet déstabiliser les pays d’Europe occidentale, j’allais dire tout le monde s’en fout, du moins les gens considèrent que le risque n’est pas bien majeur, etc, y compris le risque d’avoir sur les bras des pays qu’on met en sous perfusions économiques et qui malheureusement en prennent de très mauvaises habitudes.
Et on voit d’autres choses avec des comportements étonnants. On voit par exemple la première puissance du monde, les États-Unis, capable de jouer une espèce de jeu de rodomontades avec l’Iran en acceptant que les Iraniens attaquent une base américaine qu’on a vidée dans le Golfe, ce qui est invraisemblable parce que les missiles cela finit quand même par tomber de temps en temps-là où on ne veut pas. Tout cela se passe en plein milieu du trafic aérien civil, un de ces jours, un missile va s’emplafonner à un avion de ligne avec 200-300 morts, cela fera quand même ,comme on dit des histoires.
Et d’ailleurs, il faut se poser la question d’avoir une politique américaine qui à la fois fait des démonstrations pour donner des alibis et des moyens de survie à leurs adversaires, et qui après va utiliser des bombardiers B-2 avec les plus grosses bombes possibles pour montrer qu’ils sont capables de taper n’importe où. On ne voit pas très bien la cohérence entre les deux.
Dans le cas des Polonais, on voit une réaction très importante à une présumée agression russe organisée sur des histoires de drones, dont on s’aperçoit que finalement la plupart de ces drones sont soit des fantômes électroniques, soit des drones qui sont allés un peu trop loin et qui plus est qui sont allés un peu trop loin parce qua à la frontière polonaise, brouillage ukrainien, j’ai bien dit ukrainien, les y a emmenés.
Donc au lieu de réagir avec sang-froid, on entend des cris d’orfraie et des annonces de dangers majeurs.
Dans la même famille, si je puis dire, on voit les Ukrainiens annoncer que les Hongrois, leurs voisins de l’Ouest, sont allés se promener avec un drone au-delà de leurs frontières. Et quand on regarde les faits, on s’aperçoit d’une part que le drone en question il était équipé d’un transpondeur civil, c’est-à-dire que c’est comme si on était allé se promener avec ses feux de position ou ses phares allumés, et d’autre part il n’est pas certain qu’il ait réellement passé la frontière parce que ce drone faisait peut-être du travail aérien ou de la photo le long de la Tisza, du fleuve qui représente la frontière dans ce coin-là, et quand on regarde les cartes on voit qu’il est passé ou qu’il n’est pas passé à deux doigts de la frontière.
Donc on ne voit pas très bien pourquoi les Ukrainiens qui certes sont fâchés avec les Hongrois, mais avaient besoin de montrer qu’ils espionnaient leurs voisins à plusieurs centaines de kilomètres de la frontière, alors qu’on pourrait penser qu’ils avaient peut-être besoin de mettre leurs capacités de détection plus orientées vers l’est par rapport aux actions russes. Donc tout cela ne tient pas debout, à part en volonté de mise en scène. Et tout cela aussi peut très mal finir, parce qu’on a beau dire que par exemple l’attaque millimétrée de de l’Iran sans que le pétrole ne soit touché, cela va fonctionner indéfiniment sans que cela finisse par déraper.
Donc, on a scène géopolitique avec des châteaux de cartes,
Et pour couronner le tout on a Trump. Alors Trump, c’est quand même aussi un paramètre d’incertitude non négligeable. Comme je vous ai déjà dit, je pense qu’il a des problèmes de dégradation cognitive sérieux qui aggravent son côté psychiatrique, et donc l’impossibilité de prédire ce que ce type va faire à un moment ou à un autre. Donc de ce point de vue-là, tout le monde se retrouve dans une incertitude majeure, et à chaque fois chacun se dit que l’incertitude cela peut être des zones grises et que dans ces zones grises on peut permettre de grignoter un petit quelque chose. Que ce soit les Israéliens grignotant un petit peu de Gaza, que ce soit les Saoudiens et les Qataris vis-à-vis du Golfe, que ce soit les Houthis continuant à penser qu’ils peuvent sans trop de casse servir les Iraniens à bombarder un petit peu en Israël et surtout à bloquer le trafic maritime en mer Rouge. Tout cela, c’est peut-être pour l’instant quelque chose qui tient, mais inéluctablement on va passer un jour du mauvais côté de la ligne rouge, et avec des conséquences imprévisibles puisque à la fois les gens sont fatigués et à la fois le gendarme du monde est quelque peu bourré ou glaireux pour être vulgaire. Donc une montée des périls, des périls multiples, chacun étant encouragé à en vouloir un peu plus, et généralement quand c’est le même gâteau qu’il faut se partager cela finit mal.
Effectivement, Professeur Jacques Cohen, vous avez donné pas mal d’exemples sur les conflits internationaux. Vous parliez de mal finir, si on fait un petit zoom sur l’offensive européenne en Moldavie par exemple, on voit qu’on parle d’une très grande victoire pour la démocratie. Est-ce vraiment le cas, Professeur ?
Je crois qu’il faut être très relatif. D’abord parce que les élections moldaves, qu’elles soient influencées par les Russes ou par les Européens, sont largement sous influence, et non seulement sous influence mais très prosaïquement sous influence financière. D’autre part, les Moldaves ont une diaspora importante, il est difficile de savoir exactement mais j’ai l’impression que c’est à peu près le tiers de la population expatriée, voire plus, et que donc quand on est expatrié, et surtout quand on est loin de la frontière, on ne voit pas les choses de la même façon que quand on est tout près de la Roumanie et tout près de la Russie, ou de l’Ukraine. Si les Moldaves votaient et que l’Union Européenne ne les mettait pas sous perfusion financière, je ne suis pas très sûr que les élections auraient les mêmes résultats. J’ai l’impression que l’opinion des Moldaves serait ou est plutôt que si là aussi on peut obtenir plus des Européens tant mieux, mais si cela s’arrêtait et bien on reviendrait à la géopolitique locale assez rapidement. Donc vous voyez, de même les Européens gaspillent des arguments parce que d’expliquer que les Russes font de l’ingérence c’est une chose tout à fait exacte, sauf que faire se promener différents ministres européens dans un pays qui n’est même pas membre de l’Union Européenne pour influencer une campagne électorale, c’est difficilement autre chose que de l’ingérence également. Et donc quand on veut être vêtu de probité candide et de lin blanc, c’est difficile d’avoir les mêmes comportements que ceux d’en face et vice-versa. Donc tout cela, ce sont des choses qui peuvent s’écrouler un jour ou l’autre, surtout lorsque J.D. Vance remplacera Trump, et qu’on va commencer à avoir une discussion de marchands de tapis sur qui doit financer quoi, à la fois en soutien politique et à la fois en économie de guerre ou en soutien aux États-Unis par les droits de douane et l’exigence des Américains de voir des capitaux européens s’installer chez eux du fait des droits de douane empêchant de vendre chez eux autrement. Donc tout cela, c’est aussi quelque chose de dangereux.
En tout cas, Professeur Jacques Cohen, on aurait pu donner d’autres exemples, mais vous les développerez davantage sur votre blog lorsque celui-ci sera à jour, jhmcohen.com, les auditeurs de RCF connaissent l’adresse. On vous remercie pour cette chronique d’actualité « Partir en guerre à Colin-Maillard », et à très bientôt Professeur.
A très bientôt.