La France du 8 juillet 2024

Jacques HM Cohen

Sur les ondes de RCF: LIEN

La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen avec nous par téléphone. Professeur bonjour.

Bonjour, Bonjour.

Merci d’être avec nous pour votre chronique d’actualité. Et c’est vrai qu’il y a quelques semaines vous aviez sorti la boule de cristal, vous nous aviez dit que vous n’aviez pas encore de partenariat avec Madame Irma mais ça ne saurait tarder, Professeur, parce que vous allez la sortir de nouveau aujourd’hui pour nous emmener en France le 8 juillet. On comprend bien qu’on est dans le cadre des élections législatives et des différents scénarii qui pourraient se produire les 30 juin et 7 juillet prochains lors des élections, on le rappelle élections à deux tours. Donc Professeur, qu’est ce que vous avez envie de nous dire sur la France le 8 juillet 2024.

Élection à deux tours et scrutin par circonscription, c’est-à-dire quelque chose d’assez compliqué et qui donne 577 élections dont la prédiction est encore plus difficile. En fait, on peut quand même imaginer un certain nombre de choses. Le principal pivot et le principal problème c’est de savoir si le Président Macron récupère plus de sièges, ce qui me parait douteux, s’il en perd un peu ou s’il en perd beaucoup.

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Ils seront toujours là le 8 juillet 2024. Mais qui passera au milieu d’eux ?

S’il en perd un peu, ça va dépendre des autres blocs. S’il en perd beaucoup, là on aura quelque chose de très nouveau c’est-à-dire la fonte au soleil du rassemblement centriste qu’il a essayé de créer, et donc une position beaucoup plus faible qui l’obligera cette fois-ci à s’allier. Alors jusqu’à présent, il s’est allié à droite, mais il pourrait être tenté de faire le contraire, parce qu’à droite naturellement le parti de Marine Le Pen va bouffer déjà pas mal de choses. Le RN a récupéré une partie des Républicains, et on a un problème de vase communiquant, si j’ose dire, selon la force des uns et des autres. Ceci dit, il me paraît extrêmement peu probable que le RN ait une majorité absolue en sièges, de même d’ailleurs que cela me parait extrêmement peu probable pour le Front Populaire. Ce qui veut donc dire que les choses se situent entre.  On a un bloc homogène le Rassemblement National qui lui peut proposer une situation de gouvernement minoritaire, mais qui n’en a pas envie, et on a un autre bloc qui le voudrait bien mais qui de toute façon sera mort le 8 juillet. Parce que le Front Populaire, c’est bien gentil pour se partager les circonscriptions, mais les lignes politiques des différents partis qui la composent sont complètement opposées et ne survivront pas, chacun défendra son groupe parlementaire et à ce moment-là si par hasard si François Hollande est à nouveau dirigeant du groupe parlementaire socialiste, il sera sûrement candidat pour être premier ministre. SAns doute pas dans le premier tour de piste mais ensuite…. Mais à mon avis, ce n’est pas directement un représentant de parti que Macron pourra choisir, il va choisir une personnalité société civile, mais très différente selon le rapport de force. Si c’est lui qui a sauvé les meubles, il pourra choisir une personnalité de son goût, s’il est plus ou moins en perdition, il sera obligé de choisir une personnalité dépendant du groupe avec lequel il veut gouverner. Si c’est la gauche on sait déjà que Glucksmann insiste lourdement pour l’ancien dirigeant de la CFDT Berger, à droite c’est un peu plus compliqué mais il s’agirait de récupérer quelque chose de compatible avec les LR maintenus ou LR canal historique comme on dit de nos jours. Tout ça ne fait quand même pas oublier que l’hypothèse la plus probable c’est le statu quo. C’est-à-dire quelque chose d’assez ingouvernable ou du moins empêchant d’abord toute réforme sérieuse, et d’autre part empêchant de gouverner de façon efficace. Je ne vois pas Macron pouvoir recourir à l’article 16 jusqu’à la fin de l’année de délai lui permettant de dissoudre à nouveau, mais on ne sait jamais.

Il faut rappeler aussi que dans l’éventualité où il choisit délibérément de coincer le RN à gouverner, on aura une situation très particulière. Contrairement à l’imagerie populaire à gauche où le RN c’est la marche sur Rome ou les défilés des SA, je crois qu’en matière de défilé ça sera surtout celui des clowns d’un cirque de deuxième ordre faisant son entrée dans un village. Et donc on peut effectivement prédire qu’ils seront usés assez rapidement entre les initiatives maladroites et le report de toutes mesures sérieuses à l’évaluation du coût des promesses inconsidérées qu’ils ont fait jusqu’à présent. Donc il devrait y avoir une désillusion assez rapide dans l’opinion. C’est d’ailleurs un peu pour ça qu’ils n’ont aucune envie de devoir gouverner surtout dans un gouvernement de cohabitation. En revanche à gauche, les socialistes eux ont une certaine expérience de la cohabitation, et surtout prêts à tenter le coup. LFI n’a aucune envie, la seule chose que LFI voudrait c’est de gouverner et de contraindre Macron à la démission. Mais dans ce cas-là, s’ils n’ont pas une majorité absolue à eux tout seul, et cette majorité-là me paraît encore plus hypothétique que celle du RN, et bien dans ce cas-là ils ne pourront pas le faire. Donc on a surtout une situation où les différents partis ont la constatation de ce qu’ils ne peuvent pas faire, plutôt que ce qu’ils voudront faire. Voilà un peu mon pronostic pour le 8 juillet.

Professeur Jacques Cohen, on a bien compris que vous avez un pronostic qui va aussi forcément dépendre de tous les différents scénarii qui peuvent se présenter. Par rapport aux élections européennes qui se sont tenues dernièrement et qui ont amené cette dissolution de l’Assemblée Nationale, est-ce qu’il ne va y avoir aussi d’autres enjeux dans ces élections, notamment le taux de participation et d’où pourrait venir ces électeurs nouveaux qui vont aller aux urnes, pour quel parti vont-ils voter quelques part ?

Ils viendront comme d’habitude de tous les partis mais avec des proportions un peu variables. On peut penser que des électeurs de gauche désabusés iront plus voter. Et à ce moment-là on aura une participation plus élevée. Mais, il y a aussi des électeurs désabusés de sensibilité de droite ou d’extrême droite qui vont se dire bon il faut quand même arriver à se débarrasser de Macron, il a été esquinté, il faut continuer à l’enfoncer et voter pour les autres. Donc, je ne crois pas que l’augmentation de participation qui est prévisible soit univoque, c’est-à-dire s’il y a 10 points de plus, ce n’est pas 10 points de plus pour LFI, c’est beaucoup plus compliqué que ça.

D’autre part, un des autres enjeux de ce scrutin, Jacques Cohen, on l’a dit au tout début de cette chronique avec vous aujourd’hui, on a dit c’est une élection à deux tours, un scrutin par circonscription, évidement il y a ce regard avec un enjeu national que l’on regarde sur les ondes de RCF, mais lorsque l’on rentre par circonscription les gens votent aussi pour la personne qu’ils connaissent, qu’ils voient sur le terrain, etc, sans forcément regarder la couleur politique plus largement de cette personne. Est-ce que là aussi ça peut rentrer en compte dans les enjeux, dans les calculs à faire ?

Oui, c’est que pour les partis qui ont tendance un peu à fondre ces temps-ci, que ce soit chez les macronistes ou que ce soit chez LR, j’allais dire l’enracinement individuel va être un gros paramètre. Chez les macronistes il n’y en a pas beaucoup qui ont un gros enracinement. Ceux-là auront des chances de s’en sortir, les autres à mon avis auront des soucis à se faire. Mais chez les Républicains c’est très net. Il y a des gens qui sont capables de défendre leur candidature en enlevant les étiquettes, et d’autres qui ne sont qu’une boîte sur laquelle est collée l’étiquette. Pour prendre un exemple dans la région d’enracinement plus que solide, regardez Charles du Buisson de Courson, qui est élu depuis 30 ans avec des scores astronomiques et dont la circonscription d’ailleurs pour le Front Populaire a été donné par LFI aux socialistes en disant si y’en a un qui veux aller dans le mur c’est très pratique, cela change les statistiques des candidats par parti, mais cela ne change pas les élus. Donc cet exemple de Courson permet de voir que l’enracinement est quelque chose d’important, mais qui avec le temps s’érode parce que beaucoup plus de gens dépendent maintenant de l’appareil des partis que de leur travail d’enracinement hélas pourrait-on dire. Et là-dessus, il faudra revenir sur le cumul des mandats, c’est une autre question.

Une dernière question avant de vous laisser filer Jacques Cohen pour cette chronique d’actualité sur la France le 8 juillet, on le rappelle qui est le thème de cette chronique, est-ce qu’il y a des circonscriptions en France qui sont représentatives de ce que pourrait voter la population française d’une manière générale. Est-ce qu’on a des exemples peut-être dans la région ou les circonscriptions qui vous ont déjà taper à l’œil lors des élections précédentes où on sait que par expérience souvent les gens ont tendance à être un échantillon représentatif du territoire.

Tous les sondeurs et tous les analystes politiques ont leur brelan de circonscriptions tests, moi aussi. Mais il y a une règle, c’est comme pour la cueillette des champignons, on ne donne pas ses emplacements aux autres. En revanche, je peux déjà vous dire une chose c’est que dans la région il n’y en a pas. Les circonscriptions de la région sont malheureusement extrêmement typées et ne représentent pas la moyenne nationale, d’autant plus que cette moyenne maintenant est une moyenne un peu compliquée, qui est plus une moyenne topologique, puisqu’il faut faire la moyenne de plusieurs courants agissant dans différentes directions et non pas une moyenne simple. Et je pense que votre rédacteur en chef pourra vous rappeler la différence entre la moyenne arithmétique, la moyenne géométrique, sans aller chercher même aussi la différence avec la médiane n’est-ce pas.

Et bien on aura l’occasion de lui demander un petit cours de mathématiques à l’occasion. Merci Jacques Cohen de nous avoir projetés sur la France le 8 juillet. Et on se retrouve très bientôt, la semaine prochaine, pour une nouvelle chronique d’actualité. Merci beaucoup.

A bientôt.

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