Jacques HM Cohen 28 3 24

Sur les ondes de RCF: LIEN

L’attentat de Moscou a ravivé les craintes de la reprise d’attentats terroristes sur notre sol. Et celle de l’État Islamique au Khorasan ( version afghane de Daech ). Si le risque est réel ne serait-ce que par l’effet d’exemple à imiter, l’organisation qui l’a revendiqué n’est pas un risque en elle-même.

On imagine cette organisation comme une structure centralisée avec un commandement suprême, des commandements régionaux, de capacités logistiques et de formation, des commandos envoyés vers n’importe quel point du globe. Son fonctionnement est en fait très différent de celui d’Oussama Ben Laden autrefois.

Le Khorasan ( pays du soleil levant vu de Perse ) est une région à contours flous, souvenir de la grandeur de l’empire Sassanide en Perse. Elle est devenue une marque d’islamisme radical à vocation de guerre sainte mondiale. Un hadith coranique promet que la bannière de la victoire finale de l’islam en proviendra.

IS-K a revendiqué un attentat lors d’une cérémonie en Iran, avec un score si l’on peut dire exceptionnellement élevé. Du point de vue géopolitique mondial d’une organisation sunnite islamiste à ambitions mondiales, déclencher la guerre contre des musulmans même chiites n’est peut-être pas une priorité. Sauf pour un groupe politique iranien d’opposition armée. Incidemment les iraniens ont réagi d’une façon très américaine par une volée de missiles de croisière sur une base d’IS-K au Pakistan. Car il ne faut pas oublier que ces islamistes ne contrôlent plus l’Afghanistan où ils mènent une guérilla contre les talibans. Et que leur base arrière se situe en « zones tribales » du nord du Pakistan. Le mode opératoire d’un véhicule piégé de forte puissance, sans candidats au martyre pour tirer dans le tas, est également une entorse à l’image de marque de la firme djihadiste. Les islamistes radicaux sunnites capables d’attaquer des lieux saints ou rassemblements chiites étant plutôt rares, on peut se demander si la cellule franchisée IS-K n’est pas une pure fabrication de la part de militants iraniens certes anti régime et assez dictatoriaux par eux-mêmes, les Moudjahidines du Peuple. En fait parfaitement laïcs mais trouvant utile une guerre inter-religieuse contre leur ennemi le régime iranien. Et montant une structure franchisée d’IS-K.

Dans l’attaque de la salle de concert de Moscou, on retrouve l’étrangeté du respect très relatif de la « charte éthique » et du code d’image de la firme IS-K. C’est sans doute une des raisons ayant fait douter initialement le Kremlin de la revendication par’IS-K. Pas de vidéo d’allégeance préalable, une photo de revendication… aux visages floutés !, des exécutants sans pratique minimale de la clandestinité. Repartant dans la même voiture qu’à l’aller. Voiture achetée sans grandes précautions par le réseau de soutien que le FSB va identifier en 24h. Les exécutants n’ont pas changé de vêtements pour leur fuite. Et ils se font prendre sans tirer une seule balle et donc sans appétence pour une fin en martyrs. Et confessent volontiers une motivation financière. Du point de vue d’IS-K, l’ensemble a dû donner un haut-le-cœur. Mais constatant l’efficacité de l’action, IS-K a choisi d’endosser et de revendiquer, malgré l’éloignement de cette franchise périphérique vis-à-vis de l’image mondiale de la marque.

On peut aussi se demander qui a monté cette franchise locale. Ce n’est pas parce que les exécutants sont tadjiks que la cellule provient du Tadjikistan. Les russes accusent les ukrainiens et réciproquement. Je ne crois pas à un montage du FSB russe car l’attentat nuit bien trop à VV Poutine en démontrant son incapacité à assurer la sécurité du territoire russe. Côté ukrainien, le risque d’énerver sérieusement leurs protecteurs US, craignant que les russes ne leur rendent la monnaie de la pièce sur leur territoire, paraît aussi rédhibitoire. Sauf à avoir sous traité aux organisations du Caucase combattant auprès des ukrainiens.

Que risquons-nous chez nous ? La même chose ! Non pas un commando professionnel formé en provenance des confins du Pakistan, mais des radicalisés épars inorganisés se rattachant à IS-K, marque prestigieuse leur assurant un écho, agissant comme des franchisés interprétant plus ou moins librement la charte de la maison mère. Ou de la même façon, une cellule de marionnettes de la même farine, recrutée pour nous affaiblir par tel ou tel de nos ennemis…. ou partenaires.

Mais la leçon principale en matière de communication, c’est l’efficacité d’image d’un Etat mythique capable, au contraire de l’Atlantide des Grecs, de resurgir de l’eau dans l’imaginaire islamique radical.