Le mPox et ses vaccins, d’hier, d’aujourd’hui, et de demain.

Jacques HM Cohen 01 09 2024

Sur les ondes de RCF: LIEN

Cet article sera moins « grand public » que les précédents. Sans pour autant entrer dans trop de détails pour le non-spécialiste. Le lecteur pressé pourra se contenter du « message à rapporter à la maison ».

Deux grandes sections sont à considérer : l’évolution des épidémies de mPox et d’autres Pox dans notre espèce, la panoplie des traitements et vaccins disponibles, et ceux qui seraient souhaitables de mettre au point.

Tout d’abord un message à rapporter à la maison pour les gens pressés :

Take Home message

= si la souche de mPox actuelle donne une épidémie significative en pays développés avec une mortalité supérieure au 1 % chez l’enfant et que le vaccin Bavarian Nordic se révèle incapable de juguler les premiers foyers en vaccination en cercle, il faudra recourir au vaccin historique, qui lui est certainement efficace, mais non dépourvu d’effets secondaires. Sa disponibilité est dépendante des USA , probablement de la Chine et peut-être de la Russie.

= Si l’épidémie présente reste peu grave en pays développés, ce ne sera pas une raison pour attendre la suivante, inéluctablement plus contagieuse et plus mortelle, pour développer de nouveaux vaccins tués avec de nouveaux adjuvant et co-adjuvants, associables à des vaccins mRNA.

= Ce qui ne dispensera pas en attendant de reconstituer notre stock de vaccin historique « seconde génération » dont nous sommes dépourvus actuellement.

Mes précédents sujets sur la variole et les Pox virus :

Variole à Vannes 1954. Les leçons pour MKP

Monkeypox : vaccins et stratégies vaccinales

L’inéluctable humanisation du Mpox, variole du singe

Aiguille bifide pour vaccination intradermique. L’image ne rend pas compte de la souplesse de l’aiguille et de l’écartement des deux dards lors de la pénétration dermique

A – Les Pox virus dans l’espèce humaine et leurs cinétiques endémo-épidémiques :

Durant des millénaires, notre espèce a été infectée par un Pox virus la variole, qui n’infectait que notre espèce, et repoussait les rares incursions des autres Pox virus. En effet, les Pox naturellement n’ont pas de barrières d’espèces, en dehors de l’immunité conférée par les infections préalables. C’est ainsi que la vaccine, Pox de la vache, ne faisait que de faibles incursions dans notre espèce, tenue en respect par l’immunité anti-variolique de la population. Les différents Pox, et même les souches d’un même Pox ont une contagiosité et une virulence donc une mortalité variable.

L’arrêt de la vaccination anti-variolique en 1980 a laissé en moins d’un demi-siècle plus tard une population humaine totalement sensible à tous les Pox. Il est inéluctable que cette niche soit occupée un jour ou l’autre. Il n’est pas non plus très surprenant que ce soit un Pox du singe, l’espèce la plus proche de nous, qui cogne à la porte le plus fort.

Une épidémie de mPox en 2022 a surtout touché dans les pays développés des homosexuels à partenaires multiples. Sa contagiosité faible nécessitant des contacts muqueux traumatiques. Elle fut très peu mortelle sauf cas anecdotiques d’immuno-déprimés, et limitée comme on le reverra.

Elle fut limitée par la vaccination en cercle avec le vaccin Bavarian Nordic autour des cas, selon l’opinion optimiste de certains épidémiologistes, mais bien plus probablement par l’abstinence induite par le caractère très douloureux des lésions génitales.

Une épidémie d’une autre souche est en cours en Afrique avec un profil de contagiosité plus classique pour un Pox, en population générale. Il faut rappeler ici que les Pox, sauf militarisation, ne sont pas des virus à forte transmission respiratoire, mais principalement par contact avec les vésicules ( pox est le pluriel de poach « pustule » ) ou surtout les squames, car c’est un virus extrêmement résistant une fois desséché. C’est donc une maladie du contact direct mais surtout indirect. Pour fixer les idées par une image, dans le métro ce n’est pas le virus dans l’air qui sera à craindre, mais celui sur les barres et poignées. C’est aussi un virus à longue incubation ( de 1 à 3 semaines ) et dont les pustules guérissent elles aussi en 3 semaines rendant le sujet contagieux jusqu’à guérison cutanée. La cinétique globale est donc lente comparée à la grippe par exemple.

Mais lorsque la population est vulnérable, sa diffusion est inexorable jusqu’à ce qu’une immunité de barrière suffisante soit induite. On peut se souvenir de l’introduction de la variole aux Amériques, par des couvertures, et de la mortalité autochtone majeure ainsi induite. Cette prédiction étant nuancée par la souche en question. Les deux souches de mPox entrées dans notre espèce ayant des contagiosités très inférieures à celle de la variole historique. La souche actuelle est si on peut dire en progrès, prédisant une diffusion plus large que la précédente, mais avec une mortalité qu’on ne peut prédire en pays développé. En Afrique, il y a une forte différence entre la mortalité chez l’adulte autour du 1 % et chez l’enfant de moins de 5 ans atteignant 10 % ! Un point de vue optimiste est de dire que ce sont des enfants mal nourris et peu soignés et que cette mortalité sera bien moindre chez nous. Un sérieux bémol est de penser que nous avons bien plus d’immuno déprimés thérapeutiques ( pour cancers ou marginalement, maladies auto immunes et transplantation ) chez qui la mortalité pourrait grimper en flèche. Et que si les myocardites tueront moins d’enfants bien pris en charge chez nous, les encéphalites, cause principale, de décès tueront tout autant. On ne peut savoir si elles seront moins fréquentes ou pas chez nos enfants bien nourris.

On peut faire néanmoins une prédiction sinon pour cette épidémie mais pour la prochaine ou plus tard, un Pox avec une souche de contagiosité et sans doute virulence comparable à celle de la variole, finira par s’installer dans notre espèce pour atteindre un équilibre comparable à l’équilibre variolique ancien. Sauf vaccination !!!

B- Les traitements et Vaccins anti Pox

On peut malheureusement être bref sur les médicaments. Un antiviral, le tecovirimat, efficace in-vitro, vient de faire un flop dans la vraie vie dans un essai de terrain en Afrique ( essai « Palm007 » du NIH ). Ce qui rappelle d’ailleurs la situation de l’hydroxychloroquine dans le covid, dont on n’a toujours pas trouvé l’explication !

Concernant les vaccins, on peut se poser tout d’abord la question de pourquoi avoir arrêté la vaccination à l’éradication de la variole, puisqu’une immunité contre n’importe quel Pox protège contre tous les virus du groupe et que réciproquement, tous les Pox ou presque peuvent infecter des humains non immuns. Le souci ce sont les effets secondaires élevés du vaccin antivariolique traditionnel qu’on reverra. Contre une maladie comme la variole, ils étaient pleinement justifiés.

Mais sur l’illusion qu’aucun Pox ne la remplacerait après son éradication ou qu’on aurait le temps de voir si un Pox se présentait, on a refusé de payer en quelque sorte le prix de l’assurance anti Pox.

La vaccination contre les Pox a une particularité : elle nécessite une forte immunité cellulaire, les anticorps seuls étant inefficaces. On ne sait jusqu’à présent obtenir cela qu’avec des vaccins vivants.

Des pistes de recherche d’immunité cellulaire en vaccin inerte existent, ( y compris dans mes propres travaux ! ) mais ne sont pas opérationnelles pour l’instant.

On appelle vaccins de première génération ceux qui du début du 19éme siècle à la fin des années 60, ont été produits à flanc de veau ou de génisse. En faisant l’impasse sur la génération zéro d’homme à homme inventée par Jenner et développée en France par Pinel et Guillotin.

. Les vaccins de seconde génération sont toujours des virus de vaccine mais cultivés sur cultures de cellules. C’était le vaccin employé à la fin des années 70 lors de l’arrêt de la vaccination. En France, plus de 60 M de doses, le nombre exact de doses étant un secret militaire, ont été mises de côté en 1980. Si elle n’ont pas subi le sort d’un certain stock de masques, elles sont encore utilisables si elles ont été conditionnées sous forme lyophilisée, vu la solidité du virus. Une réserve majeure cependant, le contrôle de sécurité infectieuse et prions des cultures de cellules de l’époque est loin des standards actuels.

Une production plus moderne a été mise au point par Sanofi dans les années 2000, le vaccin acam2000. Mais il a été choisi de vendre à la firme US Emergent Biosolutions, satellite privé des laboratoires militaires US, non seulement le savoir faire, mais les 2 usines et quelque chose en amont de cette production, vraisemblablement le « seed lot » lot racine, c’est-à-dire la lignée cellulaire infectée avec ses contrôles et calibration. Ce qui est essentiel et ne peut-être reproduit rapidement.

Le prix modeste de la transaction témoigne de la persistance du dogme de la disparition sans retour de la variole et de l’impossibilité pour ses cousins Pox de prendre sa place.

Bref, en cas de scénario catastrophe lors de l’épidémie actuelle d’une mortalité >1 % et d’une inefficacité du vaccin de « 3éme génération », la production massive du vaccin ACAM2000 sera nécessaire, mais nous ne disposerons de ce vaccin que lorsque les USA seront servis.

En revanche la FDA a prévu une notice très détaillée en particulier sur les effets secondaires de la vaccin ACAM2000, sans doute pour des raisons juridiques, mais qui a l’avantage de donner l’échelle des risques de ce vaccin. Y compris sur un problème actuel majeur : vacciner chez l’adulte et non avant 2 ans multiplie au moins par 10 la fréquence des accidents graves.

notice FDA d’acam2000 vaccin anti variolique par vaccine conventionnelle ( seconde génération )

fréquence des complications d’ACAM2000 vaccin anti variolique conventionnel de seconde génération

Le vaccin de troisième génération Bavarian Nordic

La firme danoise est partie d’une souche MVA modified Vaccine Ankara pour tenter de résoudre la quadrature du cercle. Elle a mis au point un virus non replicatif, c’est à dire qui infecte les cellules mais ne se multiplie pas, ne contamine pas ou peu les cellules voisines et ne diffuse pas. La souche MVA de base avait été dérivée de la souche Ankara pour en faire un support d’autres vaccinations. Ce fut un succès pour vacciner renards et rongeurs contre la rage en lui faisant exprimer son enveloppe. Mais un échec aux débuts du sida car l’expression de la GP120 de HIV ne conférait pas de protection et l’essai comme vaccin thérapeutique tourna au désastre quand les malades immuno-déprimés firent une vaccine généralisée superposable en gravité à la variole classique.

Le souci du vaccin BN c’est qu’il est bien plus inoffensif, mais qu’il immunise peu et peu de temps ( @ figure Frey ) Il faut au moins 2 injections et 2 mois pour une protection des 2/3 contre le souche de 2022, une seule injection ne conférant que 30 % de protection. Si tant est que cette efficacité ne soit pas attribuée à tort au vaccin, les changements d’attitudes des patients et de leur entourage ayant été décisifs dans le contrôle de l’épidémie. Il est très peu probable que ce vaccin utilisé en cercle autour des cas jugule la souche actuelle. Dans cette hypothèse, si celle-ci garde en Europe sa mortalité africaine actuelle, il faudra ressortir le vaccin historique.

un vaccin MVA notez la durée d’action en abscisse https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X15008762?via%3Dihub

Le Vaccin Japonais LC16 de KM Biologics

On pourrait parler de génération 2.5. Il s’agit d’une vaccine dont on n’a inactivé que le gène B5R qui conditionne la diffusion du virus hors de cellules mais pas sa replication intracellulaire. Ce vaccin a lui aussi été développé dans les années 70 en précaution de l’arrêt de la vaccination généralisée. Peu de choses ont été publiées à son sujet. On ne sait pas même s’il y a un stock ou des capacités de production. Ni si dans la vraie vie, il penche vers un vaccin de 3 éme ou de seconde génération ou s’il en reste à mi-chemin en résolvant la quadrature du cercle.

D’autres vaccins ailleurs….

Il serait étonnant que la Chine n’ait pas conservé des capacités de production massive de vaccin de seconde génération. La Russie devrait aussi avoir quelque chose. Mais il n’y a pas d’informations à ce sujet. Pas plus concernant les laboratoires militaires sur toute la planète qui ont sans doute chacun des prototypes de vaccins mais par forcément de développement en production.

Ce qui rejoint les vaccins du futur et la recherche à ce sujet.

Les vaccins du futur.

La première chose qui vient à l’esprit quand on constate qu’une production réellement massive de vaccin vivant prendrait 18 mois à 2 ans au moins, c’est que les vaccins mRNA ont démontré dans le covid leur rapidité de mise en place en 6 à 9 mois. Malheureusement dans leur conditionnement actuel, ils n’induisent pas suffisamment d’immunité cellulaire pour faire barrage à un Pox virus.

La seconde chose à laquelle on pense, c’est que les vaccins inertes ne le peuvent pas plus avec de adjuvants courants.

Le dilemme des adjuvants. Des huiles, des savons, des orienteurs immuns….

Les adjuvants aluminiques isolés ne peuvent induire l’immunité cellulaire souhaitable. Un adjuvant huileux complexe en est capable depuis les années 40 ( adjuvant de Freund ) mais ses effets secondaires chez l’animal ( myocardites chez le cheval, polyarthrite chez le lapin par ex ) et ses impressionnantes nécroses cutanées rendent impossible son usage chez l’homme. D’autres adjuvants ont été développés en tentant d’obtenir une efficacité cellulaire et moins d’effets secondaires. Comme les saponines de GSK. Nous dirons pudiquement qu’aucun n’a obtenu la preuve décisive d’un bon rapport efficacité/effets secondaires. Permettant de s’attaquer au plus difficile : un vaccin tué anti Pox virus.

D’autres pistes existent en associant de petites molécules, telles que des polynucléotides, des imidazoquinoléine ou d’autres, à un adjuvant classique. Mais ces orienteurs immuns ciblant plusieurs voies d’activation peuvent certes être associés à d’autres adjuvants, mais ils diffusent très vite dans l’organisme, il en faut donc de fortes concentrations et ils ont leurs effets secondaires propres….. Une mention particulière à la solution de la firme 3M ( 3M 052 ) d’un resiquimod à queue hydrophobe collé à un Alhydrogel° pour dire qu’on peut faire beaucoup mieux à partir des matériaux sur lequel je continue à travailler avec des partenaires chimistes !

On peut d’ailleurs penser à développer des vaccins mRNA dans de telles encapsulations en utilisant ces orienteurs immuns vers différents TLR.

Intradermique ( ID ). Les aiguilles bifides…

Une autre particularité des Pox est que l’ID est bien supérieure à l’IM ou l’injection sous cutanée pour cette immunité. Suggérant ub rôle particulier des cellules de Langherans parmi les cellules présentatrices. Mais il est en pratique difficile de faire des ID chez l’homme avec des aiguilles ordinaires : trop superficielle le liquide se répand sur la peau, trop profonde, l’injection est sous cutanée. Une solution avait été trouvée avec une aiguille bifide dont les deux pointes s’écartent en ID Seul inconvénient: la piqûre en est douloureuse quelques secondes. Ce type d’aiguille est introuvable de nos jours. Les bagues de ponction à micropointes du BCG pourraient remplacer. Mais ce vaccin est lui aussi arrêté…

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