Boule de cristal : Le Moyen-Orient après les élections américaines

Jacques HM Cohen 7 6 2024

Sur les ondes de RCF: LIEN

La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen en ligne avec nous. Professeur bonjour.

Bonjour.

Et aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, vous allez sortir la boule de cristal pour essayer d’imaginer le Moyen-Orient après les élections américaines. D’habitude Professeur, je me permets, vous vous appuyez sur des faits, sur des choses qui se sont produites et vous pouvez en tirer des conclusions, là vous vous avancez un petit peu plus aujourd’hui.

Je m’avance un petit peu plus parce qu’il a des invariants qui sont déjà là dans la politique américaine et qui n’ont aucune chance de changer. Donc c’est pour cela que nous pouvons faire un peu de prospective. Alors comme toute prospective on peut se tromper mais bon, nous verrons.

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En effet, la première chose importante à constater, ce n’est pas seulement ce qu’il va se passer immédiatement. Il est très vraisemblable que les Israéliens vont attaquer au Liban, puisque le Hezbollah a comme eux besoin d’une énorme mise en scène, pour dégager toute la zone tampon qui était théoriquement contrôlée par les casques bleus et qui était devenue une forteresse au Hezbollah, et donc cela va se passer au milieu ou à la fin de ce mois.

Mais ce n’est pas cela qui est l’essentiel. L’essentiel c’est la confrontation avec l’Iran dans la région et l’évolution de la situation des différents pays arabes, sunnites pour l’essentiel, à part les chiites qui sont présents en irak et jusqu’au Liban et la question de la Turquie dont on va reparler.

Donc en fait quelle est la politique américaine ? Que va-t-elle tenter ? Elle va marquer la poursuite au départ de ce que Benjamin Netanyahou voulait faire, c’est-à-dire intégrer les Palestiniens via la structure du Hamas dans une activité économique régionale. Alors est-ce que cela sera encore le Hamas, je crains malheureusement que oui, ou autre chose ? Mais cela ne change pas grand-chose à la donne. Quelle est la situation en fait ? Les Américains, les USA, souhaitent créer un axe du bien contre l’axe du mal. Ils ne savent pas encore si l’axe du mal devra être massacré et pilonné immédiatement dans le cas de l’Iran.

Mais ils savent qu’ils feront quelque chose et peu importe d’ailleurs quel sera le président. Avec plus ou moins de coups de gueule, le résultat sera le même. Ils ne voudraient pas se lancer dans une guerre en Iran à l’instar de ce qu’ils ont fait en Irak. Ils voudraient donc faire comprendre aux Iraniens qu’il va leur coûter de plus en plus cher de ne pas trouver un modus vivendi, de demander aux Houthis de se calmer, etc, etc.

Dans le même temps, il s’agit d’obtenir que cet « axe du bien » contre l’axe du mal dont on suppose qu’ils voudraient intégrer la Turquie mais cela va aussi poser quelques difficultés, parce que la Turquie préfère regarder ce qu’il se passe, et bien cet axe du bien, de l’Égypte, de la Jordanie, de l’Arabie Saoudite, du Bahreïn, du Koweït, et des Emirats Arabes Unis, il n’est pas si facile à manipuler. Alors pour ce qui est de l’activité économique, cela va tout seul si j’ose dire. C’était déjà bien engagé. Depuis que les Houthis ont en pratique fermé la mer Rouge et bien le commerce d’Israël passe à travers ces pays-là, en étant débarqué de l’autre côté. Ce sont les Égyptiens qui font la gueule parce qu’ils n’ont plus de taxes pour le passage du canal de Suez. Mais donc une zone économique régionale, c’est pas du tout impossible malgré les apparences. D’autant que tout cela est saupoudré par des gisements de gaz qui sont partagés entre l’Egypte et Israël et il y a la même chose avec le Liban.

C’est d’ailleurs ce qui embête sérieusement le Hezbollah, alors qu’il contrôle le Liban, c’est que si la guerre devient plus dure, ils ne vont plus pouvoir conserver cette emprise sur ces gisements, qui vont être bientôt exploités. Et ils ont un autre problème que n’a pas le Hamas : le Hamas il a l’avantage à Gaza qu’il y a un vide politique, ils ont tué tout le monde. Et au Liban, il n’y a pas de vide et ce n’est pas seulement politique, c’est aussi militaire. C’est-à-dire que si le Hezbollah est sérieusement amoindri par les Israéliens, il va sortir du bois des tas de gens prêts à finir le boulot, qui ont été opprimés par le Hezbollah pendant 20 ans et plus et qui donc maintenant s’il est affaibli vont vouloir le liquider. Mais cela, ce n’est pas encore fait, c’est une possibilité dans les prochains mois.

On est donc bien avant les élections américaines. Et donc cet axe du bien, finalement pourquoi pas. Finalement Bibi avait presque raison, les choses se préparaient bien, sauf que, sauf que, il n’avait pas intégré la question des islamistes fondamentalistes radicaux internationalistes et impérialistes, qui sont pour la guerre sainte, étendent leur influence et leur territoire en poursuivant cette guerre sainte. Vous me direz ils ne sont pas les seuls, il y en a d’autre qui font la même chose dans l’autre sens. Mais le problème c’est que vous avez des pays qui vont jouer le jeu de l’alliance occidentale mais dont l’opinion publique, voire les forces politiques vont continuer le développement d’un courant islamiste radical. Les Américains mettent en place un peu partout des dictatures militaires comme en Égypte qui font la guerre aux Frères Musulmans, mais cela n’empêche pas l’influence islamiste radicale qui conquiert toute la société.

On le voit également par exemple en Afrique en dessous du Sahel, on le voit au Soudan, etc, on le voit même au Kenya. Et donc on va avoir des sociétés apparemment stabilisées avec un gouvernement généralement militaire ou plus ou moins habillé de démocratie non pas parlementaire mais présidentielle, mais qui en fait sont vermoulues comme si des termites avaient tout bouffé à l’intérieur et prêtes un jour ou l’autre à tomber dans l’escarcelle des islamistes radicaux. Et pour développer tout cela, les islamistes radicaux ne vont pas hésiter non plus à continuer à prendre des gages chez nous. Il faut malheureusement le dire carrément. Ils veulent des territoires libérés, ils veulent avoir une population séparatiste et sous leur contrôle, en imposant leur mœurs. Et quand on laisse par exemple Doha acheter des tas de trucs chez nous, il va être difficile de leur dire « votre double jeu cela suffit, on vous renvoie vos Imans et vos fondamentalistes ». Si tant est qu’on veuille le faire. Et donc un des points faibles de cette politique, qui sera la même je le répète après les élections US quel que soit le gagnant, c’est qu’elle va laisser une grande faiblesse en Europe occidentale vis-à-vis des courants islamistes radicaux. Alors il y a un point pour lequel peut-être les Américains considèrent que les choses se limiteront toutes seules, c’est qu’il y a deux islamistes radicaux. C’est comme, si j’ose dire ici, les protestants et les catholiques autrefois, -autrefois- les choses ont beaucoup changé !

C’est-à-dire Professeur ? Eclairez nous.

Et bien il y a un fondamentalisme sunnite et un fondamentalisme chiite. Et le fondamentaliste sunnite ne peut pas accepter le fondamentalisme chiite et vice versa. C’est une guerre civile qui a déjà commencé. Elle a commencé quand les gens de ce qui s’appelle l’état du Khorasan ont fait sauter des bombes et tuer plus de 200 personnes d’un coup, c’est un des plus beaux attentats si j’ose dire qui ne se soit jamais produit en Iran l’an dernier. Et l’Iran a réagi exactement comme les Américains. C’est un précédent historique, l’Iran a balancé des missiles de croisière sur les bases arrière de l’état du Khorasan, c’est-à-dire sur les camps d’entraînement dans les zones tribales du nord du Pakistan. Donc vous voyez que tout cela peut prédire une situation à la fois naïve sur l’idée de la coprospérité économique parce que si dans le même temps les ferments et les activités radicales ne sont pas éradiqués, chacun des fondamentalismes va essayer de jouer là-dessus sur le dos de l’autre. Et bien à ce moment-là on aura la même surprise que ce que Benjamin Netanyahou a eu au 7 octobre. C’est-à-dire que les fondamentalistes islamiques, des gens dont il pensait qu’ils étaient en train de s’intégrer dans le jeu politique et économique local, ont repris leurs vieux démons et lancé le pogrom du 7 octobre. Et donc si on donne des possibilités à bien plus grande échelle dans toute la région, voire en Europe occidentale, par la fluidité que va introduire le condominium économique, il y a le risque de voir ce genre de choses apparaître et de voir à nouveau les choses se cristalliser sur ce qui peut être unifiant pour le fondamentalisme et même unifiant entre sunnites et chiites. C’est-à-dire mettre les juifs à la mer ou les tuer avec le slogan que vous connaissez de récupérer la Palestine de la mer au fleuve, le fleuve étant le Jourdain.

Merci Professeur Jacques Cohen de nous avoir éclairés et pour en savoir un petit peu plus autour ce thème d’actualité, vous avez sorti la boule de cristal, cela se passe bien sur le site jhmcohen.com et pas encore sur le site de Madame Irma. A très bientôt Professeur.

A très bientôt, je n’ai pas encore passé d’accord avec Madame Irma, nous allons en discuter.

A très bientôt Professeur.

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