Jacques HM Cohen 6/3/2025
Sur les ondes de RCF: LIEN
La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques Cohen, en ligne avec nous. Professeur Bonjour.
Bonjour.
Avec une chronique aujourd’hui consacrée au Président de la République Francelaise, Emmanuel Macron, en retard, en avance, pas à l’heure. Professeur Jacques Cohen, si je vous provoque un peu, est ce que l’on peut dire que le Président de la République Francelaise, Emmanuel Macron, a une horloge dans le ventre ?
Dans le ventre je ne sais pas, mais pour quelqu’un qui se voulait le maître des horloges, il est spectaculaire de voir que ses positions sont là décalées dans tous les sens et pas du tout à l’heure.
Premièrement, il est en retard. Il est en retard sur quoi ? Il est en retard sur l’accord de paix, ou du moins de cessez-le-feu entre Trump et la Russie. Parce qu’il est évident que cet accord, il est déjà bouclé, il n’y a rien à négocier, on prie les Ukrainiens de signer en bas de la page qui est à moitié blanche, et de faire ce que Trump dira.

Lempire russe en 1914. De la minuscule Moscovie de 1300 puis à l’avènement d’Ivan le terrible et les étapes suivantes de son expansion. L’expansion vers l’Ouest de la plus grande Russie est restée limitée. La Russie contemporaine est très en retrait.
Et les Européens n’ont absolument pas le pouvoir de changer les choses en continuant la guerre et en fournissant les Ukrainiens que les Américains le veuillent ou pas. Nous avons fait une petite démonstration il y a 2 jours que nous avions encore la possibilité d’envoyer un avion de reconnaissance électronique pour montrer qu’on pourrait capter les signaux des radars et autres à la place des Américains, mais de façon extrêmement limitée par rapport à un front qui fait 1 200 km, c’était une action symbolique. Quant aux Britanniques, qui sont sur la même ligne que les Français, ils ont un autre problème, c’est que l’intégralité de leurs moyens de renseignement sont intégrés avec les États-Unis et qu’ils n’ont pas le droit d’employer leurs moyens de reconnaissance électronique tout seul, de même pour la plupart de leurs systèmes, ils n’ont pas d’indépendance. Pour le nucléaire ils n’ont pas d’indépendance. Et d’autre part, tous les pays d’Europe qui ont acheté des avions américains par définition, ceux-ci peuvent être cloués au sol par un simple pianotage sur un clavier aux États-Unis. Donc, les Européens annoncent qu’ils peuvent produire des obus et qu’ils peuvent aider les Ukrainiens à poursuivre, c’est complètement faux. D’abord parce que dès que les Américains ne fourniront plus de couverture antimissiles, les frappes russes vont être beaucoup précises, vont terminer de liquider les infrastructures ukrainiennes, qui seront à ce moment-là dans une très mauvaise posture.
De la même façon, il faut tenir compte de la réalité des choses, c’est à dire que l’accord de Trump et de Poutine comporte l’acceptation pour l’Ukraine du plan russe. L’accord n’est d’ailleurs pas probablement sur les matières premières en Ukraine ou pas uniquement, il est surtout sur des accords non seulement de matières premières, mais d’investissements industriels en Russie pour les États-Unis, et on ne peut pas s’y opposer. C’est sur ce dernier point des investissements US en Russie et non sur la question ukrainienne que des négociations se poursuivent.
Donc à ce moment-là, il faut être réaliste et voir ce qu’on peut faire au-delà. Car dans l’accord dans le plan de Poutine lui donnant 4 oblasts, il garde quand même une grosse épine dans le pied, ce sont les deux oblasts, ceux du nord de l’Ukraine, qu’il n’a pas envahis ou pas réussi à envahir, qui sont celui de Kharkov et celui de Soumy, ceux qui sont à la frontière de la Fédération de Russie. Et c’est quand même très ennuyeux pour lui si d’une façon ou d’une autre il n’a pas un pied là-dedans ou s’il n’obtient pas leur démilitarisation. Il se peut d’ailleurs qu’il ait prévu de faire un plan en deux temps en donnant une grande cuillère à avaler à Trump sur les quatre oblasts qu’il annexe et puis si les Ukrainiens font mine de maintenir une activité militaire, ou s’il y a une rébellion ou si une partie des Ukrainiens font de la guerilla, cela sera pour lui l’occasion de terminer et d’envahir les deux oblasts et surtout surtout celui de Kharkov qui est l’enjeu important.
On peut d’ailleurs voir que les bases de départ pour des opérations plus importantes que le grignotage actuel ont été mises en place par l’armée russe, que ce soit au nord de Kharkov, que ce soit au nord de Koupiansk, même d’ailleurs au Sud dans l’embouchure du Dniepr pour la possibilité de retraverser et reprendre la zone qu’ils avaient abandonnée. Cela n’est pas lancé, mais sous réserve que l’armée ukrainienne se retrouve comme on dit vulgairement en slip, il sera à ce moment-là capable de le faire dès que ce sera décidé. Mais encore une fois pour clore cette partie-là, l’accord est passé, il y aura cessez-le-feu annoncé pour le 9 mai où Trump sera sur la Place Rouge avec Vladimir Vladimirovitch Poutine pour le défilé de commémoration de la victoire sur le nazisme. Chose qui hérisse une partie des Ukrainiens hélas, et totalement les Baltes qui ont démoli tous les monuments et réhabilité les auxiliaires des nazis, alors qu’en Ukraine c’est quand même en pointillé, mais dans les Pays Baltes c’est sans pointillés. Donc là-dessus, Poutine dispose d’un outil important de pression et de rappel.
Alors donc là nous avons dit Emmanuel Macron est en retard, parce que l’accord de paix étant fait il ne peut pas avoir d’influence dessus. On aurait quand même pu plutôt que de dire que l’on est prêt à faire la guerre et à mettre des soldats pour garantir un cessez-le-feu éventuel, on aurait quand même pu sortir deux plans qui sont tout à fait possibles. L’un qui pouvait dans un cas intéresser éventuellement Poutine et dans l’autre vous allez voir qui est une façon de nous en sortir politiquement, à peu de frais vu de l’incapacité militaire où nous sommes.
Le plan « Moldavie/transnistrie »
Le premier plan, c’est le plan de la République fédérale d’Ukraine, c’est à dire on permet aux oblasts d’être des républiques autonomes, comme il y en avait en Union soviétique, mais on garde les frontières de 1991, et la plupart des oblasts pourront travailler avec l’un avec l’Europe ou les Etats-Unis, ou avec l’autre c’est à dire la Fédération de Russie et la communauté des états indépendants, et puis la plupart choisiront généralement de jouer sur les deux tableaux. C’est un peu la situation finalement de la Moldavie, je vous l’ai dit il y a quelques semaines, avec la Transnistrie où après s’être tirés dessus, les deux s’entendent comme larrons en foire pour faire du commerce et quelques menus trafics, et finalement on pourrait avoir une fédération des régions autonomes d’Ukraine qui deviennent une très grande Moldavie. Donc cela, cela peut éventuellement même tenter Poutine, et même s’il le rejette cela serait de bonne guerre, si je puis dire, de l’avoir proposé.
Le plan « Sudètes »
L’autre proposition qu’on peut faire, c’est qu’il va y avoir annexion des quatre oblasts, mais on peut indiquer non pas qu’on va mettre des soldats pour surveiller cette nouvelle frontière, mais d’indiquer que s’il y a invasion plus loin, quelques années après, et bien nous déclarons tout de suite que nous déclarerons la guerre tout simplement, la vraie guerre, et d’indiquer cette ligne rouge-là, et non pas d’aller mettre 10 ou 20 000 soldats qui serviront en quelque sorte d’otages parce qu’incapables d’une part de se battre, d’autre part sans soutien politique dans le pays. Et là on ne sait pas très bien si Macron est en avance, ou si j’ose dire s’il le fait exprès pour se construire une image à la Churchill pour préparer son retour dans 5 ou 10 ans. Nous sommes incapables d’assumer une position de guerre actuelle et les gesticulations qu’on fait sont totalement déraisonnables. L’histoire de parler de l’économie de guerre est aussi une baudruche totale, parce que la première chose c’est le moral de la nation. Et dans un pays où il y a un psychodrame de 2 ans pour économiser 30 milliards, je ne vois pas comment en l’état actuel des choses on investirait 300 milliards par an à peu près pour être avec une économie de type effectivement économie de guerre. Pour être caricatural, dans un pays où on discute sur la longueur des chaînes du téflon qu’on ne peut mettre ou pas dans les poêles à frire, c’est oublier que dans une économie de guerre il n’y a plus de poêles du tout. Toutes les usines de poêles elles sont reconverties pour faire des casques et ainsi de suite. Donc c’est complètement déraisonnable d’annoncer avec des mouvements de menton une économie de guerre que nous sommes incapables d’assurer.
De même que de prétendre qu’elle sera faite sur les fonds de l’Europe, qui s’il y a investissement militaire massif va avoir de grosses difficultés économiques, va avoir une inflation importante qui ne pourra être jugulée que par des prélèvements considérables sur les particuliers, ce qu’avait fait le Docteur Schacht pour Hitler. Et puis d’autre part une Europe en crise ne financera pas très longtemps parce que la Banque Centrale ne pourra pas et on se retrouvera avec une situation où si on veut faire ce genre de choses maintenant, il faut consacré la moitié du budget de l’état à la défense, ce que fait Israël par exemple, mais c’est totalement totalement hors de proportion, déraisonnable et ainsi de suite. En plus cela ne marche pas du jour au lendemain. C’est à dire que si par hasard on finançait un peu sérieusement, et bien il faudrait y consacrer la moitié du budget de l’État, comme Israël, et ce n’est pas l’Europe qui pourrait financer longtemps parce que la Banque Centrale dans une Europe continuant à être en crise, avec une forte inflation s’il y a des dépenses militaires massives, ne pourra survivre qu’avec de forts prélèvements sociaux en emprunts plus ou moins forcés sur la population comme le Docteur Schacht avait fait pour l’Allemagne d’Hitler, et on voit que c’est une configuration où il est extrêmement peu probable que l’opinion publique suive longtemps.
D’autant que la proposition de Trump et surtout l’attitude de Vance est beaucoup plus logique. Plutôt que d’aller mettre 10 ou 20 000 soldats en simili-otages sur une ligne de front, ce sont les investissements américains et l’activité économique américaine en Ukraine qui garantiront que Poutine ne l’envahisse pas et ne redéclenche pas la guerre, puisque lui aussi aura des activités économiques du même genre. Et de même d’une façon générale, les Américains et en particulier Trump et Vance, n’ont aucune envie de se laisser marcher sur les pieds et piquer leurs investissements. Les investissements US seraient une bien meilleure défense et garantie de la paix qu’une gesticulation européenne sans efficacité militaire.
Mais heureusement, si nous sommes incapables de défendre une ligne d’armistice dès maintenant, VV Poutine est lui incapable d’aller jusqu’en Bretagne dès maintenant. En 3 ans il n’a pas atteint Kramatorsk à 40 km du front,
Pour conclure, Professeur.
Si on doit conclure rapidement quand même sur le futur. Que veulent les Russes ? Et bien il y a plusieurs niveaux. Certainement pas d’aller jusqu’à Brest, contrairement à ce que certains racontent. Les impérialistes maxima russes veulent la frontière de 1914, c’est à dire la moitié de la Pologne, les Pays Baltes, une grande partie du sud de l’Ukraine et/ou des pays au sud de l’Ukraine, mais au-delà ils n’ont aucune raison d’aller jusque chez nous, et d’ailleurs Alexandre Ier qui était aller jusqu’à Paris est reparti assez rapidement après avoir vérifié que la France n’avait plus les moyens de conquérir l’essentiel de l’Europe. De façon intermédiaire, les buts de guerre éventuels sont de récupérer l’Ukraine, peut-être même pas d’ailleurs la partie qu’ils concéderaient volontiers à la Hongrie et à la Pologne, qui n’ont jamais été russes depuis très longtemps, et les Pays Baltes. Les Pays Baltes, c’est beaucoup plus ennuyeux pour eux, en particulier la Lituanie qui conditionne le maintien de l’enclave de Kaliningrad. Mais cela, de toute façon, ce n’est pas pour tout suite. Et si un développement économique réinsère la Russie dans le jeu des nations en Europe, où elle a toujours eu des amis et des ennemis changeants, enfin des partenaires et des adversaires pour la plupart des pays d’Europe au 19ème siècle, il n’y a que la Pologne à laquelle les russes ont toujours été résolument hostiles et ils avaient fini par l’effacer de la carte. Et bien si la Russie et les pays d’Europe sont réintroduits dans un jeu économique européen, et bien le développement économique peut permettre éventuellement que les choses s’aplanissent, un peu comme l’Allemagne de l’Ouest a bouffé l’Allemagne de l’Est par du soft-power et de l’échange économique. Ce n’est pas forcément écrit dans les astres que la guerre soit la seule solution à pouvoir se répéter à moyen terme. Même si Emmanuel Macron se verrait bien dans un come-back à la Churchill dans 5 à 15 ans, puisqu’il est quand même à un âge qui lui permet d’espérer ce genre de choses.
Merci Professeur Jacques Cohen de nous avoir éclairés dans votre chronique d’actualité cette semaine, on vous dit à très bientôt.
À très bientôt ! Et on verra quelle est l’attitude de la Chine devant tous ces bouleversements. Et ce que peut devenir notre dissuasion nucléaire, qui ne peut être partagée globalement mais qui pour sa part tactique de dernier avertissement, pourrait passer à double clé avec nos voisins allemands.