JHMC
La question du Grand Musée du Boulingrin, ou plutôt d’un Grand Musée des Beaux Arts me parait posée en de mauvais termes. Elle suppose deux questions préalables :
- Sur quelles collections fonder ce musée?
- Quelles ressources peuvent être rassemblées pour le construire et surtout le faire fonctionner?
Et deux questions subsidiaires qui en découlent : Que construire? Et où construire?
Il faut rappeler que la quintessence d’un musée, ce sont quand même les oeuvres qu’on peut y voir. Ce que la course aux bâtiments ostentatoires, « signes architecturaux » dans le jargon moderne, pourrait faire oublier. Les villes qui parient sur un écrin vide, risquent d’en voir l’image pâlir rapidement..
De plus, les musées aujourd’hui, vivent d’expositions temporaires, plutôt que leurs collections permanentes, sauf pour les musées thématiques. Un musée « Fujita », serait d’ailleurs le seul jouable pour nous. Nos « Corot » étant beaucoup trop justes.
La racine d’un musée, ce sont donc ses collections. Dont le niveau conditionne les échanges possibles avec d’autres musées, sans se ruiner pour « louer » des oeuvres significatives pour les expositions temporaires. Ce n’est pas insulter notre Musée des Beaux Arts, que de constater que ses très honorables collections de musée de province, ne permettent pas d’envisager de jouer dans la cour des grands.
D’autant que Lens appuyé sur le Louvre et Metz appuyé sur Beaubourg ne sont pas bien loin.
Il pourrait y avoir des collections internationales souhaitant une implantation en France et c’est par là qu’il aurait fallu commencer: trouver une collection, dessiner et financer le musée autour d’elle, en intégrant la fonction centre de congrès et tourisme d’affaire international. Nous n’avons absolument pas l’échelle financière d’une telle opération qui ne pourrait être tentée qu’en partenariat avec un poids lourds du tourisme mondial….. et un musée important à Londres, Los Angeles, New York, Munich, Berlin, Florence, Madrid…. ou Saint Petersbourg pour citer quelques pistes
A titre d’exemple, Bilbao appuyé sur la collection Guggenheim a coûté 120 à 150 M€ et nécessite environ 15 M€ de fonctionnement par an. Soit tout le budget culture de la Ville!
Que construire?
Si nous n’avons pas les moyens d’une telle opération, peut-on obtenir un impact pour moins cher?.
Les constructions de Villeneuve d’Asq et de Nîmes montrent que pour 30 M€, un bâtiment de qualité et des collections plus modestes peuvent contribuer à l’image de la ville et permettre des opérations d’échelle nationale de temps en temps
Entre les deux, la taille de l’opération qui fut envisagée pour Reims était deux fois trop chère ou de la moitié du financement nécessaire à l’ambition affichée. Trop ou trop peu….
Un beau bâtiment sans budget de fonctionnement à la hauteur fait vite capoter l’opération musée. Le musée de Metz a bien failli s’écraser peu après le décollage. Le musée de Grenoble, a vu en 20 ans, son budget de fonctionnement se rétrécir à 2.5 M€ et sa réputation ne plus guère dépasser Voiron….
Où construire?
La question du site est distincte de celle de l’ambition retenue. Un musée plus modeste trouve plus naturellement sa place sur le pâté de maison du musée actuel. Mais pour autant un « grand » musée y aurait été possible en récupérant parking, square, voire ESAD. Réciproquement, l’un ou l’autre pouvait être envisagé au Boulingrin…. à condition d’utiliser les 20 m de craie en creusant, et surtout de ne pas sacrifier l’espace et l’esplanade pour un « projet privé » c’est à dire une opération immobilière devant drainer quelques sous pour le musée au prix de la déstructuration de l’espace où on ambitionnait de l’insérer.
Les architectes de part et d’autre, sommés de résoudre la quadrature du cercle, ont conçu un musée trop haut mais pourtant trop petit, incapable d’accueillir les réserves du musée actuel. Écrasant pourtant de sa masse les halles du boulingrin. Le musée lui même, était tassé sur une de ses faces par le « projet privé » qui aurait été plutôt élégant à Clairmarais, mais qui sur le site du Boulingrin déjà encombré prenait l’allure d’un éléphant sur le siège arrière d’une dauphine à toit ouvrant, pour prendre une image années 60…
Pour conclure…..
Nul ne doute de l’impact d’un grand musée. Mais le grand musée du Boulingrin qui était prévu l’aurait-il été? La réponse est non. Et il n’en aurait pas eu les retombées. La comparaison qui vient à l’esprit est celle des cuirassés de poche. Solution miracle d’un croiseur armé comme un cuirassé à l’époque du « Graf Spee » qui finit au fond du Rio de la Plata.

Une fois coulé, On peut accorder au « cuirassé de poche » Graf Spee, quelque ressemblance avec certaines architectures muséales modernes.
Ou d’une frégate armée comme un vaisseau de ligne lors de la première tentative de ce genre qui fut faite par les jeunes États Unis d’Amérique sous forme de six frégates lourdement armées. L’ambition était qu’elles manœuvrent comme une frégate mais avec la puissance de feu d’un vaisseau de ligne. En fait comme tous les compromis visant à résoudre la quadrature du cercle, elles ne pouvaient combattre efficacement que des frégates comme elles et non de vrais vaisseaux de ligne. Et encore à condition que la frégate d’en face n’ait pas compris que la « frégate lourde » était devenue pataude.
Sur les six bateaux ainsi construits, une seule frégate eut la chance de survivre: l’USS Constitution, bateau légendaire toujours à l’eau à Boston. Où il est devenu…… un musée!!
Annexe: Extraits d’une Note du 11 5 2012
Ayant entendu que je crachais dans la soupe après six ans de mandat comme Adjoint, je tiens à préciser que, si je ne me suis pas exprimé publiquement par solidarité de majorité municipale, j’ai néanmoins de longue date mis en garde contre ce projet comme en témoigne cette note:
……….Cette dépense pour le GMB est en effet soit la moitié du nécessaire, soit deux fois trop. Il faut en effet choisir comme au foot si nous avons l’ambition et les moyens d’une équipe internationale, ou d’une équipe nationale qui s’aventure parfois en coupe d’Europe.
Obtenir un impact international d’image et de flux touristique avec un musée fait d’expos prestigieuses et d’une image architecturale originale, a déjà été le choix de plusieurs villes: Bilbao, Metz, Lens par exemple, A chaque fois le musée s’est appuyé sur une collection internationale significative: guggenheim, beaubourg, louvre. Et le bâtiment a coûté 100 à 130 M€. Puis le musée nécessite un budget de fonctionnement de 10 à 15 M€. Metz qui a mégoté sur la facture de son bâtiment ( 70 M€ ) et donc les finitions va devoir prévoir des réparations notables dans les 5 ans. Et surtout va y adjoindre le centre de congrès qu’il eut été utile d’intégrer d’emblée pour une 50aine de M€. Il y a des contre-exemples de villes qui ont crû que le geste architectural suffirait ( Nîmes et son musée d’art contemporain signé N Foster ), Villeneuve d’Ascq avec l’extension du musée d’art moderne signé M Gautrand ). Leur impact mesuré objectivement est infime.
Plus proche de notre démarche, Grenoble il y a un quart de siècle a rénové son musée pour en faire une locomotive. De nos jours, avec un budget de fonctionnement de 2.5M€ et ses collections propres, sa réputation ne dépasse pas Voiron.
La démarche pour un musée d’ambition internationale à Reims, eût été de commencer par chercher une grande collection américaine ou européenne ( Getty, Pinacothèque de Munich ou Pergamon à Berlin, National Gallery, musée italien … ) cherchant une implantation hors de chez elle, puis de construire le musée à sa mesure, en le liant à un centre de congrès significatif qui nous aurait permis de le financer grâce à un partenaire parmi les poids lourds du tourisme mondial. Tu m’as dit un jour concernant ce musée que nous faisions à l’échelle de nos moyens. La dépense prévue est incohérente: le GMB au Boulingrin sera trop petit et sans réserves, avec un auditorium symbolique. Les expositions vont nous coûter beaucoup plus cher, faute de collection propre ou alliée. Et nous n’aurons en aucune façon les moyens d’un écho international avec le fonctionnement envisagé de moins de 5M€ ……..
Si nous n’avons pas les moyens d’un musée international, un bon musée de seconde division ne nous aurait coûté en rénovation/extension du site actuel du MBA qu’à peine la moitié. Pour un ensemble plus fonctionnel accompagné d’un geste architectural. Et pour un impact équivalent. Le musée prévu GMB sur le site Boulingrin amputé d’un tiers et accolé à un bâtiment « projet privé » qui ne peut qu’être une tour le dominant, va être trop petit, masquer la vue sur les halles du Boulingrin, et manquera d’une esplanade. De plus, Lens et Metz n’étant pas bien loin, la comparaison sera faite des rapports couts/bénéfice aux différents endroits…
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