Chronique d’actualité enregistrée mercredi 1er avril sur RCF Reims : http://rcf.fr/actualite/les-accidents-du-vaccin-anti-rotavirus
AV: Chronique d’actualité avec Jacques Cohen, bonjour. Aujourd’hui je devrais dire plutôt Professeur Jacques Cohen puisque vous avez choisi un sujet médecine dans votre émission : les accidents vaccinaux du vaccin rotavirus. Pourquoi et qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on puisse parler d’accident ?
D’abord, il y a eu deux décès et une quarantaine de cas d’invagination intestinale aiguë après vaccination contre le rotavirus pour un million de doses distribuées. Le rotavirus, c’est un virus digestif qui donne des diarrhées chez l’enfant qui sont sévères, qui peuvent être mortelles. Dans les pays en développement elles sont, là, très souvent mortelles, 10% des gamins au moins. Moins ici bien sûr, mais c’est un risque sérieux qui justifie donc un vaccin pour le prévenir.
Vous avez parlé d’invagination intestinale aiguë, qu’est-ce que c’est ?
L’invagination intestinale aiguë, c’est quelque chose d’assez surprenant. Le tube digestif propulse le bol alimentaire avec des vagues qu’on appelle le péristaltisme. Ces vagues elles peuvent rouler, elles peuvent se développer suffisamment fort pour rouler sur elles-mêmes, et retourner l’intestin en doigt de gant et à ce moment là ça s’étrangle. Alors la plupart du temps, il suffit d’anesthésier, ça se détend ou bien on injecte un peu, on gonfle, le doigt de gant se remet dans la bonne position. Si on traîne, si on n’a pas fait de diagnostic, et bien on a un tableau d’occlusion, une occlusion qui va conduire inéluctablement à une nécrose, une perforation et à la mort. Ce qui est déjà une grosse surprise, c’est qu’on ait pu avoir deux décès en France pour cette infection qui devrait être diagnostiquée et traitée à chaque fois convenablement.
Et le vaccin là dedans?
Après, on peut se poser la question des rapports avec le vaccin rotavirus car, à première vue, ça parait tout à fait étonnant de relier un vaccin à cette complication. En fait, c’est une vieille histoire. Il y a 10 ou 20 ans, on avait déjà essayé de faire un vaccin contre le rotavirus. Aux Etats-Unis d’ailleurs, la première étude avait trouvé deux cas d’invagination chez les garçons et pas les filles, qui n’avaient pas donné de suites graves. Ils avaient guéri parfaitement, on n’avait pas eu de décès. Et pourtant le vaccin avait été arrêté. Il n’a jamais été commercialisé sur le raisonnement de la peur de la part des fabricants des procès et des dommages et intérêts. Même avec 2 décès sur 1000, un tel vaccin serait pourtant parfaitement utile dans le tiers monde avec un coût bénéfice parfaitement acceptable. Depuis, on a donc réessayé de faire d’autres vaccins, et en faisant attention à cela. Puisqu’on connaissait cette complication. Malheureusement la vraie vie ça ne se passe pas toujours comme prévu, et c’est arrivé à nouveau avec les nouveaux vaccins qui devaient éviter cette comlication. Est-ce que c’est parce qu’un lot de vaccins est plus immunogène qu’un autre? Est-ce que c’est parce qu’il y a un cofacteur et que cette fois là le cofacteur, ou une autre infection, ou quelque chose d’alimentaire était présent, on ne sait.
En tout cas, il s’est passé quelque chose d’inattendu. Cela ne remet pas du tout en cause la vaccination, cela rappelle que la vaccination, comme toute chose sur terre, a des bénéfices et des risques. Il ne faut pas vacciner avec des produits qui comportent trop de risques, et cela dépend également dans quelles conditions. Il est certain que ce vaccin, même en l’état, est tout à fait satisfaisant dans des pays où la mortalité par rotavirus est très importante mais pour notre pays cela se discute. Parce qu’on peut soigner ces diarrhées et éviter les décès liés aux diarrhées à rotavirus. A l’inverse aussi d’un autre côté, il est vrai qu’il est complètement anormal de nos jours d’avoir encore des décès pour invagination intestinale aiguë en France.
Les rotavirus, ça touche essentiellement les enfants ?
ça peut toucher tout le monde, c’est une des causes de Tourista, mais c’est grave essentiellement chez les nourrissons.
Et on parle ici dans cette émission d’accidents vaccinaux. Est-ce que de manière générale, c’est très rare, ça se produit ?
Il y a des accidents spécifiques à un vaccin, quelque chose d’inattendu. Il y a des accidents connus pour tous les vaccins. Mais il faut bien rappeler qu’à chaque fois, il faut comparer cela aux risques de la maladie. Si on avait dit, si on avait parlé d’une invagination pour 1000 ou pour 10 000, ou d’un décès pour 10 000 du temps du vaccin antivariolique, tout le monde l’aurait passé à pertes et profits, sans s’arrêter une seconde puisque c’est une maladie qui spontanément donnait 5 à 30 % de mortalité. Et qui heureusement maintenant a été éradiquée grâce au vaccin. Donc les complications, elles sont toujours à juger en fonction du bénéfice attendu. La vaccination, c’est une médecine d’assurance, c’est une médecine préventive. Donc, on paie forcément les complications alors qu’on n’a pas vu les bénéfices. Et d’autre part, c’est un la vaccination, c’est une mesure thérapeutique qui ne concerne pas seulement l’individu mais la population. Il se peut que protéger la population ne protège pas tous les individus. C’est un autre problème. Globalement, c’est une des principales conquête de la médecine et il faut absolument promouvoir, défendre et réaliser des vaccinations.
D’où votre message, vous venez de le dire, il faut se faire vacciner
Oui, mais je ne vous conseille pas d’aller vous faire vacciner contre le rotavirus, vous avez déjà atteint une taille et un poids qui permettent de l’éviter!