Emission enregistrée mercredi 16 septembre sur RCF Reims : https://rcf.fr/actualite/hot-spots-le-nouveau-nom-des-camps
AV: Chronique d’actualité cette semaine avec Jacques Cohen, bonjour Jacques, nous allons parler du problème des réfugiés. Vous avez souhaité aborder les hot spots, en français les points chauds ?
C’est la nouvelle solution miraculeuse, ou pas miraculeuse, ou du moins politiquement correcte, qui est proposée, suite aux difficultés de la solution « libre flux » que l’Allemagne a essayé pendant 8 jours et qu’elle avait imposé à la Hongrie. Ce qui a donné une situation d’appel d’air catastrophique avec 60 000 personnes en quelques jours vers Munich. Donc on en revient à enregistrer les gens.
On avait le système Schengen qui veut que les gens s’enregistrent dans le premier pays de l’Union où ils rentrent. On en fait ensuite la répartition selon les quotas ouverts, ou selon la clef de répartition qui est la nouvelle solution négociée. Ce qui donnait sur une estimation à 160 000, 20% pour la France etc. Ce système a donc explosé, d’une part avec la position allemande de dire « laissez rentrer, qu’ils viennent chez nous, on verra après ». Laquelle n’a pas tenu 8 jours. Donc derrière on en revient d’une part à des filtrages à chaque frontière. Théoriquement, Schengen dit que les réfugiés sont enregistrés et restent dans le premier pays de l’Union où ils sont arrivés, qu’ils ne doivent pas en bouger avant qu’ils n’aient des papiers, une solution légale d’hébergement etc. L’ennui c’est que cela a des conséquences considérables, on va le voir.
Donc, première notion, on va créer des hot spots d’enregistrement. C’est la formule qui est retenue. Ces points chauds sont la formule polie pour dire « des camps » parce que si c’est sur trois tables avec un drapeau, les gens passent, ils s’inscrivent, ils s’inscrivent pas, ils continuent tout droit parce que les migrants ou réfugiés, qui ont déjà goûté à des choses bien pires, n’ont aucune envie de se conformer à ce genre de chose : s’enregistrer et attendre sagement.
Donc si les hot spots sont aux frontières européennes, mais du côté intérieur, l’inéluctable est qu’ils deviennent des camps. Faute de quoi, cela revient à une mesure coup d’épée dans l’eau puisque la population correspondante va se répandre dans toute l’Union européenne. Et voter avec ses pieds pour savoir si elle peut aller en Allemagne, en Angleterre. Vous connaissez la question de Calais.
Les contraintes sont en cascades. A partir du moment où il y a enregistrement obligatoire et qu’on veut le faire respecter, les choses se gâtent parce qu’il faut un contrôle militaire de la frontière. Il y a une transformation policière du pays pour que les gens soient finalement placés dans des camps d’accueil plus ou moins affriolants. Mais c’est quand même des camps quand on n’a pas le droit d’en sortir. Et d’autre part qu’ils se fassent piquer à la frontière suivante s’ils se sont égarés dans la nature. Cela est quand même une contrainte, et même une transformation importante dans les pays concernés.
Par exemple, pour la Grèce, cela veut dire qu’il y a des îles où plusieurs milliers de personnes vont s’empiler. Le reste de l’île va disparaître. Il est difficile d’avoir une île dont l’activité économique habituelle est le tourisme et qui se retrouve avec 30 000 ou 40 000 personnes dont on dit qu’elles ne vont plus bouger de là. Où il faut de la logistique pour les y maintenir, les y nourrir etc. Si à l’inverse on les transporte directement sur le continent, eh bien on a le problème, soit de vrais camps, soit de ce que la population en question va partir à pied vers le reste de l’Europe.
Donc les hot spots dans les pays dits de contact européens sont en même temps des contraintes majeures qui vont leur être imposées. Pas seulement en charges de logistique mais en charge de transformation de leur société. Avec un fonctionnement policier parce que sinon cela ne marche pas. Et donc personne n’a forcément envie de voir son pays transformé de la sorte.
Les autres hot spots, ce sont les hot spots à l’extérieur. C’est-à-dire là où sont les réfugiés, dans les pays du contact, en Turquie ou ailleurs. Il faut donc à ce moment là, puisqu’on n’est pas chez soi, que ces pays acceptent que l’on crée des points de contact auprès des camps où les Etats d’Europe iront faire leur marché sur qui peut rentrer, que ce soit en Turquie, que ce soit au Liban.
Et puis il y a le problème méditerranéen: c’est qu’en Libye cela paraît difficile. On ne peut pas faire de hot spot, de camp, si on ne commence pas par une intervention militaire qui détermine une zone sûre. Et là il ne s’agit pas seulement d’aller faire deux trois bombardements ou détruire du matériel par voie aérienne. Cela implique que des pays participants ou aidant les Européens établissent une zone de sécurité dans laquelle on crée ce fameux hot spot, c’est-à-dire des camps de réfugiés.
Sur les pays qui sont à la limite de l’espace Schengen, concernés par ces points de contact, on entend régulièrement les gouvernements se plaindre d’un manque de moyens pour faire face à cet afflux de réfugiés, administrativement et même en terme de sécurité?
C’est vrai parce que la plupart du temps ces pays de contact sont des pays pauvres, mais imaginez la même chose chez nous. On aurait le même problème. Le pays le plus riche d’Europe, l’Allemagne, vient de mettre les pouces en moins d’une semaine. On ne peut pas gérer un flux pareil.
La logistique nécessaire est considérable. Mais surtout la logistique se double d’un problème politique c’est-à-dire d’une coercition vis à vis des réfugiés migrants. Si elle n’a pas lieu, l’ensemble du système explosera à nouveau. Et créer une coercition pour des masses de plusieurs centaines de milliers de personnes errant à travers l’Europe, ayant hélas l’habitude de la guerre et des malheurs et de se servir parce que c’est cela que crée la guerre. Vous connaissez la chanson : « Ah maudite soit la guerre qui nous fait faire de ces choses ». C’est-à-dire que la situation de guerre et de réfugié transporte la mentalité du « chacun pour soi » et des malheurs de la guerre.
Et donc contrôler cela sous forme, comme je le disais la semaine dernière, d’un million de personnes errant dans tous les sens à travers l’Europe, est un problème majeur dont on espère qu’il soit refoulé en quelque sorte dans les pays périphériques de l’Europe, voire à l’extérieur. A l’extérieur, peut-être, et encore. Dans les pays périphériques, certainement pas: Une fois qu’ils sont en Europe, le problème devient celui de tous les Européens.