Emission enregistrée mercredi 23 septembre sur RCF Reims : https://rcf.fr/actualite/le-diesel-de-volkswagen-cest-du-propre
JPB: Chronique d’actualité cette semaine avec Jacques Cohen, bonjour Jacques, alors l’actualité c’est la voiture aujourd’hui. Volkswagen, 11 millions de voitures qui auraient eu un petit appareil qui aurait permis de changer un peu les émissions de CO2 ?
On n’a pas le détail technique mais, en gros, semble-t-il : passer en mode très économique pour les tests, et pas après. Cela ressemble à peu près à cela. Les performances en mode économique doivent être inférieures aux performances standard et donc un système basculant automatiquement. Une histoire de plaisanterie informatique qui va leur coûter extrêmement cher.
C’est étonnant, cela met à mal la réputation de la firme, celle du pays. Cela montre une certaine homogénéisation de l’Europe. On voit des comportements qu’on pourrait dire italiens ou français passer le Rhin. Alors que nous Français, qui avons justement les meilleurs diesels, nous n’en avons pas besoin.
Mais quand même c’est assez surprenant de la part d’une grande marque de se dire : on ne sera pas pris. Parce qu’un jour ou l’autre de toute façon, on découvre le pot aux roses souvent ?
C’est la culture de l’impunité également. C’est tellement compliqué. Tout le monde sait que les normes sont très compliquées, les tests aussi. On peut interpréter les choses. Par exemple, la norme des voitures hybrides permet d’avoir des moteurs à essence archaïques ou du moins nettement polluants qui sont rattrapés par la pondération des performances de la partie électrique. Et donc cela permet d’avoir des hybrides sur des grosses voitures, allemandes justement, qui passent les normes. Donc là, il n’y a pas besoin de logiciel. La fraude, ou du moins l’entourloupe, se situe en amont dans la définition des normes.
Donc à ce petit jeu de définir les normes comme il faut, ou pas comme il faut, et de faire les programmes informatiques en fonction, certains ont passé la ligne jaune, ou la ligne rouge, de faire en sorte que le moteur s’adapte aux tests.
Oui mais, Jacques Cohen, on sait que les Américains sont très libéraux, enfin a priori, mais est-ce que ce n’est pas une manière d’empêcher les voitures allemandes d’entrer sur le marché américain ?
Il y a deux aspects. La société américaine est très protectionniste, mais très rigide. Et donc le mensonge est le pire péché et le pire délit aux Etats-Unis. C’est quelque chose qu’il faut bien comprendre. Regardez tous les malheurs qu’avait eu Clinton, ce n’est pas pour avoir eu une affaire extra-conjugale, mais parce qu’il avait menti. Et ainsi de suite. Donc le mensonge est ce qu’il ne faut jamais faire. Nous avons nous des écoles, des collèges où on peut apprendre à ne jamais mentir frontalement et à s’en sortir quand même.
Vous n’avez pas de noms Jacques Cohen ?!
Ah non, je ne fais jamais de publicité à l’antenne. Mais il y a probablement des patrons de Volkswagen qui auraient dû y passer !
Ensuite on peut quand même dire quelque chose sur les moteurs diesel. Parce qu’il y a un anathème total sur le diesel, chargé de tous les maux. Et pourtant le diesel a énormément d’avantages parmi les moteurs à explosion.
D’abord c’est le carburant qui a l’énergie massique la plus élevée. Cela veut dire que c’est de lui qu’on sort le plus d’énergie. Donc il faut moins de diesel que d’un autre carburant, en particulier le gaz qui est très mauvais. Il faut moins de diesel pour fournir une quantité d’énergie donnée, pour une distance donnée etc. Donc, en fait le diesel, par rapport aux produits qui réchauffent l’atmosphère, est le système le plus économique, le moins désagréable.
Ensuite, parmi les polluants, on en parlera peut-être une autre fois, c’est lui qui en donne le moins. Sauf les fameux NOx et les particules fines. Mais les filtres modernes les arrêtent pour plus de 90 ou 95%. Autrement dit, on a tous en tête la vieille bagnole en ruine avec la fumée noire derrière comme image du diesel alors que les diesels modernes polluent moins que les voitures à essence modernes.
Alors le moteur de Volkswagen, il avait le problème d’être ancien, c’est cela son problème.
Le problème, c’est que dans l’opinion on pense que ce que vous dites Jacques Cohen, c’est-à-dire le contraire de la réalité puisqu’en France on s’était acclimaté à avoir maintenant un peu plus « d’essence », alors que c’est le diesel qui pollue le moins ?!
Il y a deux raisons à cela, en dehors de l’anathème et d’une question de foi et de diabolisation. La raison principale, ce sont les pétroliers. Tout simplement parce que le cracking du pétrole donne tant de diesel, tant d’essence, tant de ceci, tant de cela. Et le profil de consommation en France laissait un large excès d’essence et consomme, encore maintenant, un large excès de diesel.
Quand les Etats-Unis en manquaient, cela ne posait aucun problème parce que eux consomment peu de diesel. Donc on exportait l’essence là-bas et cela rectifiait leur asymétrie de consommation qui est symétrique de la nôtre. Et puis maintenant les Etats-Unis deviennent autonomes en matière de carburant. Et donc les pétroliers se retrouvent en France avec sur les bras de l’essence inutile dont ils ne savent pas quoi faire. Et donc il n’y a qu’une seule solution : encourager généreusement les campagnes sur le dos du diesel.
Or du point de vue de l’industrie française, c’est quand même très ennuyeux parce que nos moteurs diesel sont les meilleurs du monde, les plus économes, les moins polluants etc. Que concevoir des moteurs cela prend énormément de temps. Le cycle de vie des générations de moteurs n’a rien à voir avec celui des voitures. Il y a des moteurs qui ont 40 ans de conception et qui tournent. De ce point de vue là, nous scions délibérément un avantage de notre industrie, qui est de savoir faire des moteurs diesel les plus modernes. C’est assez incompréhensible. Et ce sont finalement les pétroliers qui ont l’air d’avoir plus de poids que les constructeurs automobiles.
On vous savait, Jacques Cohen, spécialiste de médecine. C’est votre métier. On vous savait spécialiste de politique, d’économie, d’actualité mais on ne savait pas que vous étiez spécialiste, aussi, du diesel et des voitures !
Oh vous savez moi je suis généraliste. J’ai commencé ma carrière comme cela, j’ai fait des remplacements de médecine générale.
Un généraliste, qui est quand même sur ces questions, un bon spécialiste!