Emission enregistrée mercredi 25 novembre sur RCF Reims : https://rcf.fr/actualite/des-armes-pour-tous
AV/ Chronique d’actualité avec Jacques Cohen, bonjour Jacques, aujourd’hui nous allons aborder la question des armes. Est-ce qu’après les événements tragiques que la France a vécu, est-ce qu’il faut armer les policiers municipaux, est-ce qu’il faut renforcer ces dispositions et tout simplement équiper de plus en plus les agents en armes ?
Certainement pas et je vais essayer de vous en convaincre.
D’abord, la polémique a surtout lieu à partir des Etats-Unis où les candidats républicains et tous les partisans et lobbyistes de la NRA font des déclarations sur le thème « si les Français avaient tous des armes, ils auraient flingué les terroristes etc » . C’est un très mauvais raisonnement, surtout dans un pays où il y a une mortalité considérable par arme à feu, les Etats-Unis, où cette solution d’armer tout le monde fait illusion.
Ce n’est pas le vendeur de journaux de 60 ans qui arrêtera deux types avec un fusil mitrailleur chacun, et si on lui donne un fusil mitrailleur, les autres auront un anti-char etc.. Cela est complètement illusoire.
Il faut rappeler que ce ne sont pas les armes qui tirent, ce sont les gens. Et qu’on peut prendre même des exemples concrets dans les événements de janvier, comme dans les événements récents, pour montrer que ce qui compte : c’est l’expérience. Parce que le sang-froid et la bonne tactique viennent de l’expérience.
En janvier, plusieurs patrouilles de policiers ont été confrontées aux assaillants armés. Ils ont dû soit se replier, soit ils ont été abattus. Il faut dire les choses franchement, parce qu’ils n’avaient ni le matériel, ni la formation pour s’opposer à un commando, même de niveau moyen.
Cette fois-ci, on a vu autour du Bataclan, au début, des policiers isolés arriver, et puis s’avancer à un coin de rue, reculer en entendant une rafale etc. Un seul policier très expérimenté de la brigade anti-gang, lui, s’est faufilé dans l’entrée pour reconnaître le dispositif d’en face, a vu qu’il pouvait accéder dans la salle, est entré dans la salle, s’est caché, et a tué l’un des 3 types avant de se sauver. Parce qu’il avait la formation là aussi pour cela. En janvier, au contraire des policiers inexpérimentés, un gendarme d’une brigade territoriale, a, au contact, repéré et blessé l’un des terroristes sans prendre de risque pour lui et a attendu ensuite les renforts. Mais s’il est gendarme dans la territoriale, il avait été gendarme 10 ans dans la mobile et donc il avait une formation approfondie.
Si en Israël les agents de sécurité sont partout et abattent régulièrement les terroristes, c’est parce qu’ils ont fait 2 ans d’armée au moins plus leurs périodes de réserviste.
Il ne suffit pas de distribuer des armes pour que les armes fonctionnent toutes seules.
Quand on voit, à l’inverse, des scènes de panique, on se dit que si tout le monde avait été armés, les terroristes n’auraient même plus besoin de se déranger. Les gens se tireraient les uns sur les autres, ce serait un désastre. Je crois qu’il faut, selon le modèle français, et efficacement, réserver les armes aux gens qui sont entraînés pour s’en servir et qui ont une grosse expérience.
Armer les polices municipales, si cela est généralisé, ne me paraît pas une bonne idée. Si l’idée est d’armer quelques personnes parmi elles, qui ont des antécédents militaires et qui s’astreignent à une formation régulière, pourquoi pas ? Mais l’idée qu’il suffit d’armer les polices municipales ne suffira pas. Après on dira qu’il faut armer tous les vigiles. Et ce n’est pas une solution.
Les armes ne fonctionnent pas toutes seules. Et la riposte armée doit être faite par des personnels spécialisés et bien formés.
Donc la solution est de recruter. Des créations de postes ont été annoncés en police, en gendarmerie. C’est par ce biais là si on veut améliorer un peu la sécurité et équiper des gens en armes, en avoir un peu plus ?
Je ne pense pas, franchement, que ce soit la question. Parce qu’on n’aura jamais assez d’armes pour empêcher que des types tirent d’une bagnole sur une terrasse. On connait des exemples terroristes sur la planète de cette façon là, en de multiples endroits, c’est imparable. En revanche, c’est en amont que les choses se jouent. C’est sur le renseignement, sur les goulots d’étranglement où l’on surveille les passages, les moyens de pister le matériel d’en face etc. Donc c’est sur tout ce qui est en amont, en préventif, qu’il faut mettre des moyens beaucoup plus considérables que ceux qui pour l’instant existent. Dans les moyens d’intervention proprement dit, on peut améliorer un peu les choses mais à la marge. L’essentiel se situe avant.
Et notamment sur les perquisitions qui peuvent être menées, on voit là dans le cadre de l’état d’urgence, il y en a beaucoup qui sont faites, on en parle beaucoup. Est-ce qu’elles sont efficaces? est-ce que c’est un moyen pour des suspicions de terrorisme, d’agir ?
Je vais peut-être vous surprendre. Je pense que les perquisitions sont un peu améliorées par l’état d’urgence, mais pas tellement. La seule différence, c’est qu’il n’y a pas de contrôle judiciaire obligatoire. Mais là en l’occurrence il y en a eu quand même, donc ce n’est pas une grosse différence. La différence est dans la possibilité de faire de la rétention administrative.
Avant, dans le système normal, on a la garde à vue et à la fin de la garde à vue, on est mis en examen ou on est relâché. Et bien si on estime que des individus présentent une dangerosité suffisante, pendant la période de l’état d’urgence, on a parfaitement le droit de faire de la rétention administrative. C’est-à-dire de les boucler quelque part, en attendant de voir comment les choses se décantent. Et je pense que cela est une bonne chose, parce que malheureusement, quand il y a un péril, il faut qu’on se donne les moyens de l’éliminer en amont.
Et c’est pareil en médecine, quand quelqu’un est malade, on le met en « isolement » ?
Cela permet effectivement de voir les choses se décanter. J’espère d’ailleurs que cela permettra à un certain nombre de types de ne pas faire de bêtises, et puis 10 ou 15 ans plus tard de s’apercevoir qu’ils ont eu de la chance de ne pas faire ces bêtises.
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