Chronique du 21 septembre 2016
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AV : on va parler d’un sujet local, qui peut être national finalement, c’est l’armement des policiers municipaux. Au conseil municipal de Reims, on a voté « pour » équiper la police municipale d’armes létales, c’est cela ?
D’armes létales, mais cela ne résout pas la question de l’efficacité ! J’ai écrit, l’an dernier déjà, une chronique pour rappeler qu’il fallait réserver les armes à ceux qui savent s’en servir. Et la police municipale n’a ni les critères de recrutement, ni les critères de formation, ni l’emploi du temps et l’entraînement pour être efficace avec des armes de poing. Puisqu’il est annoncé que le ministère de l’Intérieur offre 80 pistolets. Je ne vois pas à quoi cela peut servir !
Sur les missions de la police municipale telles qu’elles sont aujourd’hui finalement ?
Oui, la police municipale n’a pas de missions qui justifient l’emploi d’armes de poing. Je ne crois pas qu’il soit besoin d’être tireur d’élite pour mettre des PV. Et d’autre part s’il s’agit, car c’est l’arrière-pensée générale, de lutter contre le terrorisme, on a bien vu dans les attentats parisiens que contre une équipe, même minime de 2 personnes, avec des armes longues, aucune des équipes munies d’armes de poing qu’ils ont rencontrées n’a eu la moindre chance. Ils ont dû soit se sauver, soit ils ont été abattus. Donc l’illusion d’un GIGN municipal en donnant des armes de poing à la police municipale me paraît complètement désastreuse. Alors certains disent « mais s’il s’agit d’armes blanches » ? Et bien les Tasers® sont largement efficaces pour cela. Et on ne demande pas non plus aux policiers municipaux d’être des champions de « Close Combat » pour désarmer un porteur d’une arme blanche à main nue. Mais je ne vois aucun intérêt, y compris dans la lutte contre le terrorisme à mettre à disposition de la police municipale, des armes de poing.
On peut d’ailleurs remarquer que dans les villes où la police municipale a déjà des armes de poing, qu’elle réclame des armes longues ou des armes semi-automatiques, etc. Il y a une escalade ! la police municipale n’est pas faite pour cela. Elle n’est pas recrutée, elle n’est pas formée pour mener des missions de guerre ou des missions de sauvetage de personnes.
Il y a fort justement, maintenant, un groupement spécialisé par région, il y en a donc un qui est justement basé à Reims. En cas de problème de ce genre c’est lui qui interviendra et le fait de donner des armes létales, mais à courte portée à des gens qui n’ont aucune formation pour s’en servir, ne peut conduire qu’à des bavures un jour ou l’autre.
Alors, dans l’autre sens, on peut se demander pourquoi avoir ce genre d’attitude ? C’est une affirmation politique « nous sommes armés », mais c’est une affirmation aussi naïve qu’aux États-Unis, un pays où tout le monde est armé, et où les effets secondaires sont bien plus importants que les effets positifs puisque l’on n’en voit pas d’effets positifs. Et la plupart des syndicats de policiers sont pour la restriction des armes à ceux qui ont le droit de s’en servir et qui ont la formation pour cela. La police nationale donne la formation pour cela et il faut quand même rappeler, pour ceux qui ont fait du tir sportif, qu’il faut au moins 3 000 à 5 000 munitions par an pour être un tireur d’élite, et je ne vois pas pourquoi on devrait reconvertir une partie de la police municipale à ce genre de travail dont la carte nationale est assurée par la police nationale.
La formation, vous venez d’en dire un mot, Jacques, il faut énormément d’entraînement et en plus quand on est sur le terrain, ce n’est pas la même chose que dans un stand de tir, rien que les conditions d’éclairage par exemple ?
Oui, quand Donald Trump a expliqué que si tout le monde avait été armé au Bataclan, les terroristes n’auraient pas fait « long feu ». C’est d’une grande naïveté. Ils n’auraient pas fait plus long feu qu’une grande partie des spectateurs qui se seraient entre-tirés dessus parce qu’effectivement, c’est un métier.
Non seulement la question du tir, mais aussi la question des choix tactiques. Au Bataclan, le seul policier qui soit intervenu, et avec efficacité puisqu’il a abattu l’un des trois assaillants, c’est un policier très expérimenté, patron d’une brigade anticriminalité, qui est donc rentré dans la salle en s’assurant de bonnes conditions tactiques pour cela et qui d’ailleurs avait choisi de prendre dans le coffre de sa voiture de service un fusil à pompe et non pas son arme de service.
Preuve que les armes à courte portée ne sont pas des solutions face à des fous furieux terroristes et des armes longues ?
Voilà ! La distribution des armes à feu un peu partout, n’est pas une bonne solution parce qu’il n’y a pas raison de s’arrêter. Si la police municipale en a, pourquoi pas chacun ? Et à ce moment-là, on arrive à la situation américaine où une population totalement armée n’arrive pas à assurer sa sécurité.
D’ailleurs, on en discutait un petit peu hors antenne, c’est vrai que le citoyen a aussi des droits, on parlait des délits en flagrance, tout à l’heure, mais par rapport à la police municipale, le citoyen n’a pas forcément des possibilités et des droits inférieurs pour intervenir ?
C’est exact, mais dans des situations où le citoyen lambda comme le policier municipal peut avoir le dessus. Il y a beaucoup de situations où il faut au contraire déguerpir et laisser du champ pour permettre aux gens spécialisés d’intervenir.
En l’occurrence, on parle d’un vol à la tire, d’un vol à l’étalage, pas de faits beaucoup plus lourds…
Pourquoi faudrait-il une arme à feu pour intervenir sur un vol à l’étalage… ce qu’il va se passer à avoir des armes à feu promenées comme ça par un petit nombre de personnes à chaque fois, c’est qu’un jour ou l’autre il y aura une embuscade pour les leur voler. C’est totalement déraisonnable et c’est surtout une posture idéologique qui n’a rien à voir avec une efficacité, ni vis-à-vis du banditisme, ni vis-à-vis du terrorisme.