Sur les ondes… La planche à billets n’aurait elle plus d’encre ? !

Emission enregistrée mercredi 11 novembre sur RCF Reims : https://rcf.fr/actualite/la-nouvelle-planche-billets-de-mr-draghi-nenraye-pas-la-deflation

JPB: Jacques Cohen bonjour, votre chronique aujourd’hui est économique alors il va falloir s’accrocher. Mario Draghi qui préside les destinées de la BCE, la banque centrale européenne, devait modifier sa politique, alors qu’en est-il ?

Eh bien il ne l’a pas modifiée. Il ne l’a pas modifiée. Mais il annonce qu’il pourrait la modifier s’il y en a vraiment besoin.

Il faut déjà revenir sur cette politique. Cette politique qui répond à un nom barbare que je ne prononcerai même pas, consiste en gros à ce que la banque centrale européenne puisse racheter des obligations, en terme vulgaire des bons du trésor des Etats membres. Puisque les Etats membres n’ont plus de politique monétaire indépendante et ne peuvent pas jouer sur le cours de la monnaie mais peuvent encore émettre ou pas des bons du trésor. Si ces bons du trésor, il y en a beaucoup, eh bien à ce moment-là le marché n’en veut pas. On va voir que ce n’est pas exactement ce qui se passe. Et puis pour trouver des clients, si cela devient dur, il y a la banque centrale qui dit : pas de problème je rachète.

Mais la banque centrale ne fait pas cela n’importe comment. C’est tout un compromis qui a été mis en place sur la quantité mais surtout sur la qualité des bons concernés.

Donc on a injecté plus de 60 milliards, on doit continuer et pourtant le résultat est nul. On pensait avec cela recréer de l’inflation. Parfois c’est très vilain mais là on voulait en créer. Et finalement cela n’en crée guère.

Alors est-ce qu’il faut encore en faire beaucoup plus et on va voir tout à l’heure que cela crée quelques problèmes de vouloir en faire plus.

JPB On avait le sentiment au départ que la banque européenne était attachée à l’équilibre budgétaire, ce ne serait pas tout à fait cela si on décide de racheter des bons du trésor ?

Effectivement on conduit normalement avec deux pédales et là on joue un petit peu des deux à la fois. L’accélérateur et l’embrayage, voire le frein pour la troisième ce n’est pas tout à fait d’une grande logique. Et effectivement à la fois la politique affichée est celle des fameux critères de Maastricht, de rechercher l’équilibre budgétaire, d’arrêter de s’endetter. Et dans le même temps on laisse les Etats avoir une bouffée d’oxygène sous forme de racheter des bons du trésor ou des obligations en tout genre.

Seulement pour l’instant c’est un compromis et on ne rachète pas n’importe quoi. On ne rachète pas des choses qui peuvent partir en fumée. Il y a une clause d’annulation, d’obligation de tout le monde, de tous ceux qui en ont, d’avoir la même attitude si jamais il y a un défaut, enfin je vous épargne la cuisine. Donc pour l’instant on ne rachète pas ce qui pourrait partir trop facilement en fumée.

D’autre part, si on veut continuer à racheter, on va avoir un problème pour en trouver. Parce que tout ce qui serait à acheter avec cette qualité, c’est déjà à peu près fait. Ou on doit tricher et lâcher du lest et acheter des choses plus ou moins pourries, dans le langage boursier. Ou bien même racheter des emprunts privés. Là cela revient à droguer les entreprises comme le sont les Etats, et cela crée aussi des problèmes de concurrence internationale, puisque cela revient à une subvention directe à ces entreprises.

Augmenter l’assiette de ce qu’on rachète, c’est aussi un peu périlleux parce qu’en dernière analyse racheter revient à créer de la monnaie, à créer du papier, si on en était encore là. Mais dans les conditions où c’est fait, c’est avec quelques garde-fous. Si on les fait sauter, on peut effectivement racheter beaucoup plus, on prend également beaucoup de risques de voir partir en fumée un certain nombre de choses rachetées et donc voir le budget de la BCE plombé par des défauts successifs de tel ou tel pays.

On a en fait un problème plus global qui est qu’on peut émettre du papier mais que la réaction des marchés n’est pas celle qui prévalait autrefois.

Autrefois il était relativement simple de savoir que quand on faisait marcher la planche à billets, la monnaie descendait etc etc. Actuellement il y a une telle demande de papiers, terme utilisé autrefois dans le monde boursier, c’est-à-dire de bons des différents Etats, que les moins mauvais peuvent réclamer une prime à ceux qui leur donnent de l’argent. C’est actuellement la situation, non seulement de l’Allemagne, mais de la France par exemple. On n’a pas d’intérêt à payer pour qu’on nous donne de l’argent, que l’Etat reçoive de l’argent, il peut même réclamer une prime pour avoir la gentillesse de bien vouloir prendre de l’argent. Pourquoi ? Parce que cet argent brûle les doigts. Parce qu’il y a une bulle phénoménale et que donc on ne peut pas faire autrement que de chercher, quand on a de l’argent qui brûle les doigts, où le mettre. Paradoxalement la politique de la BCE n’améliore rien, parce que de racheter des bons, cela raréfie ce qui est disponible et donc cela renforce cette tendance, et quand on a donc un taux d’intérêt négatif, on fait perdurer de plus en plus facilement une spirale déflationniste qui aboutit à une paralysie économique.

Plusieurs pays on essayé de s’en sortir, par exemple le Japon qui depuis deux ans, injecte massivement des liquidités. Le Japon a aussi un problème de dette gigantesque, bien plus que nous, mais elle est essentiellement interne. Elle est détenue par des sociétés ou des particuliers japonais. Et le résultat n’est pas très probant.

Ensuite, il y a  le problème de savoir comment on pourrait s’en sortir. A ce moment là chacun a sa recette miracle. Du point de vue idéologique, les uns disent que c’est parce que les économies européennes ont des charges sociales beaucoup trop élevées pour les entreprises ou trop de rigidité réglementaire. Les autres disent que pour relancer il suffit de donner à chacun le droit et les moyens de consommer et toute la machine repartira. L’ennui c’est qu’on a des économies européennes, et en particulier française, c’est là notre problème parce que nous sommes plus plombés que les autres, si on prend une expression vulgaire. On a des économies européennes qui sont déjà extrêmement droguées aux subventions publiques ou au fonctionnement à travers le budget de l’Etat. Et pour cela, il faut pomper. Et donc on pompe énormément de la richesse nationale en taxes et impôts. Et donc on a plus de 55% de PIB, l’équivalent de l’activité économique, qui est directement mangé dans ce que prend l’Etat. Non pas pour en faire des conserves, mais pour le redistribuer.

On a une situation où les gens ne gagnent pas assez et sont donc aidés parce qu’ils ne gagnent pas assez directement. Les libéraux disent il n’y a qu’à tout arrêter et à ce moment-là ils gagneront enfin ce qu’ils souhaitent. Les autres, l’extrême-gauche en ce moment, c’est amusant, rejoint les plus libéraux, en disant il faut faire défaut sur toutes les dettes. On annule tout et on recommence. Sauf que pour les uns comme pour les autres, il y a un gros problème : si on arrête les prélèvements de l’Etat, il y a un corollaire qu’aucun des deux ne donne: cela veut dire que l’Etat arrête de dépenser.

Tout ce qui vit actuellement de l’Etat, non seulement les fonctionnaires mais par exemple le BTP, toutes les commandes publiques etc, c’est eux qui souffriront. On est dans une espèce de cercle vicieux qui est qu’il faudrait réduire le budget de l’Etat, qu’il faudrait réduire les prélèvements sociaux en tout genre, qu’il faudrait réduire les impôts… Mais on ne peut pas faire cela sans faire souffrir suffisamment de monde pour que cela soit une catastrophe économique. Donc un jour ou l’autre, on sera bien obligé de trouver une solution parce qu’à force de faire un trou pour combler l’autre et de jouer à saute-mouton comme cela, on finira un jour ou l’autre par se retrouver totalement coincés.

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