Emission diffusée mercredi 20 avril 2016 sur RCF Reims : https://rcf.fr/actualite/primaires-us-les-jeux-sont-faits-seul-si-la-justice
AV: Chronique d’actualité avec Jacques Cohen, bonjour Jacques, nous sommes à sept mois des élections présidentielles américaines, les primaires battent leur plein, l’actualité, avec à New-York la victoire de Donald Trump côté républicain et d’Hillary Clinton côté démocrate, est-ce que les jeux sont faits ?
Oui, du point de vue des primaires, les jeux sont faits. Mais il peut y avoir des événements extérieurs.
Du point de vue des primaires, on peut regarder successivement la situation républicaine et la situation démocrate. On a un candidat atypique chez les républicains qui ne respecte pas les règles du jeu. Il ne donne pas à manger aux différents lobbys de propagande politique républicains, lesquels veulent sa peau depuis le début. Mais ils n’y arrivent pas.
Ils n’y arrivent pas parce que justement il ne respecte pas les règles, où là, ils auraient les moyens de le coincer. Et il a une avance considérable. Il faut voir les cartes, puisqu’aux Etats-Unis la ségrégation géographique est très importante dans les domiciles donc les cartes par bureau sont importantes. Celle de New York figure dans l’édition du New-York Times.
On y voit que Trump est le candidat des petits blancs et le candidat des petits noirs. C’est-à-dire qu’il a également un électorat populiste parmi les populations, comme on dit là-bas, afro-américaines.
C’est plus difficile pour lui, c’est bigarré, en matière de latinos ou comme on dit là-bas des hispaniques. Mais tout cela lui donne une avance considérable parce que les primaires ne fonctionnent pas pareil chez les démocrates et les républicains. Chez eux, il y a une prime majoritaire à chaque fois, qui est importante. Comme il arrive en tête avec plusieurs candidats contre lui, il engrange depuis un bout de temps. Alors comme l’appareil est contre lui, l’appareil peut tricher. Il y a eu un accrochage sérieux sur les délégués d’un petit Etat qui n’ont pas été attribués ce qui montre qu’il ne lâche rien. Et surtout qu’il ne veut pas négocier avec eux.
Cette avance qu’il a, est supérieure, si j’ose dire, à la fraude habituelle raisonnable, à la fraude pas trop évidente. Donc on peut lui manger 5 à 10% mais comme il a 20% d’avance sur le suivant au moins, il est difficile de le tuer là-dessus. Quand en plus, pour les autres républicains, il faut voir qui on a. C’est la peste ou le choléra! car le second derrière Trump c’est Cruz. Je ne sais pas si vous vous être déjà posés la question de savoir si vous auriez préféré voter pour Hess ou Himmler. Sachant que l’un est fou et irrationnel et l’autre est un fou méthodique, un authentique fasciste très inquiétant. L’appareil républicain lui n’hésite pas, il soutient Cruz parce que c’est tout sauf Trump. Il n’en est pas question pour eux, car il met même leur gagne-pain en jeu.
Il est amusant de voir dans l’élection de New-York que si vous êtes républicain et que vous avez du fric, vous habitez dans tel et tel quartier. Si vous êtes au-dessus de 100 000 dollars, vous votez Kasich, celui qui est dans les choux, le troisième très très loin, qui est soutenu par Schwarzenegger en Californie.
Mais Cruz est considéré comme un individu dangereux par quiconque a trois neurones, même chez les républicains. Donc a priori Trump va gagner son pari et remporter les primaires. Mais avec quelques difficultés que lui font en cours de route les apparatchiks républicains et les officines électorales qui tournent autour.
Côté démocrate ?
Côté démocrate, la principale constatation, c’est que les blacks ne votent pas Sanders:
Son score afro-américain est misérable. Chez les latinos, il est minoritaire, mais ce n’est pas encore trop désastreux à New-York, et dans d’autres Etats, cela pourrait s’avérer inversé.
Chez les démocrates, le système est assez proportionnel avec un petit peu quand même de manipulations possibles, avec des tirages au sort, des superdélégués et puis des contestations. En gros l’appareil est aussi archi contre lui. Il lui mangera sans difficulté 5%. Ceci dit, pour l’instant, Hillary n’en a pas besoin. Elle est en tête, pas autant que ne le voudrait l’affichage mais cela a toute chance de se maintenir Même si en chiffre réel, quand les autres Etats tomberont, on revient au coude à coude, Sanders n’aura jamais une marge qui lui permette de gagner franchement. Les carottes sont cuites pour lui.
On peut savoir quand on prend les cartes des quartiers new yorkais que si on est riche et démocrate on ne vote pas Sanders. Il n’est pas question de voter pour un socialiste qui veut augmenter les charges sociales, ou du moins obtenir une protection sociale de qualité ce qui ne peut se faire qu’au prix de répartir cette charge de façon collective. En regardant le vote des riches, c’est assez intéressant, ils ne votent pas Sanders.
Mais il n’est pas ridicule. Même à New-York c’est 60/40 dans cette configuration qui lui est défavorable. Comme il n’est pas ridicule, cela fatigue un petit peu Hillary et on va voir la suite.
Rien ne peut la stopper Hillary ?
Rien dans les primaires. Ce qui peut la stopper c’est la justice. Parce que la justice américaine n’est pas comme la nôtre, elle ne fait pas de trêve électorale. D’autre part la justice est considérée comme sacrée et quiconque est dans ses filets, est incapable d’être candidat sérieusement. Si la justice américaine continue à lui chercher des poux dans la tête et qu’elle se fait coincer sur ses histoires de mails. Ce n’est pas seulement parce qu’ils n’étaient pas sécurisés que la justice lui en veut. Elle utilisait sa boîte personnelle alors qu’elle était secrétaire d’Etat et cela lui permettait de ne pas rendre de comptes. Parce que normalement dans la boîte publique tout ce qu’on fait va être surveillé, protégé certes, mais aussi surveillé d’un autre côté. On ne peut pas faire n’importe quoi. Et comme elle voulait pouvoir mener ses petites affaires tranquilles à partir de sa boîte personnelle….. Cela lui est beaucoup plus reproché, y compris du point de vue judiciaire, que le fait de ne pas avoir utilisé une boîte officielle par rapport à une boîte privée. Là, c’est le seul risque. Risque qui serait de ne pas pouvoir être candidate. A ce moment là les démocrates n’auraient pas d’autre ressource que de ressortir Sanders. Et Sanders contre Trump: Trump serait élu. Ce serait tout de même une configuration apocalyptique.
Nous verrons. Pour l’instant c’est Trump contre Hillary. Et mon pronostic, comme le rapport de force démocrates/républicains est très défavorable aux républicains, est que dans ce cas-là Hillary sera élue. Si elle peut être candidate jusqu’au bout.