Emission diffusée sur RCF Reims mercredi 13 avril 2016 : https://rcf.fr/actualite/hautes-pressions-sur-leurope
JP B. Chronique d’actualité aujourd’hui sur les référendums en Europe. Jacques Cohen, il y a pas mal de référendums en ce moment en Europe sur des sujets très différents. On en entend pas beaucoup parler ?
Il y en a deux. Il y en a déjà un qui s’est passé sans grand écho alors qu’il est lourd d’enseignements. L’association de l’Ukraine à l’Union européenne a été votée par la plupart des pays par voie législative sans demander son avis à la population. En Hollande, il y a eu un référendum avec un rejet massif: 60%.
C’est quand même un signe inquiétant, des deux côtés. C’est un signe inquiétant sur la compréhension de l’intégration, ou la politique européenne du point de vue des Hollandais. Et d’autre part sur l’Ukraine parce qu’il est vrai que l’Ukraine se présentait sous un jour peu appétissant pour ce référendum, en ayant eu des ministres imposés par les Etats-Unis pour mettre de l’ordre, qui n’étaient d’ailleurs même pas ukrainiens et qui ont démissionné l’un après l’autre. Avec un Premier ministre qui démissionne préventivement pour se mettre à l’abri du prochain remaniement. Et avec des troubles qui continuent et qui s’accroissent quasiment de façon inverse de la situation militaire dans l’Est. Plus l’Est est calme, plus les forces centrifuges et le délitement de l’Ukraine s’aggravent.
Comme souvent, l’affrontement militaire retarde ou masque la situation et, là, sur une situation militaire relativement stagnante, on voit des affrontements, comme par exemple à Odessa, entre les pro et anti Maïdan. Les pro Maïdan sont allés arracher les couronnes mises devant la maison des syndicats à la mémoire de la quarantaine de syndicalistes qu’ils avaient fait brûler dedans il y a un an.
Donc aux Pays-Bas on a une contestation, d’une certaine façon, presque officielle du peuple hollandais vis-à-vis de l’Europe ?
C’est un peu l’inquiétude. Il y a un rejet massif. Il reste à déterminer si c’est un rejet de l’Europe en général, de la mesure en particulier, de l’orientation de l’Europe. Et si sur d’autres orientations les Hollandais seraient plus europhiles.
C’est de toute façon un signal lourd que d’indiquer un rejet massif de l’Europe telle qu’elle est. Et de ce qu’elle propose.
Est-ce que cela ne constitue pas un danger tout de même à chaque fois ? On dit souvent cela, vous le dites souvent dans vos chroniques, l’Europe est contestée mais à force d’être contestée, est-ce qu’on ne joue pas un peu avec le feu ?
Le prochain épisode, ce sont les Anglais. Le référendum annoncé. Rien n’indique que la politique de Cameron de « négociations avant » pour éviter la sortie va fonctionner. D’autant que son principal opposant dans le parti conservateur a choisi le contraire, c’est-à-dire de faire pression pour la sortie, le brexit, quitte a renégocier après un retour. Je rappelle que son principal opposant a quand même passé une grande partie de sa jeunesse dans les couloirs de Bruxelles, son père y était haut-fonctionnaire.
De même, on peut avoir une série de choses en cascade. Si Cameron rate son opération, il est à parier assez facilement que les Ecossais, eux, profiteront de l’occasion pour dire qu’ils veulent quitter le Royaume-Uni pour rester dans l’Europe. Mais on verra aussi quelle Europe? Parce qu’il y a aura forcément dans ces cas-là en cascade et en chaîne la question des Europes, de faire une Europe en plusieurs cercles car l’Union à 28 est en train de souffrir lourdement face aux difficultés, par exemple de la crise des migrants.
Ces référendums constituent des clignotants ?
Ce sont des clignotants et même des klaxons parce qu’on sait que techniquement il n’y a aucun problème pour faire ratifier autrement. Mais politiquement on accumule des difficultés en se disant que la population changera d’avis quand elle en verra les bienfaits. Puis de crises et effets secondaires négatifs l’un après l’autre, et bien on a plutôt une aggravation du rejet de l’Europe. Quand on voit les pourcentages de vote aux élections européennes. Même dans les pays, on pourrait dire qu’il y a un paradoxe, dans les pays nouvellement entrés les participations sont misérables ce qui veut dire un gros rejet. Et à l’inverse, quand un pays comme la Hollande qui n’a pas de problème d’équilibre économique, de surévaluation de l’euro, de choses comme cela, marque un gros recul par rapport à l’Europe telle qu’elle est. C’est aussi un signe négatif. Donc on a comme cela des klaxons importants sur la nécessité de réformer l’Europe rapidement et non pas de continuer à lui faire faire ce qui n’est pas son objet comme cette opération en Ukraine, vis-à-vis d’un pays qui ne peut pas être sauvé dans l’état où il est actuellement. Il peut être refondé, mais sûrement pas sauvé.
Dans les prochaines consultations électorales présidentielles, est-ce que l’enjeu européen sera mis sur le tapis? Parce qu’au fond c’est quand même l’avenir de nos pays pour les 20 ans qui viennent, il faut quand même en parler un peu ?
L’attitude des différentes opinions publiques, en particulier en France, est assez irréaliste, du genre : si on se repliait chez nous. Mais le « chez nous » cela n’existe plus. Quand vous voyez la crise des migrants. Avec ou sans Europe, on aura à faire face à la situation. L’Europe est la meilleure façon de répondre à des défis comme celui là ou à d’autres problèmes comme la question des accords transatlantiques avec les Etats-Unis et d’avoir une puissance permettant de négocier au mieux pour l’ensemble des Européens.
Mais on voit là les Européens prendre à plusieurs reprises, par exemple vis-à-vis de la crise ukrainienne, des positions qui sont celles qui rencontrent les intérêts des Etats-Unis, et pas forcément totalement les intérêts des Européens.