CHRONIQUE du Mercredi 22 Février 2017
Sur RCFhttps://rcf.fr/embed/1502434
AV : On va prendre un sujet scientifique. C’est vrai qu’on n’en a pas parlé. Je n’en avais pas connaissance, c’est vous qui me l’avez expliqué.
On va parler de l’homme de Neandertal, puisqu‘il y a des études… et il y a eu la St Valentin. On va parler un petit peu de cela aussi puisque Neandertal et Sapiens se sont connus.
Neandertal et Sapiens se sont connus de façon biblique. Cela est connu depuis plusieurs années. Puisque nous avons, si nous ne sommes pas originaires d’Afrique de l’Ouest, quelques pourcents de gênes de Néandertaliens en nous, variables selon les régions et les populations. Donc, ce sont des croisements qui sont interfertiles et qui se sont produits.
Il y a plusieurs choses qui sont certaines et d’autres, incertaines. On est sûr qu’il y a eu des mélanges à moins 100 000 ans. mais il y a eu des mélanges beaucoup plus récents, et on a même trouvé avec un peu de chance, des individus dont l’un des grands-parents étaient des Néandertaliens. Des hybrides récents, donc ils avaient des caractères morphologiques des deux espèces. On en a trouvé en Roumanie et peut-être un dans la péninsule ibérique.
Mais il y a du nouveau ! Les faits nouveaux concernent le chromosome Y. Vous savez qu’on a un chromosome sexuel qui est Y si on est un garçon et que si on est une dame on a deux chromosomes X qui d’ailleurs ne fonctionnent pas à plein régime. Un certain nombre de gênes quand on a deux X sont inactivés pour ne pas fonctionner trop fort, et que les deux X et Y chez l’homme sont là aussi contrôlés sans rentrer dans les détails, pour éviter des hyper expressions de certains gènes
Ce qui est également moins connu c’est que le chromosome Y ne comporte pas que des éléments de détermination génétique. Il comporte des gênes de développement, en particulier de développement cérébral, qui influent sur la latéralisation et qui influent éventuellement sur certaines répartitions topographiques cérébrales et certains plis du cerveau, qui sont légèrement différents chez l’homme et la femme. On s’était longtemps demandé si c’était sur une base hormonale ou s’il y avait une base génétique initiale, il y a bien une base génétique initiale. Il ne faut pas non plus exagérer, ces petites différences ne conduisent pas à des comportements extrêmement opposés entre les hommes et les femmes dans notre espèce. Mais la grosse surprise, c’est qu’on a depuis peu de temps, enfin, une séquence de l’Y de Neandertal où il y a plusieurs différences concernant ces gênes-là, de développement cérébral, et à la limite on savait déjà par les crânes que les plis du cerveau n’étaient pas les mêmes chez les Neandertal et chez Sapiens, mais là on a une base pour cela, donc Neandertal avait peut-être aussi une façon de voir les choses un peu différente de la nôtre.
Mais surtout, surtout, il y a un autre gêne qui est un gêne d’un groupe d’histo-compatibilité mineur, c’est-à-dire quelque chose qui détermine la tolérance immunologique et donc qui détermine le succès des grossesses. Plus ce problème du développement cérébral où l’appariement entre Y et X doit-être correct sinon cela ne se passe pas bien, et on aboutit à cette conclusion surprenante qu’on ne trouve aucune trace dans Sapiens, chez nous, de l’Y de monsieur Neandertal. Et donc, très vraisemblablement quand monsieur Neandertal faisait des choses avec madame Sapiens, on ne sait pas très bien si cela leur faisait du bien, mais il est assez probable, en tout cas que cela ne leur faisait pas des enfants.
Il faut aussi évoquer une hypothèse moins réjouissante et plus triviale, que la grosse tête des néandertaliens ait trop souvent conduit à des catastrophes obstétricales chez madame Sapiens…..
C’est important !
Alors que dans l’autre sens, quand…
Monsieur Sapiens…
Quand monsieur Sapiens, jeune fluet, enfin ou pas jeune, et intellectuel faisait des choses avec la petite grosse madame Neandertal, cela faisait des enfants. Et donc finalement avec une hémi-reproduction, il est assez raisonnable comme hypothèse que Neandertal ait pu se diluer dans Sapiens et que ça soit l’une des causes de sa disparition. Donc c’est quand même quelque chose d’intéressant, ne serait-ce parce que cela supprime aussi des préjugés anthropomorphiques où on imaginait le costaud un peu rustaud Neandertal violer de frêles sapiens comme mode d’introduction des gènes Neandertal dans notre espèce, eh bien ce n’est pas possible ! C’est dans l’autre sens que cela s’est passé. Donc cela montre aussi la relativité des préjugés anthropomorphiques. Et après, il y a donc des choses importantes sur le rôle de ces gênes dans l’organogénèse et dans la fertilité, ce qui peut avoir des conséquences, y compris en médecine sur les problèmes d’hypofertilités dans certaines combinaisons de certains allèles de ces gènes dans leur contrepartie humaine.
Et c’est vrai que ça, c’est quand même assez important parce que ça faisait longtemps, on émet beaucoup d’hypothèses, mais rien de très solide finalement pour démarrer ces hypothèses.
On n’est pas certain que ce soit le seul mécanisme de disparition de Neandertal. Très vraisemblablement d’ailleurs, il n’y a pas un mécanisme unique, mais une conjonction de choses qui ont été défavorables à notre cousin Neandertal.
Il y a un autre élément récent, c’est qu’on a pour la première fois fait une séquence d’un Neandertal de 100 000 ans. Neandertal apparaît il y a 400 ou 500 000 ans et il disparaît y a…
30 000…
20 000 à 30 000 plutôt 30 000. Donc il est resté sur la planète beaucoup plus longtemps que nous, qui ne sommes là que depuis 120 000 ans maximum. Et Neandertal a probablement beaucoup évolué, c’est une espèce avec une plasticité, il a beaucoup évolué au cours du temps et les séquences qu’on avait jusqu’à présent étaient des séquences de moins 40 000, moins 50 000. Donc rien déjà qu’une seule séquence de moins 100 000 montre des éléments qu’on avait jamais trouvés chez Neandertal, qui indiquent qu’à moins 40 moins 50 000 Neandertal est déjà une espèce dont la diversité s’est restreinte, ce qui est inhabituel ou mauvais signe, mais qui a donc été une espèce beaucoup plus, j’allais dire, florissante ne serait-ce que 50 000 ans avant. Donc là, on a aussi des tas de choses qui vont pouvoir être analysées.
Alors, dernier détail pour conclure, toutes les représentations de nos jours font de Neandertal un petit râblé roux parce que les premiers qui ont été séquencés étaient roux, mais il semble finalement qu’il n’y avait pas plus de roux chez Neandertal que dans l’espèce humaine actuelle.
Merci, Jacques Cohen, et à la semaine prochaine.