CHRONIQUE du Mercredi 15 février 2017
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Chronique d’actualité avec Jacques COHEN, comme toutes les semaines, Bonjour Jacques !
Bonjour.
AV : On va parler de Donald Trump. L’étau se resserre sur le président américain, c’est le thème de votre chronique. Alors il s’est fâché déjà avec beaucoup de monde. Et là c’était déjà des relations un peu tendues… mais avec la communauté du renseignement, c’est plus que jamais froid les relations !
Là c’est plus que froid, cela devient piquant. Trump est dans l’étau ou les mâchoires de la NSA et de la CIA. Il y a eu un épisode qui les a beaucoup hérissés, qui est l’arrestation d’une quinzaine de personnes à Moscou plus deux décès « accidentels », que la communauté du renseignement US suspecte de venir de fuites ou bavures en provenance de chez Trump. Pour eux, si les choses se confirment, c’est plus qu’un casus belli, et en dehors de cette affaire qui est une affaire, j’allais dire, atomique, il y a une série de choses qui les hérissent profondément, et ils ont déjà donnés plusieurs coups de semonce sérieux.
Pour commencer, son conseiller sécurité a dû démissionner parce qu’il avait menti. Parce que comme amateur complet il avait pris des contacts avec l’ambassade de Russie avant d’être en fonction. Et il avait pris ces contacts lui-même et au téléphone, ce qui est certainement la meilleure façon de le faire sur la place publique, là-bas comme à Moscou ou comme ici ou comme partout. Donc, à partir du moment où TRUMP a commencé à faire des bêtises en la matière, la communauté du renseignement a décidé de donner comme premier exemple qu’ils avaient les moyens de faire la peau du conseiller sécurité, lequel a dû démissionner.
Et puis il y a un ou deux articles de presse pour indiquer que la communauté du renseignement a déjà été plus loin, ce qui est déjà pas mal, et est prête à aller encore plus loin, puisqu’on sait qu’il y a un briefing quotidien de sécurité (qui dure normalement un minimum d’une demie heure à une heure) pour le Président. On a, par les timings des inénarrables tweets de Trump et par le timing de l’agenda présidentiel que, généralement, au bout de vingt minutes c’est fini, puisqu’à la fin il ne peut pas s’en empêcher, il fait un tweet pour se détendre, en insultant n’importe qui dans le reste du monde.
Donc là, déjà, son peu d’intérêt pour le sujet était marqué et on apprend que son entourage étant considéré comme infiltré par la communauté du renseignement, et bien la NSA, vous savez celle qui écoute tout le monde, a décidé de ne plus lui communiquer son matériel lequel représente quatre-vingts pourcent de ce qui est fourni lors du briefing quotidien. Donc c’est déjà une grève assez spectaculaire de considérer que le président, cela ne l’intéresse pas et qu’en plus c’est dangereux de lui donner du matériel, donc on ne lui en donne plus.
Normalement dans un système qui fonctionne correctement c’est une cause de limogeage ou de crise majeure, et là Trump fait semblant de ne pas le savoir. D’ailleurs est-ce qu’il fait semblant ou est-ce qu’il s’en fout complètement, ce n’est pas totalement résolu. Donc une situation qui d’une part, comporte déjà des mesures sévères à son encontre et d’autre part des risques, parce que cette affaire des agents américains qui se sont fait piquer à Moscou, si elle remonte dans son entourage, par exemple si elle remonte jusqu’à Bannon, ça va très très mal se passer.
Ce qui est amusant, c’est que les responsables de la communauté du renseignement n’ont rien de pacifistes « aux cœurs saignants » selon l’expression américaine habituelle. Ce sont plutôt des durs de la guerre froide dans leur période de formation pour être maintenant au sommet de la hiérarchie. Qui considèrent qu’il faut avoir une politique de refoulement et de limite vis-à-vis de la Russie, mais que jusqu’à une certaine limite, car au-delà de cette limite cela déstabilise le pays et donc cela déstabilise la région. Et voilà qu’après une secrétaire d’état H Clinton qui leur semblait en faire trop dans un sens, il y a Trump qui veut faire cadeau à la Russie d’une partie de son ancien empire en échange de son aide pour détruire l’Union Européenne. Au risque de ruiner leur travail de 20 ans ! Ces agences US pensent donc qu’il n’est pas des intérêts bien compris des USA que de créer une pagaille abyssale sur toute la planète, ce qui est le contraire de la pensée de Bannon qui veut ramener le reste du monde au moyen âge dans une situation apocalyptique où il ne survivrait que les États-Unis qui domineraient l’ensemble.
Ça veut dire plus aucune confiance entre l’administration Trump et la communauté du renseignement ?
Pour la communauté, la confiance certainement pas, vu l’épisode de la terrasse du resto qui appartient à Trump et qui est une espèce de club privé à 200 000 dollars par an de droits d’entrée…
Il est venu avec le président japonais donc, dans ce resto d’un club privé de golf.
Oui, mais sans le vider ! C’est-à-dire que les convives de la table d’à côté pouvaient faire des selfies avec le responsable porteur de la valise des codes nucléaires, entendre la discussion entre Trump et le Premier ministre japonais, que les serveurs qui ont toutes les chances d’être des immigrés clandestins mexicains pouvaient très bien participer, si j’ose dire, ou tendre leurs oreilles sur la négociation, que les uns et les autres ont fait des selfies dans tous les sens ou des vues d’ensemble…
On voit des documents éclairés à la lumière du smartphone…
Oui ! Oui parce que, comme vous le savez tous, dans les restaurants américains, plus ils sont chics plus on est dans le noir, et donc pour commencer à lire un document il faut éclairer au smartphone, qui accessoirement a une caméra aisément contrôlable à distance. Enfin, on est vraiment là dans la négociation du coin de bistro, avec des images dans tous les sens et probablement du son également, qui du point de vue de la communauté du renseignement est un truc qui les fait convulser. Pour eux, ce n’est même pas une question de confiance, un type qui est capable de ça est pour eux quelqu’un qui n’est définitivement pas sérieux.
Alors est-ce qu’il va pouvoir fonctionner longtemps comme cela ? Est-ce qu’il va réagir quand ils vont continuer méthodiquement à dégommer des gens autour de lui s’il ne veut pas comprendre ? Ou est-ce qu’il fera semblant parce qu’il est par certains côtés pragmatique ? Et puis sa nature reprenant le dessus, la semaine d’après il recommencera à faire des bêtises, jusqu’à une bêtise assez grosse pour qu’elle lui soit fatale.
Merci Jacques ! Et on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro de chronique d’actualité, au revoir.
À bientôt.