Aujourd’hui nous allons parler d’une église ou d’une secte, Renan nous a appris que seul le succès les différencie, qui a une grande influence sur la vie de notre pays: l’Inspection des Finances.
Sa doctrine est austère et assez pessimiste. Elle ne tient pas l’homme pour bon ou mauvais, mais fondamentalement dépensier. Et sa mission est de lutter contre. Sa grande fête, d’allure plus Kippour que Noël, c’est le jour de la publication des comptes de la Nation. Qui ne survient pas le même jour chaque année car c’est une église discrète. Plutôt Franc-Maçons ou Opus Dei que « No Border » ou écologique.

Ce tableau rappelle qu’on peut être volé de plus d’une façon à la fois….. cherchez bien !!
Ses emblèmes ne sont pas la passoire en couvre-chef comme les pastafariens. Ni la Mitre, la Kippa, le Fez. Lointains cousins de la faucille et du marteau comme emblèmes laborieux, le rabot et les godets du bonneteau sont leurs instruments. Leur rabot est même plus précisément une varlope. Le plus grand des rabots. Mais le plus discret, car il enlève très silencieusement de très minces copeaux…. Et pour le bonneteau, ce sont des virtuoses aux tours prodigieux comme nous le verrons plus loin. Le citoyen, heureux contribuable, ne peut y voir que du feu. Sur le moment du moins.
L’inspection des Finances n’est ni de gauche ni de droite. Si l’occasion se présente, elle tondra aussi bien le riche que le pauvre. Mais elle sait que les pauvres sont bien plus nombreux et courent bien moins vite et guère loin. C’est donc quand même son gibier le plus fréquent. Avec de temps à autre des regrets d’un beau tableau de chasse de gros gibier au lieu de dresser des monceaux de menu fretin. Mais faute de merles…
L’inspection des Finances est parfaitement réfractaire aux annonces de réformes. En ayant si souvent entendu sans rien voir aboutir, c’est l’Église du scepticisme. C’est l’Église des expédients qui ne croit ni au progrès ni au paradis sur terre. Sa foi et sa mission sont d’accroître les recettes et de freiner les dépenses. Toutes les dépenses sont perçues comme des menaces. La veuve, l’orphelin, l’aveugle ou les autres handicapés, rien ne peut l’attendrir et la détourner de sa douloureuse mission.
Les virtuoses du bonneteau
L’inspection des Finances regarde avec une commisération désolée les nouveaux adeptes des économies tenter de supprimer les pensions de réversion. Elle s’est déjà attaqué au problème selon ses principes habituels du bonneteau. Inutile d’affoler les veuves, il faut maintenir les pensions de réversion. Simplement, il suffit de les rendre imposables. De trente six façons: CSG, impôt sur le revenu….mais on peut en trouver d’autres au besoin. Tripoter les seuils et les taux de pension en cas de réversion ou même celui de la pension lorsqu’une réversion est prévue par exemple. Ainsi les pensions de réversion auront fondu au soleil pâle qui luit à Bercy. Sans faire de bruit.
Prenons d’autres exemples. Le seuil de modification du taux du livret de Caisse d’Épargne. Il a suffit d’annoncer que le taux ne bougerait pas en dessous de 2% d’inflation, puis d’ôter du calcul de celle-ci les produits maudits qui, justement surtaxés, poussaient l’indice vers le haut pour arriver cette année à maintenir un taux du livret A de 0.75% quand l’inflation dépasse le triple. Sur un marché spot, les professionnels dégageraient instantanément devant un tel différentiel. Mais s’agissant de l’épargne des pauvres, les livrets n’ont pas été immédiatement vidés.

Echelle de Jacob. On voit très clairement à l’espacement des barreaux, l’astuce de la hauteur des marches de l’échelle mobile mise en place par les deux inspecteurs des finances…
Une performance plus exceptionnelle encore est celle de l’indexation des pensions et retraites. Car à juger des réactions syndicales et de l’opinion, la principale astuce du bonneteau a échappé à l’immense majorité de nos concitoyens. Une revalorisation minimale de 0.3% est accordée quand l’inflation est de 2.3% Chacun proteste en pensant avoir perdu 2%. Mais en fait bien plus !!! Pour l’expliquer, il faut entrer dans le détail du concept d’échelle mobile.
A l’époque d’une inflation importante, les salaires et pensions étaient réajustés par trois mois ou même par mois aux pires moments. Si le temps est en l’abscisse, il y a forcément des marches d’escalier puisque la revalorisation est a posteriori.

Une marche d’escalier sous la pente et qui la rattrape…
Mais il y a deux types fondamentaux de marches d’escalier: les marches sous la courbe ou celle-ci suit l’arête des marches, et des marches qui rebondissent au dessus de la courbe pour rattraper la perte du volume de la marche. De cette dernière revalorisation « honnête » il n’est plus question depuis longtemps.
Au contraire pour accroître la perte des bénéficiaires et économiser sur leur dos, l’Église du Rabot et du Bonneteau n’a pas raté l’occasion dès la période de faible inflation pour introduire une nouveauté: allonger la profondeur des marches: les revalorisations annuelles étaient effectuées fin janvier puis fin mars. C’est sous Marisol Touraine que la marche s’est allongée à octobre. On économise ainsi outre la perte de l’année écoulée, 3/4 de l’année en cours. Pour les fonctionnaires, il vient d’être annoncé une mesure en apparence modeste: décaler d’octobre à janvier la revalorisation. La marche plus profonde fait gagner deux ans de creux au lieu d’un sous une apparence bénigne de 3 mois de décalage oubliant les 8 mois précédents déjà engrangés au delà de l’année supposée à rattraper.

QUATRE TYPEs d’INDEXATION: Pour une inflation continue, l’échelle mobile de revalorisation est ici de type bénéficiaire ( année 1 ), de type neutre (année 2 ), de type perte de la marche par retard d’ajustement pour la troisième année, puis de type déconnexion lourdement déficitaire ensuite.
Mais l’inspection des Finances ne va pas relâcher son effort. En annonçant un blocage pour deux ans, soufflé au premier ministre en plus d’une marche d’escalier dont la hauteur ne rattrapera pas même la courbe de l’année écoulée, la perte totale ne sera pas de 2% ( ce que chacun croit les yeux pourtant rivés sur les godets opaques du bonneteau ) mais de 3 ans de plat de la marche ( moins la généreuse revalorisation de 2×0.6% ). On va arriver à 3 x 2% de prélèvement indolore. En fait la perte dépassera même les 6%: Une fois que les marches seront systématiquement sous la courbe qui ne touchera plus leurs arêtes, les « revalorisation » étant en pourcentage, seront calculées sur le plat de la marche et non sur la valeur du point de la courbe de l’instant du pseudo rattrapage. Ce qui ajoutera ou plutôt retranchera encore une lichette….
N’y voir que du feu ?…
Certes face à de tels virtuoses, le citoyen n’a aucune chance de trouver sous quel godet du bonneteau son argent est en train de s’envoler. Il n’y voit que du feu. Sur le moment du moins, car quelques temps après il n’a toujours pas compris comment , mais constate que l’argent n’est plus dans sa poche. Ce qui peut finir par le fâcher.