Chronique du 10 mai 2019
Sur les ondes de RCF: https://rcf.fr/embed/2092790
JC bonjour.
Bonjour.
Aujourd’hui vous voulez nous parler du glyphosate et puis certainement des fichiers Monsanto autour de tout cela, parce qu’il y a des pour, des contres, on va essayer de nous éclairer un peu sur la situation.
Il a été révélé ces jours-ci que l’agence de communication américaine installée en France, Fleishman-Hillard avait fait un fichier des pour et des contre parmi les décideurs et gens d’influence, pour pouvoir peser en faveur ou contre les autres. Faire un fichier de ce genre est bien sûr quelque chose de tout à fait interdit par la loi française et j’espère qu’ils seront poursuivis et que ça leur coûtera cher, mais ça permet une réflexion plus générale. Parce que, si le glyphosate est un outil diabolique et que des moyens diaboliques sont utilisés pour le défendre, on est dans une affaire de démonologie relativement classique, j’allais dire. Encore que ce soit plus tellement un sujet fréquent sur cette antenne… Mais si le glyphosate est inoffensif comme le pense l’agence américaine de la sécurité de l’agriculture et des aliments FAA, cela rejoint une question beaucoup plus générale: est-ce que l’on peut utiliser de mauvais moyens pour une bonne cause ?
JC, j’ai envie de vous demander: est-ce que le glyphosate est vraiment un produit détestable ?
Je ne m’aventurerais pas sur ce terrain. L’opinion publique considère à une énorme majorité qu’il est détestable, il y a des arguments scientifiques dans l’autre sens, mais ce n’est pas la question du jour.
Et par rapport justement à la question où vous vouliez en venir, peut-on recourir à des moyens détestables dans ce contexte ? Est-ce qu’il est vraiment bon pour les agricultures ? Pour les aliments ?
Voilà, les moyens détestables ne dépendent pas forcément du but. Les agences privées, d’espionnage ou d’État, qui agissent dans ce sens, agissent sans se préoccuper le moins du monde de savoir si c’est pour la bonne cause ou pas. Elles agissent pour la cause qui les paye. Et de ce point de vue là, il est d’ailleurs assez probable que les révélations d’aujourd’hui ne sont pas innocentes. Elles vont faire beaucoup de tort à la firme Bayer qui avait racheté Monsanto. Et comme le malheur des uns est toujours le bonheur des autres et on voit assez bien quel autre firme outre-Atlantique est intéressée à cela.
JC, quand vous parlez d’autres, ça veut dire qu’il y a des exemples précédents peut-être ?
Il y a de nombreux exemples, mais surtout la nature a horreur du vide. Et de couler une firme européenne pour permettre à une firme des USA de rafler son marché, cela ne serait pas la première fois…. Mais on peut revenir à la question plus générale, l’utilisation du mal par rapport au bien ou pas, c’est l’histoire du pacte avec le diable. Alors vous connaissez tous…
Vous n’allez pas vous faire que des amis sur les antennes de RCF JC.
Ah, mais cela dépend ! Vous allez voir que je vais prendre un exemple irréprochable. Je ne parle pas que de Faust avec son pacte avec le diable, car il a un prédécesseur et un prédécesseur ecclésiastique, c’est l’affaire du moine Théophile.

Le pacte avec le diable du moine Théophile. http://www.souillac.net/le-miracle-de-theophile
Quelle est cette affaire ?
Le moine Théophile voulait être évêque. Peut-être parce qu’il avait une ambition démesurée pour une mauvaise cause, peut-être pour une bonne cause, car il considérait que son évêque était un con et que sa politique était mauvaise, etc., mais pour y arriver, il a passé un pacte avec le diable.
Quel était ce pacte ?
La place de l’évêque contre son âme, c’est un prédécesseur de Faust. L’histoire s’est mieux terminée que celle de Faust, parce que le moine Théophile s’est quand même aperçu en cours de route que son âme c’était quelque chose de précieux et il s’est beaucoup repenti. Donc l’histoire a une happy end. C’est qu’il a beaucoup demandé à la vierge Marie d’intercéder et c’est elle qui est allée racheter le pacte. Elle a pu, elle aussi, traiter avec le diable pour cela. Et vous pouvez suivre l’histoire de Théophile par exemple, sur un tympan à l’abbaye de Souillac.
JC, j’ai envie de vous demander, au vu de cette histoire, est ce que vous pouvez me dire quelque part que la fin justifie les moyens parfois ?
C’est un sujet éternel et souvent débattu. Et très souvent des gens pensent que pour la bonne cause on peut utiliser des mauvais moyens ou par exemple la mauvaise foi.
Les moyens diaboliques, pour rester dans le registre, même au service d’une bonne cause, finalement ne la servent jamais. Même chez les marxistes L Trotsky avait traité la question dans « leur morale et la nôtre », en disant que la fin et les moyens étaient liés et que certes la fin justifiait les moyens pour lui, mais que comme ils étaient dialectiquement liés, utiliser des moyens déplorables finirait pas gâcher la fin. Et c’est aussi une leçon qui reste tout à fait valide.
Alors, quelle morale actuelle peut-on tirer de cette affaire de l’agence de communication et du Glyphosate ? C’est que nous avons la chance en Europe d’avoir une loi assez ferme sur la question des fichiers, en France surtout, et leur interdiction. Donc je crois qu’il faut poursuivre ces individus histoire de leur ôter le goût de recommencer en les tapant là où ça fait mal et où ça les intéresse, c’est-à-dire au porte-feuille. Cela en dissuadera d’autres. Mais il ne faut pas se faire beaucoup d’illusions là-dessus il existe bien d’autres fichiers. Je suis persuadé que le BTP (Bâtiment et Travaux Publics) a des fichiers sur les élus de la même façon que les labos pharmaceutiques ont des fichiers sur les médecins. Sachant qu’on vit dans un environnement où les moyens diaboliques existent, il faut d’une part essayer de les combattre et d’autre part s’en protéger par la vertu.
Ce sont des pistes de réflexion pour tenter de régler ce problème, cependant on dit que chaque problème a une solution, il y en-t-il d’autres ?
Il y a aussi des problèmes qui se résolvent par l’absence de solutions. Je viens de vous dire je crois que le mieux c’est la vertu. Car, quels que soient les moyens diaboliques et déloyaux employés en face, la vertu doit finir par triompher, du moins je pense que c’est l’opinion sur cette antenne.
JC, j’ai envie de dire affaire à suivre ?
Affaire à suivre, parce que d’ébranlement en ébranlement, même un géant comme Bayer commence sérieusement à être affecté par cette histoire qui lui a fait perdre 30 milliards de capitalisation en peu de semaines.
Merci JC d’avoir été avec nous ce vendredi pour nous présenter un peu les tenants et les aboutissants de ces fichiers pro et contre glyphosate.
Ce n’est finalement pas une affaire de glyphosate. Mais le glyphosate est exemplaire par les moyens mis en œuvre.
Merci beaucoup JC, à la semaine prochaine.