Une action de guerre dans le golfe arabo-persique dans les prochains jours ?

Chronique du 17 mai 2019

Sur les ondes de RCF:

 

JC bonjour.

Bonjour.

On l’a dit lors de l’introduction de cette émission, vous sortez une boule de cristal, le marc de café, tout ce que vous voulez en tout cas il se pourrait qu’il y ait une action de guerre dans le golfe arabo-persique dans les prochains jours. Est-ce que vous pouvez présenter un peu le conflit qui se prépare ?

Pour parler de ce qui se prépare, il faut déjà parler de ce qui s’est produit. Les Saoudiens sont en guerre au Yémen contre les rebelles Houthis qui seront soutenus par l’Iran. C’est d’ailleurs une guerre en partie religieuse, les Houthis étant plutôt chiites et les Saoudiens wahhabites. Et il y a peu de temps, les rebelles, mais en fait leurs inspirateurs iraniens, ont attaqué avec des drones le grand pipeline de l’Aramco en Arabie Saoudite qui a dû être mis à l’arrêt suite à la destruction de stations de pompage. Ils ont également attaqué 2 pétroliers qui ont été déclarés comme sabotés. En pratique, ça veut dire que leurs hélices ou leurs gouvernails ont eu quelque chose, donc il y a eu une action significative du camp iranien et en face il va forcément y avoir une riposte.

Guerre-du-Golf--Koweit-1991-2

Champ pétrolifère en feu 1991

Ça veut dire que l’Arabie Saoudite doit réagir, quelque part ?

Alors elle peut réagir de différentes façons. En bombardant les Yéménites, cela ne sera pas politiquement très significatif, parce qu’ils le font déjà à peu près tous les jours. Donc il est très tentant pour eux de s’en prendre aux inspirateurs réels, c’est-à-dire aux Iraniens. Ensuite, il peut y avoir toute une escalade d’actions de représailles, unique ou multiples qui peuvent concerner les infrastructures portuaires ou électriques ou bien évidemment les installations nucléaires Iraniennes. Car il ne faut pas oublier qu’il y a un an, les États-Unis ont dénoncé l’accord que les Européens avaient laborieusement obtenu qui permettait de tenir l’Iran à une certaine distance de la bombe atomique en échange d’une activité commerciale mutuellement profitable. Donc les États-Unis ont décidé que ça suffisait comme cela, qu’on ne faisait plus ainsi. D’ailleurs, plus exactement, c’est Donald Trump seul qui a décidé. Donc retour de l’embargo, difficultés économiques pour les Iraniens qui viennent d’annoncer que puisqu’à un an de distance il n’y avait pas de nouvel accord ,ils n’avaient plus aucune raison de respecter l’accord précédent. Ils ont dit qu’ils allaient augmenter leur stock d’uranium semi-enrichi, ils n’ont pas dit qu’ils passaient le seuil d’enrichissement, c’est une riposte graduée. En face les Saoudiens et d’autres sont tout à fait inquiets là-dessus. Alors une attaque qui comporterait le fait de gêner le programme nucléaire iranien, – quoique les gêner, ça ne veut pas dire l’anéantir, c’est totalement impossible -, cela peut tenter aussi les Israéliens. Donc on va avoir une réaction contre l’Iran de la part des Américains, des Saoudiens et des Israéliens. On ne sait pas encore cependant quel sera l’affichage et quelles seront les cibles. Mais le problème de ce genre de choses c’est que les Iraniens voudraient rentrer dans une guérilla d’actions et ripostes. Leur raisonnement c’est « on n’a pas grand-chose à perdre, on nous a déjà mis au pain sec, le pays est dans la mouise. Si on peut leur faire du mal, ils ne pourront pas détruire des populations civiles indéfiniment ». Donc de jouer une espèce de dissuasion du faible au fort. Les Américains se méfient aussi d’autre chose, ils ont demandé l’évacuation de tous leurs ressortissants non indispensables en Irak, parce que s’il y a des frappes américaines en Iran il est assez vraisemblable que les Iraniens auront comme première riposte facile d’attaquer 1 ou 2 sites US en Irak. Toute la question c’est, va-t-il s’agir d’une action ponctuelle de riposte avec un cran significatif au-dessus de l’attaque, du début d’une série d’actes de guérilla contre les éléments technologiques Saoudiens ? Et en face va-t-on se contenter d’une ou de plusieurs ripostes ? Et en termes d’escalade, les États-Unis ont déjà indiqué qu’ils étaient prêts à assurer la mise en œuvre de 120 000 hommes, c’est-à-dire non pas d’une invasion de l’Iran, mais d’une guerre d’asphyxie. Exactement ce qui avait été mené autrefois contre la Serbie.

On se dirigera alors vers une guerre assez importante, parce que l’Iran aura à son tour la possibilité de riposter, ils ont les armes pour.

Et surtout parce que l’Iran n’est pas la Serbie, c’est un pays beaucoup plus important qui a des relais internationaux et qui a aussi des accords internationaux. Je pense que ce qui retient depuis longtemps les Israéliens d’attaquer ouvertement l’Iran ce sont leurs propres accords avec les Russes, qui eux-mêmes jouent une position nouvelle d’arbitre et de médiateur dans toute la région du Moyen-Orient. Donc il est assez difficile de prédire ce qu’il va se passer, mais il n’est pas difficile de prédire qu’il va se passer quelque chose.

Quelle position JC, doivent avoir les pays européens et pour en revenir un peu plus à l’actualité locale, notamment la France, comment doit-elle, elle, se placer par rapport à un conflit comme celui-ci qui se prépare ?

Je ne sais pas ce qu’elle doit faire, mais ce que je sais c’est dans quelle situation elle se trouve. Les pays européens avaient obtenu un accord avec l’Iran, avalisé par les États-Unis, permettant de faire du commerce contre un certain nombre de mesures repoussant la réalisation d’une bombe atomique iranienne et puis on leur a dit un beau matin, c’est fini. L’accord sur les bombes on s’en fout, mais le commerce c’est devenu interdit. Certains ont dit « c’est bien gentil, mais on va continuer à en faire ». Mais le système des USA est que quiconque a un intérêt économique quelconque avec une entité dépendante des USA, par exemple le simple fait de faire relayer une facture, un paiement quelconque, une carte bleue par une banque US vous pouvez être du point de vue des États-Unis, sous le coup de leurs lois et donc on vous interdit de faire quoi que ce soit. Après il y a le niveau politique d’indépendance ou pas, les Européens n’ont pour l’instant pas choisi un affrontement ouvert. Les Russes non plus malgré les apparences, mais ils ont commencé à voir avec les Chinois pour des systèmes de troc qui leur permettent de continuer à faire du commerce avec l’Iran et non pas d’obtempérer purement et simplement à l’ultimatum des USA. Les Européens manifestement ont décidé qu’ils n’avaient pas les moyens de refuser cet ultimatum, parce qu’ils considèrent qu’ils ont besoin de continuer à

faire prioritairement du commerce aux États-Unis.

Merci JC, souvent on termine vos chroniques en disant « affaire à suivre », pour le coup on aura la réponse dans les tout prochains jours.

Je pense qu’on aura le premier élément de réponse bientôt. Mais on ne sait pas jusqu’où les choses vont s’enchaîner. Car très souvent en matière de conflit, les guerres ne se produisent pas quand on les attend ni comme on les attend.

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