Chronique du 6 septembre 2019
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JC bonjour.
Bonjour.
Le Brexit ça a eu du mal à s’enclencher, on a eu Teresa May qui a dû partir. Boris Johnson est arrivé, il a promis la lune, mais la lune il faut aller la décrocher JC.
Et la décrocher et non pas au-dessus de son territoire, mais chez les voisins, de l’autre côté du canal, donc la décrocher en Europe. Et cela parait à peu près impossible.
Mission impossible pour Boris Johnson ?
Sa technique du bord du gouffre a déjà échoué puisqu’une bonne partie, y compris des gens de son camp, a considéré que c’était parfaitement déraisonnable de tout fonder sur la nécessité d’obtenir des concessions supplémentaires de l’Union européenne, en particulier concernant le fameux filet de sécurité en Irlande. En effet, c’est un système qui se tient comme un château de cartes. En Irlande la paix en Ulster, en Irlande du Nord, en territoire britannique ne tient que parce qu’il y a maintenant des liens étroits avec l’Irlande, j’allais dire du Sud, la république d’Irlande. Et que si on commence à toucher à quoi que ce soit on retouche aux divisions à l’intérieur de l’Ulster entre catholiques et protestants. On verrait ressurgir des extrémistes et on retomberait dans une situation qui a pourri la vie des Anglais pendant des dizaines d’années. Donc ça, du point de vue de l’homme de la rue en Angleterre que l’Irlande soit pacifiée par l’Europe, il ne faut pas y toucher.

Troupes britanniques en Ulster il n’y a pas si longtemps…
JC, on a l’impression que les Anglais finalement, ils ne veulent pas sortir de cette Union européenne.
Majoritairement, je pense qu’effectivement actuellement il y a une majorité contre le Brexit. Mais c’est encore plus tranché si l’on regarde les tranches d’âges. La jeunesse est extraordinairement favorable à l’Europe, c’est un peu le contraire d’en France. Peut-être parce que notre État est très protecteur et que l’Europe l’est un peu moins, mais du point de vue des Anglais vus de l’autre côté l’État britannique est bien moins protecteur que l’Europe. Et les jeunes Britanniques ne veulent pas entendre parler de voir disparaître les bourses, les possibilités de voyager, les coopérations qui sont la seule solution qu’ils ont, parce que sur les financements et les protections de leur propre État, c’est le pain sec.
Boris Johnson qui a donc essayé de passer en force auprès des siens, il a essayé de mettre un coup de pression, si on peut le dire ainsi, aux députés britanniques, mais également à l’Europe, mais pour l’instant cette stratégie est vouée à l’échec.
Les choses sont jouées, il a échoué. Sa tactique était d’avoir les pleins pouvoirs et les mains libres puisqu’il fallait qu’une session parlementaire soit arrêtée et de n’avoir plus le temps que de leur faire voter ce qu’il aurait bouclé comme choix. Ça, c’est raté, de même qu’il a décidé d’annoncer qu’il voulait si cela ne se produisait pas qu’il y ait des élections anticipées, on ne sait pas encore tout à fait si c’est raté ou s’il va être pris au mot, mais il est dans une situation extrêmement inconfortable. Et en fait, parce que c’est révélateur de la crise profonde du système de représentation britannique.
En tout cas, JC, je me permets de donner un élément supplémentaire, c’est tombé en fin de journée ce vendredi 6 septembre. La chambre des Lords britanniques a définitivement adopté la loi visant à bloquer une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord. Elle entre en vigueur lundi, ça y est c’est acté.
Cela veut dire qu’ils ont immédiatement ratifié ce que l’autre chambre avait voté. Le système britannique est en crise très profonde, parce que c’est le système le plus bi polarisant qui existe. Vous vous rappelez tous les travaillistes et les tories, mais la situation du pays a évolué. Les deux parties représentent à peine ensemble la majorité absolue, il ne faut pas négliger à la fois les Brexiteurs dur d’un démagogue d’extrême droite et les Libdems, c’est-à-dire une partie de droite modérée qui se fait laminer à chaque élection, puisque c’est le principe de ces élections couperet, d’un système extrêmement majoritaire.
Mais ce qui accentue encore le problème c’est que la bascule traditionnelle, un coup les tories, un coup les travaillistes n’est pas enthousiasmante, parce que les Anglais savent bien que le leader travailliste Corbin est en fait un protectionniste et que l’Europe, il ne la soutient que par réflexe d’opposition aux tories. Et s’il se retrouve aux affaires il ne va pas forcément être un Européen très convaincu. Et du point de vue des jeunes, ils ne veulent pas s’appuyer comme travaillistes sur des gens, qui pour eux ne correspondent pas au dynamisme qu’ils voudraient voir de la part du Royaume-Uni à l’intérieur de l’Europe.
JC, Boris JOHNSON qui va droit dans le mur. Les Anglais finalement selon les générations qui ne veulent pas forcément sortir de l’Europe, les Britanniques d’ailleurs d’une façon générale, est-ce que si un jour la Grande-Bretagne doit tout de même sortir de l’Europe, elle pourra y arriver et l’Europe devra-t-elle faire des concessions ? Il y aura-t-il des négociations ?
Les négociations cela fait 3 ans qu’elles durent.
Sans succès, de négociations réussies.
Je pense que paradoxalement, nous serions plus prêts à négocier pour qu’ils restent que pour les voir partir. On ne peut pas les empêcher de partir, ça, c’est comme toujours dans la vie, mais on préférerait qu’ils restent.
On va les retenir par la main ?
C’est-à-dire, si j’ose dire, cela risque peut-être pour nous à la dernière minute, de faire un SMS dans le style « si tu reviens, j’oublie tout ».
Cela veut dire qu’on pourrait arriver à trouver finalement une solution qui arrangerait à la fois l’Europe et à la fois les Britanniques ?
La majorité des Britanniques. Mais c’est-à-dire de renoncer à la logique de faire de l’Angleterre une place financière exclusivement une espèce de grand Singapour de l’Atlantique, de laisser sacrifier ce qu’il reste d’industrie y compris les industries de pointe.Et c’est cette politique-là que récuse une grande partie des gens du Royaume-Uni, l’Europe n’a aucune raison de l’appuyer.
Et cela voudrait dire pour les Britanniques aussi avec un autre premier ministre que Boris Johnson ?
On est entré dans une valse des Premiers ministres, de toute façon.
On aura l’occasion d’y revenir bien évidemment, JC, merci d’avoir été avec nous pour nous présenter le Brexit.
À bientôt.