Chronique du 15 novembre 2019
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bonjour Jacques.
Bonjour.
Aujourd’hui vous voulez nous parler de Roman Polanski, le réalisateur, le cinéaste. Roman Polanski qui a sorti il y a quelques jours, « j’accuse » et dans le même temps il y a une actrice française qui a de nouveau dénoncé un viol de Roman Polanski. JC, ce film « J

Lucas Cranach Christus und die Ehebrecherin Le Christ et la femme adultère Version sage
’accuse » et cette accusation envers Roman Polanski cela tombe au mauvais moment pour lui ?
Il n’y a pas de bon moment pour lui. Il a sorti ce film que je n’ai pas encore vu et qui est certainement un événement important, parce que c’est un cinéaste important qui a quand même réalisé pas mal de films tout à fait significatifs et d’intérêt. Mais il y a deux aspects, il y a d’abord l’intolérance de ceux qui veulent interdire un film, un livre, etc… Cette intolérance c’est un très mauvais souvenir, il y a toujours eu des gens pour vouloir interdire l’expression artistique ou l’expression tout court et ce sont généralement des intentions très troubles et très maléfiques, même quand elles sont parées de la vertu – on peut sur cette antenne rappeler quand même que l’inquisition, c’était déjà cela.
Ensuite concernant les accusations de viol et son attitude, on remarque quand même que ce sont des faits qui ont plus de 40 ans. Autrefois la prescription existait, à la limite de nos jours elle n’existe plus guère que pour les meurtres, alors que pour tout le reste avec l’astuce consistant à dire que c’est lors de la découverte des faits que commence à courir la prescription tout peut être poursuivi pour l’éternité. Il y avait une catégorie bien à part qui avait été créée qui sont les crimes contre l’humanité et donc imprescriptible.
Pour le reste je pense personnellement que la prescription devrait être en quelque sorte rétablie. Ensuite, il faudrait quand même voir ce que recouvrent ces choses, peu importe, j’allais dire, à la limite si Polanski a sauté sur des petites jeunes autrefois. La question c’est en matière artistique non pas la licence ou la liberté ou l’exonération de toute charge que donnerait le talent, mais c’est de se rendre compte que le bien et le mal par définition sont liés et sont en tout un chacun. Il n’y a pas des gens parfaitement blancs, même s’il y a en revanche des gens parfaitement noirs. Et en la matière, si j’ose dire jusqu’où faut-il aller ? Est-ce que quelqu’un qui a jeté un coup d’œil concupiscent sur une dame dont il n’était pas le conjoint – un peu selon la formule de Madame de Sévigné « en dehors des liens que l’hymen inspire » – et bien, est-ce que cette personne qui a jeté un coup d’œil et rien de plus est-elle déjà coupable – ce n’est pas mon domaine – mais j’allais dire d’un péché mortel ? Donc on voit où cela commence et on se dit alors de façon très vertueuse que des gens ont fait des choses pas bien, mais on peut aller très loin. En eaux troubles…

Cranach l’ancien Le Christ et la femme adultère version trash… ou le Christ lui-même tient la main de la pécheresse…
Faut il rappeler la prudence du Christ proposant à celui qui n’a jamais pêché en aucune façon de lancer la première pierre à la femme infidèle, ce qu’aucun n’osa faire !
Je crois qu’il y a un autre aspect encore qu’on peut aborder c’est que le talent ou le génie sont toujours les produits d’un dilemme, d’une contradiction, d’une déchirure chez l’artiste. On a plein de talents majeurs qui sont le produit d’une contradiction ou d’une opposition entre leur aspiration d’expression d’un côté, leur comportement de l’autre, alors où va-t-on s’arrêter ? Non seulement on peut parler de Polanski ou de Gide qui était un pédophile tout à fait classique, mais ce n’est pas la limite. Va-t-on décider que des types qui étaient par exemple des compositeurs remarquables comme Litz ou Wagner mais qui étaient des types déplaisants dans leur vie privée doivent être interdits de concert ? Tout cela est une inquiétude pour moi de voir – au lieu d’admettre la dialectique du bien et du mal et la volonté de chacun de s’en sortir avec lui-même – la volonté d’imposer un monde parfaitement blanc, un monde de privation sensorielle dont les motivations pour faire cela sont souvent au contraire extrêmement troubles. Je déteste les justiciers, surtout autoentrepreneurs en quelque sorte.
Ce que vous dites Jacques c’est que le talent de Roman Polanski en tant que réalisateur ne devrait pas être boycotté par ces affaires ?
Absolument, je pense que, quelle que soit la cause de son talent et peut-être des contradictions dans sa propre vie et dans sa propre tête. Le talent est une résultante et il ne doit pas être boycotté. Chacun est assez grand pour faire la part entre ses œuvres et sa vie, pour Polanski comme bien d’autres artistes.
JC cette affaire cela a quand même, même si ce n’est pas votre point de vue, cela a permis des histoires de blocages de projection dans certaines salles, est-ce qu’à un moment la situation peut se débloquer ? D’autant plus qu’on a vu des membres de la famille du cinéma, certains qui prennent position pour l’actrice, d’autres qui prennent position pour Roman Polanski, est-ce qu’à un moment donné on peut trouver un déblocage de la situation ?
Je crois que le déblocage c’est de s’opposer à l’intolérance, parce qu’il n’y a pas eu que Polanski ces temps-ci, il y a eu également le sabotage d’une présentation de livre de François Hollande avec destruction du stock de livres. Honte à quiconque détruit des livres, quels qu’ils soient. Et je crois qu’il faudra en revenir à des choses simples qui sont qu’il y a des lois en France et la Justice pour les appliquer et qu’il est interdit d’interdire en dehors des formes légales.
Merci JC d’avoir été avec nous pour votre chronique, cette chronique que l’on pourrait appeler du bien et du mal en matière artistique.
Absolument, ce sera sans doute le titre.
Merci JC, une chronique à retrouver sur votre blog, à très bientôt.
À bientôt.