Chronique du 08 novembre 2019
Sur les ondes de RCF: lien
On retrouve avec nous par téléphone JC, bonjour Jacques.
Bonjour.
Nous allons évoquer la Française des Jeux, le bilan de la Française des Jeux c’est surtout qu’elle s’introduit en bourse depuis ce jeudi 7 novembre, ça y est la Française Des Jeux est privatisée, quel est votre regard sur cette actualité JC ?
Dans le cas de la privatisation de la Française des Jeux, entreprise d’État qui a toujours gagné énormément d’argent, les argumentaires qui sont donnés ne peuvent qu’être à chaque fois à double tranchant. Si l’on dit que les acheteurs vont gagner pas mal d’argent, c’est dire que cet argent ne sera plus versé à l’État et vice versa si je puis dire. Pour que les acheteurs gagnent, il faut que l’État perde, c’est-à-dire que chaque individu, puisque l’État c’est nous, perde. Donc, on est dans un système en quelque sorte face je gagne et pile tu perds ou le contraire, puisqu’on est dans une situation absolument schizophrénique où pour que les Français gagnent de l’argent il faut que l’État, c’est-à-dire eux-mêmes en perdent. Ou à l’inverse, s’ils payent et qu’ils perdent de l’argent dans leur achat ils en regagnent de l’autre côté, mais collectivement, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
JC, les Français peuvent depuis ce jeudi jusqu’au 20 novembre souscrire à des actions à la Française Des Jeux, est-ce que vous c’est un pari que vous prendriez ?
Sûrement pas. D’abord parce que je n’aime pas les jeux de hasard, je n’ai jamais joué quoi que ce soit à la Française Des Jeux, d’autre part parce qu’en matière boursière il faut bien voir que les particuliers ne peuvent spéculer qu’à la hausse, pour des raisons techniques qu’on ne détaillera pas? Il ne leur est pas possible de spéculer à la baisse. Or, les privatisations sont toujours faites sous des dehors aguichants. Il est exceptionnel que la cote monte immédiatement. Le seul cas, je crois, c’était Gaz de France qui était monté pendant quelques jours avant de dégringoler. Dans l’autre sens, la plupart des privatisations se sont terminées en désastre pour les acheteurs. Commençons par les exceptions, je crois que la BNP n’a pas été un désastre, mais elle a performé exactement comme l’indice boursier globalement, donc ce n’est pas mieux que d’avoir pris n’importe quoi les yeux fermés. Total a performé au-dessus de l’indice, mais les autres privatisations ont été des rinçages absolus.
Quelques exemples ?
Que ce soit Thomson technicolor qui a terminé à 1 €, après l’offre symbolique, si je puis dire, EDF et des tas d’autres privatisations, Eurotunnel autrefois, enfin la plupart des privatisations ont consisté à essorer, les petits porteurs quand ils ont acheté. D’ailleurs on est monté jusqu’à 9 millions de petits porteurs et on doit être redescendu à 1 million 7 qui sont ceux qui ont considéré qu’ils passaient à perte et profits ce sur quoi ils étaient scotchés et qu’ils ne revendaient pas. Mais disons que l’essentiel des gens s’en sont sortis avec des pertes considérables.
On est aussi JC à la merci d’un marché financier qui est assez instable ?
Et bien oui et non. Parce que par exemple, avant la correction qu’on vient d’avoir ces derniers jours, la bourse est montée de 23 % depuis le début de l’année, il est évident que comme les arbres, selon l’adage, ne poussent jamais jusqu’au ciel ou seulement de la fumée de l’encens, et bien, inévitablement quand cela est monté, cela doit forcément baisser à un moment ou à un autre. Mais d’une façon plus générale, c’est le problème de la vente de l’argenterie. Il n’y a pas de raisons que ce soit celle-là ou celle de Aéroport de Paris. Pourquoi se débarrasser du point de vue de l’État d’entreprises qui lui rapportent régulièrement ? Ce serait logique s’il avait besoin de cash de façon instantanée et très urgente, mais ce n’est pas le cas puisque les taux d’intérêt étant bas ou même négatifs, l’État peut obtenir de l’argent autant qu’il en veut. C’est uniquement pour de l’affichage, c’est-à-dire pour dire que dans le bilan on a des entrées et que le déficit budgétaire affiché est plus bas que ce qu’il est en réalité. C’est un affichage qui n’a pas grand intérêt à part pour négocier avec Bruxelles, mais qui se fait au détriment du long terme, puisqu’encore une fois ces privatisations sont se priver de recettes qu’on ne peut pas espérer par le rendement de l’argent qu’on en récupérera où qu’on investisse cet argent.
JC on évoquait parfois les performances boursières des dernières privatisations un peu en dent de scie, cependant même si les performances…
C’était très édenté comme dent de scie, c’était très édenté, cela se termine très mal pour les acheteurs, pour les gogos.
Les performances ont malgré tout été souvent compensées par des taux importants de distribution des résultats par exemple.
Pas beaucoup, cela atténue la casse sur 2-3 privatisations, mais ce ne sont que les miettes de consolation globalement. Je ne vois aucune entreprise dont les rendus de dividende aient permis de compenser des baisses de titres, cela me parait une façon d’annoncer une consolation pour les malheureux actionnaires, en disant qu’ils toucheront peut-être un jour des dividendes, mais ce n’est pas le cas.
JC, vous disiez il y a quelques instants que les spéculations ne peuvent être revues qu’à la hausse et jamais à la baisse. Pourquoi cela JC, expliquez-nous un peu ce contexte ?
Sans rentrer dans les détails, je parlais tout à l’heure des spéculations par des acheteurs individuels, par ce que l’on appelle les petits porteurs. Les petits porteurs achètent cash, au comptant, ils n’achètent pas à terme, ils peuvent très difficilement acheter à terme. S’ils ont acheté cash et que cela monte, ils revendent et gagnent un peu d’argent. Du point de vue pratique il est très difficile aux petits porteurs d’acheter à terme, l’intérêt de l’achat à terme c’est surtout de spéculer à la baisse, c’est-à-dire qu’on paye plus tard à un tarif qui va être inférieur à celui auquel on avait théoriquement acheté, donc on empoche la différence. C’est ce que font les établissements financiers ou des « gros porteurs » qui ont accès à des outils d’investissements auxquels les petits porteurs n’ont pas accès. Les petits porteurs ne peuvent qu’espérer que cela monte et là ils revendent. Si cela dégringole, ils n’ont que les yeux pour pleurer, parce que de toute façon ils n’ont pas pu se couvrir ni par l’achat à terme ni par des systèmes plus compliqués de warrants et de couvertures partielles du risque.
On a évoqué l’exemple de quelques entreprises qui ont été privatisées par le passé, est-ce qu’il y en a une parmi quelques-unes qui marche quand même mieux que les autres et qui continue de bien aller actuellement ?
Pour l’instant c’est Total, la seule dont le bilan global soit positif.
Et bien merci JC de nous avoir éclairés et puis pour la Française des Jeux, on verra si c’était un pari gagnant ou un pari perdant.
Mais il ne peut être que perdant, puisque si les acheteurs s’enrichissent c’est au détriment de l’État, c’est-à-dire de nous tous. Mais c’est peu probable, car l’État décidera vite d’augmenter ce qu’il prélève en taxe sur les jeux s’il n’est plus l’actionnaire majoritaire de la Française des Jeux. Et la rentabilité, donc le cours de l’action, plongeront !
JC, affaire à suivre.
Merci. À bientôt.
À bientôt.