Chronique du 22 Novembre
Sur les ondes de RCF: https://rcf.fr/embed/2242229
On a l’habitude de retrouver JC pour la chronique d’actualité, bonjour Jacques.
Bonjour.
On va regarder ce qu’il s’est passé cette semaine, c’était mercredi, un nouveau plan urgence dans le domaine de la santé annoncé par le gouvernement. Pas mal de choses, notamment on retient parmi toutes ces annonces les 1,5 milliard d’euros sur 3 ans annoncés, l’ensemble de ce plan JC, qu’en pensez-vous ?
Et bien, malheureusement je crois que c’est trop peu et trop tard pour qu’il puisse non seulement désamorcer la crise, mais prendre le virage d’une remise en ordre du système. Parce que la présentation, j’allais dire chatoyante, 1,5 milliards, cela frappe plus l’imagination. Seulement, c’est sur 3 ans et surtout quand on regarde le coefficient directeur, ce que l’on appelle l’ONDAM (Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie) dans le jargon correspondant aux hôpitaux, les études qui sont toutes convergentes disent que l’augmentation naturelle par le glissement vieillissement/technicité, par les prévisions d’augmentation d’activité, la population, etc., l’évolution naturelle de l’ONDAM devrait être à 4.4 pour rester en l’état. C’est-à-dire sans augmenter réellement les investissements. Or, depuis des années on rédime les hôpitaux et il était prévu cette année 2.1 %, c’est-à-dire de terminer d’amener à l’os les hôpitaux dans un état lamentable et les mesures reviennent en fait à donner 0.2, c’est-à-dire arriver entre 2.3 et 2.4, vous voyez le gouffre qu’il y a entre 2.4 et 4.4.
JC, quand on vous écoute on a l’impression que pour le système de santé, pour les hôpitaux on a touché le fond, qu’on est au bout du bout, alors ma question est simple. Est-ce qu’on est vraiment au fond, où est-ce qu’on peut encore creuser ?
Et bien, non seulement on peut encore creuser, mais cela va se creuser tout seul.
C’est-à-dire ?
C’est-à-dire qu’il y a des dépenses déjà considérables qui perdurent auxquelles on n’osera pas toucher. On a une gouvernance qui est désastreuse – et on fait une mission pour la gouvernance – et qui représente surtout une bagarre entre médecins et directeurs d’hôpitaux pour prendre la tête d’un système qui serait toujours un système pyramidal hiérarchique, de plus en plus rigide. Au lieu d’imaginer un système décentralisé où chacun a des responsabilités, où l’infirmière gère ses stocks, où l’aide-soignante aussi gère ses stocks d’alèses, etc. Et donc au lieu d’avoir un système qui réintroduise de la souplesse, de la responsabilité et qui dégraisse tous les niveaux intermédiaires parasites et coûteux, on a une bagarre sur qui prendra la tête, qui sera calife, est-ce que le calife aura une blouse blanche ou pas. Ce n’est pas du tout la question, d’ailleurs même le principe d’un plan général de mesures centrales, alors que l’urgence est extrême, me parait une mauvaise solution vis-à-vis de l’alternative qui serait d’envoyer des missi dominici qui soient des gens du cabinet ou autre pour, ville par ville, déterminer la situation et quelles seraient les urgences que les gens priorisent. Puis on verrait à ce moment-là quels moyens peuvent être attribués à ces urgences de façon décentralisée, en regardant à chaque fois au cas par cas. Parce que les choses les plus criardes ne sont pas les mêmes à chaque endroit, donc cela c’est très important.
Au passage sur les sommes en jeu, je voudrais y revenir, on a vu dire que les hôpitaux ont plus de 30 milliards de dettes et que Bercy propose d’en récupérer un tiers, et d’autre part que cette dette représente comme service de la dette, une charge d’un peu moins de 900 millions par an, ce qui montre avec un rapide calcul que l’on est dans l’ordre de 3 %. Alors déjà, personne ne parle de rembourser le principal, le capital, c’est-à-dire qu’on est dans les dettes de durée indéfinie, j’aillais dire pour l’éternité, comme le reste de la dette. D’ailleurs, elle est comptée dans la dette de l’État français. Mais ces 900 millions à 3 % cela indique déjà une très mauvaise gestion financière. Par les temps qui courent, des organismes publics devraient être à 1 % ou moins. Donc Bercy n’aura aucune difficulté à restructurer cette dette et à économiser non pas 600 millions, puisqu’il ne reprend pas tout, mais 200 millions ce qui est toujours cela en restructurant. Mais un autre point très important sur cette dette, c’est qu’elle est faite essentiellement d’investissements, les hôpitaux n’ont pas le droit d’emprunter pour de l’équipement pour du fonctionnement, ils empruntent quand ils construisent. C’est-à-dire que c’est une dette qui représente du béton et qu’il y a une manie en France que j’appelle « faire des sacrifices réguliers au Minotaure du bâtiment travaux publics ». Là donc 30 milliards, cela représente à peu près la moitié, c’est la première fois qu’on peut déterminer quelle est l’échelle des sacrifices accordés, parce que généralement les hôpitaux s’endettent de la moitié des dépenses et pour le reste ils saignent la bête, c’est-à-dire qu’on réduit les personnels et qu’on réduit les lits pour financer ces magnifiques bâtiments qui permettent de visser des plaques pour les politiques et qui permettent au BTP d’avoir une rente de situation extraordinaire en France. Cela montre quand même une échelle d’activité déraisonnable qu’on retrouve à Reims, comme ailleurs mais peut être plus qu’ailleurs.
JC, ce que vous nous dites là n’est pas très rassurant, il y aurait-il malgré tous des solutions ou des pistes de solutions qui permettraient d’améliorer un peu tout cela, notamment la situation du personnel soignant qui est en première ligne aussi et puis réduire cette dette dont vous nous parlez.
Je prendrais plutôt un autre exemple, je prendrais celui des médecins partis à la retraite et revenus ou des médecins qui vont partir. Pour des raisons de démographie, on peut prévoir d’une part d’ici 2 ans à 3 ans au maximum, un départ considérable de plus de 6 000 médecins et d’autre part que parmi les 17 000 médecins qui sont partis et revenus à temps partiel, plus de la moitié vont nous abandonner. Parce que pour l’instant s’ils sont libéraux ils payent en dehors des zones de revitalisation rurales des charges sociales à 3 ans qui vont être astronomiques puisqu’ils ont une très faible activité et qu’il y a des planchers. Donc si on ne trouve pas de solutions pour qu’ils poursuivent ce mode de fonctionnement, ils vont arrêter purement et simplement. Je crois qu’il faut développer le salariat et parmi le salariat il y a une formule souple qui devrait être employée et qui est celle du salarié à l’heure, cela existe bien en emploi/service et je ne vois pas pourquoi les départements, puisque c’est eux qui sont généralement pilotes dans les opérations de sauvetage, ne prendraient pas cette formule de permettre que quelques heures par jour – par exemple à l’heure où il n’y a plus personne pour la permanence des soins – des médecins retraités et revenus soient payés à l’heure. Alors évidemment à un tarif qu’il faudra déterminer, mais qui sera en toute transparence.
JC, on comprend bien avec tout ce que vous nous dites que c’est encore la crise à l’hôpital, il y a une grande manifestation, un grand mouvement national qui est attendu le 5 décembre, les personnels soignants pourraient y participer, il y a de grandes chances que la crise continue et que le gouvernement doive de nouveau réagir face à toute cette crise, d’une façon globale.
Pour l’instant le gouvernement réagit comme depuis un ballon. Il lâche du lest, sans influer bien évidemment sur la direction du vent. Alors que ce n’est pas une solution durable. Il faut avoir un système au minimum de dirigeables, voire d’avions, qui sache où l’on veut aller et qui établisse une programmation pour cela et non pas des mesures ponctuelles de crises en crises.
Affaire à suivre JC. À très bientôt.
À très bientôt.