Covid19. L’épidémie en France et la vaccination

JHM COHEN 9/01/2021

L’évolution de l’épidémie et celle de la vaccination en France, sont regardées de façon diamétralement opposées. Totalement pessimiste pour l’évolution de l’épidémie, totalement optimiste pour le déroulement de la vaccination et ses effets. Plutôt que l’analyse méthodique et la préparation rationnelle des différentes hypothèses, le choix semble se faire au jour le jour de la meilleure rentabilité politique immédiate d’improvisations répétées. Faute d’anticipations, la politique de tests et séquences comme la politique vaccinale en sont les deux illustrations d’actualité. 

L’évolution de l’épidémie. 

Seule l’hypothèse la plus noire d’une proche 3 éme vague, basée sur la diffusion du variant anglais plus contagieux est prise en considération. Avec comme réponse barrière, une distanciation sociale molle  et variable avec un couvre-feu qui bonde les transports en commun et les magasins à l’heure fatidique, et qui n’aurait guère de chance d’efficacité si cette hypothèse se vérifiait.  A contrario, les larges brèches de cette politique à l’occasion des fêtes de Noël n’ont conduit à aucun pic et nous serons fixé d’ici la fin de la semaine sur l’effet « 1er de l’an ». Si l’hypothèse d’une troisième vague proche ne doit pas être écartée et demande une préparation logistique, elle n’est pas la seule et l’hypothèse d’un long plateau avec de la houle  doit aussi être préparée.

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Comparaison des deux pics épidémiques

Nous nous situons dans un plateau avec de la houle ou des bosses, ce qui rend plausible l’autre hypothèse d’un taux de barrière atteint en gros au tiers de la population, qui n’empêche pas la circulation virale comme le ferait un taux d’éradication des 2/3 de la population, mais qui empêche l’emballement des pics épidémiques. S’il n’y a pas de pic d’ici au 1er février, il faudra considérer cette hypothèse comme la plus probable. Ce serait une bonne nouvelle, mais en fait une demi bonne nouvelle, car un plateau avec des bosses peut durer bien plus longtemps qu’un pic épidémique.

Et il faudrait en venir à des tests barrières systématiques pour autoriser tout rassemblement professionnel, culturel, sportif, ou culinaire afin de réanimer une vie économique et sociale qu’on ne peut suspendre pour encore quatre à six mois. 

Il faut aussi nuancer, mais cela renforce cette hypothèse, que selon l’ampleur de la première vague, l’épidémie n’a pas la même allure selon les villes et les régions. A Mulhouse capitale de la première vague la montée lente de la seconde n’a pas encore atteint son sommet. Tandis que les régions indemnes au printemps ont présenté un pic très aigu de seconde vague, complété il est vrai souvent d’une trainée importante, sans doute de diffusion en zone rurale proche.

hospit France 9 1 21

Evolution comparée des patients hospitalisés

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Comparaison des formes graves admises en réanimation  

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Mortalité globale en France, incluant les deux pics épidémiques, ( et un peu de canicule début août ).

Un autre phénomène important est une diminution de la fréquence des formes graves et de la mortalité relative, ce ne veut pas dire pour autant que personne n’en meurt plus. Un test décisif d’ici la fin du mois, est que la circulation virale souterraine appréciée par les eaux usées, s’est accrue ces derniers jours à Paris et Marseille, sans que les hospitalisation ne suivent le même rythme jusqu’ici.

eaux usées courbe paris

Circulation virale appréciée par les eaux usées

Simple retard ou evolution virale ? Notre absence de politique de séquences virales massive ne permet pas de le savoir ( nous sommes le 50 éme pays contributeur de la principale banque coopérative de séquences sars-cov2 ).

Le rôle des variants

Si de nombreuses variations de séquence  ont eu lieu au cours de l’épidémie, très peu ont changé les caractéristiques principales du virus en terme de contagiosité et de virulence. C’est même assez surprenant pour un virus récent dans notre espèce. En fait, dans sa période de conquête du Far West, le virus n’en avait pas besoin. Si aujourd’hui il lui faut songer à s’installer durablement dans l’espèce malgré l’immunité qu’il finit par provoquer, il lui faut se hâter pour ne pas disparaitre de trouver des habits neufs. 

Le variant anglais se semble pas avoir le potentiel de changer la partie, en échappant à l’immunité vaccinale et donc à l’immunité acquise. Ses nombreuses modifications, nous indiquent en revanche quelque chose sur l’origine du virus. Les épidémiologistes anglais tentent de les expliquer en imaginant un porteur chronique immunodéprimé chez qui il aurait eu le temps et le loisir d’évoluer. Il me parait beaucoup plus vraisemblable qu’il est aller faire un tour dans une autre espèce, animal domestique au autre, car nous avons largement diffusé notre virus sur la planète et l’avons certainement passé à d’autres dans notre environnement.

Le variant sud-africain est plus préoccupant, car il semble avoir le potentiel d’échapper à l’immunité acquise ou vaccinale contre le « spike » l’épine de la couronne du virus. Sauf sans doute au passage contre les vaccins de type virus entier, moins sensibles aux variations du spike que tous les autres qui ne ciblent pas d’autres composants. Pourrait il échapper au reste de l’immunité acquise en particulier cellulaire ? Nous ne le savons pas pour l’instant.

L’éventualité de variants plus contagieux, veut-elle dire que le virus redeviendra plus mortel ? C’est peu probable, parmi les 4 coronavirus captés dans l’espèce humaine à partir de coronavirus animaux, l’un d’entre eux OV43, retient l’attention, car avant de devenir un commensal assagi source de rhumes, il semble avoir causé une épidémie sérieuse en 1889-1890, lors de son arrivée dans notre espèce, confondue avec l’épidémie de grippe de la même période. 

Quoiqu’il en soit, une politique de tests massifs par zone sera nécessaire lorsque la circulation virale aura diminué pour tenter de l’éradiquer en confinant étroitement durant moins d’une semaine chaque zone, avec une prise en charge effective des cas dépistés et une véritable quarantaine des sujets contacts. Sur la structure et la logistique des tests, comme sur le suivi, il faudrait tirer les leçons de nos échecs sur les ville test de Charleville ou du Havre. 

Et de la durée de l’immunité acquise

Si l’immunité de la première vague persiste encore aujourd’hui et détermine la forme de la courbe épidémique, sa durée exacte ne peut être prédite pour l’instant. Pas plus que la pression qu’elle peut exercer sur l’émergence de variants et la reprise d’une allure d’épidémie à pics à tel ou tel endroit. Ou au contraire, si le virus doit finir par disparaitre devant une immunité acquise ou vaccinale durable. 

Le vaccin ou plutôt les vaccins…

Dans un contexte où la lumière parait lointaine, il est naturel pour le grand public comme pour les politiques de fonder les plus grands espoirs sur le vaccin. Un peu trop dans la plupart des pays occidentaux, et beaucoup trop chez nous, où les vaccins seront pour plusieurs mois moins disponibles qu’ailleurs. Du fait de sérieuses bévues dans le planning d’approvisionnement comme dans le choix des vaccins. 

planning vaccins

Planning des livraisons en millions de doses. Doses cumulées en dernière ligne. Sous réserve des livraisons…Nous n’aurons donc au mieux que 10 M doses, soit de quoi vacciner 5M de personnes avant le 1er mars

Les premiers vaccins disponibles sont les vaccins à ARN. Leur tolérance médiocre, surtout en seconde injection et leurs effets secondaires leur conférent un rapport qualité prix tout à fait acceptable chez les sujets à risques pour leur âge leur diabète ou leur poids, mais rend réticent à les prescrire comme vaccins altruistes chez des sujets jeunes ne courant aucun risque sérieux en cas d’infection par le Sars-Cov2.  

Le choix de retarder la seconde injection sans la moindre étude clinique, pour en donner à deux fois plus de gens est étonnant: les rares données disponibles suggèrent une efficacité de 50%  après la première injection soit une division par deux de l’efficacité. Le gain numérique de protection serait donc nul. Bien plus, l’immunité post une seule injection sera brève, sans doute de quelques semaines. Si le rappel retardé, n’a pas la même efficacité qu’à l’heure prévue, il ne sera pas possible de multiplier les rappels, du moins avec ces vaccins à ARN, car les effets secondaires, d’après leurs essais de phase 1, 2 augmentent avec les injections et deviennent vite prohibitifs, ce qui avait fait renoncer à un protocole classique à 3 injections.

moderna durée protection

Vaccin Moderna Évolution des anticorps neutralisants sur 120 jours. Noter les taux tout à fait médiocres à un mois après une première injection ( les injections sont des flèches verticale en abscisse ). Et l’incertitude au delà de 4 mois si la pente de descente se maintient.

Le choix de distribution précoce parmi le personnel de santé à partir de 50 ans, à risque très modeste comparé à celui de sujets plus âgés est étonnant si on réalise la pénurie et donc la priorité qu’il faudrait donner aux plus exposés. Choix initial renversé devant les clameurs en prétendant à une vaccination de masse plus ou moins rapide, ce qui est totalement hors de portée.

Nous avons 1 million de personnes en ehpad et environ autant de grands vieillards à domicile. Donc 2 M. Puis globalement 10% de la population a plus de 75ans soit 7 M. Si l’on descend jusqu’à 60 ans pour couvrir la quasi-totalité de la population à risque, en y ajoutant les diabétiques et les surcharges pondérales plus jeunes,  il faut compter le quart de notre population soit 16 M et y ajouter 2 à 3 M de sujets à risques. L’intérêt de vacciner plus largement pour casser la circulation virale demanderait de savoir si ces vaccins l’interrompent réellement ou substituent simplement des porteurs sains aux malades. Situation connue pour d’autres vaccins inanimés, contre la poliomyélite par exemple. Ces données ne sont pas encore disponibles. Autre problème pratique, les vaccins ARN sont contre-indiqués chez les sujets ayants présenté des antécédents allergiques sérieux, qui représentent bien 5 % de la population. 

 Mais tout ce débat est métaphysique quand la bonne volonté vaccinale de la population, quoiqu’on en dise, va se heurter à la pénurie et à l’absence des types de vaccins administrables en population jeune. Voire en cas de variant très divergeant par son spike, l’absence de vaccins virus entier inactivé, le seul qui ait une chance de rester efficace avant que la production d’un vaccin modifié ne soit mise en place.

En effet, nous avons présomptueusement rejeté en octobre la proposition russe de coopérer sur le vaccin à deux adenovirus de l’institut Gamalya Spoutnik V, pensant que le vaccin adenoV d’astraZeneca ( AZ ) serait disponible et suffisant. En retard et souffrant de pbs de dosages, ce vaccins ne sera pas largement disponible avant longtemps. AZ envisage même de coopérer avec l’institut Gamaleya et A Merkel a décidé ces derniers jours de la production en Allemagne du vaccin russe.  

Parmi les vaccins virus entier inactivés, les deux vaccins chinois ont plusieurs longueurs d’avance. A domicile avec plus 9 M de vaccinés au 8 janvier ou à l’étranger dans 16 pays en collaboration par exemple au Brésil avec l’institut Butantan. Le fabricant indien de vaccin développe lui aussi un tel vaccin et il prévoit de pouvoir vacciner 300 M de personnes dans les premiers mois de 2021. Une firme française Valneva, s’était proposée d’en produire, mais elle n’a pas reçu d’aide du gouvernement français en ce sens. Sans doute trop sûr de l’arrivée du vaccin Sanofi qui devait en juin pouvoir couvrir toute la population avec un vaccin spike recombinant.  

La drôle de guerre contre le virus de Sanofi

Sanofi a annoncé fin 2020 l’échec de son vaccin, qui n’aurait pas protégé les plus de 55 ans. L’étonnant, c’est que Sanofi n’a proposé ni de vacciner avec lui la population de moins de 50 ans, ni de modifier rapidement sa formule. En indiquant une production reportée à la fin 2021. Ce qui indique au minimum que la phase 1 n’a pas comporté de variantes moléculaires, ni la phase 2 d’encadrement de dose suffisant. Tout cela est étonnant compte-tenu des compétences vaccinales de la firme et des moyens qu’elle aurait pu affecter à ce travail urgent, pour rattraper en 2 à 3 mois le raté initial. L’annonce de l’éventuelle production du vaccin Moderna ( ARN ) par Sanofi sous licence ne peut que renforcer la suspicion de motivations hors de la technique vaccinale. Reste à voir si les pouvoirs publics et notre administration de la santé préféreront regarder ailleurs plutôt que de reconnaitre qu’ils se sont fait berner, ou poseront des exigences à la hauteur des aides et de la bienveillance accordées jusqu’ici à cette entreprise. 

On peut noter dans la même catégorie des spikes recombinants, que Johnson et Johnson finit une phase 3 et va proposer un spike recombinant sur nanoparticules adjuvantes, en une seule injection, dès mars. Et que le modeste Institut Finlay de Cuba a lui testé en amont plusieurs solutions et débute la production pour une vaccination à l’échelle de sa population dans le premier trimestre 21. 

Les pouvoirs publics n’osent annoncer qu’il faut revoir l’ambition d’une vaccination rapidement généralisée pour un objectif plus réaliste de protéger les populations à risque, ce qui serait déjà très bien et au delà des moyens prévisibles. De même nous avons fait, volens nolens, l’impasse sur la diversification des vaccins, nous exposant aux limitations des vaccins RNA, dont l’incertitude sur la durée de la protection qu’ils confèrent n’est pas la moindre.

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