Elon Musk sur les traces de Nicolas Tesla ?

Jacques HM Cohen 16 112 2022

Sur les ondes de RCF: LIEN

Avec nous aujourd’hui, Jacques Cohen pour sa chronique. Bonjour Jacques !

Bonjour !

Alors cette semaine, on va évoquer une personne ou plutôt deux, puisqu’aujourd’hui, nous parlons d’Elon Musk sur les traces de Nicolas Tesla.

Absolument. Elon Musk a, tout à fait publiquement comme modèle et comme idole Nicolas Tesla qui était quelqu’un de tout à fait en dehors de l’ordinaire, qui était un génie. On verra aussi qu’il y a quelques petites différences entre les deux. Elon Musk a un comportement politique américain – bien qu’il ne soit pas américain d’origine – de type « libertarian ». Comme le nom ne l’indique pas, il s’agit d’un anarchiste de droite considérant que la liberté individuelle prime, que les gens ont le droit de faire des bêtises et ils assument la responsabilité des conneries qu’ils peuvent avoir faites et qu’ils doivent faire face par eux-même à ce qui peut leur tomber sur la tête. C’est le contraire du raisonnement de gauche j’allais dire, et même globalement du raisonnement européen, qui considère que la solidarité et la fraternité dans notre devise sont des choses importantes, ce qui n’est pas du tout son cas, il faut bien s’en rappeler.

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Tour pour transmission sans fil d’énergie électrique de N Tesla. Il réussit en fait à reproduire la foudre qui détruisit l’installation.

Elon Musk a lancé des opérations industrielles extrêmement inattendues, dont certaines ont été de grands succès et d’autres des flops totaux. Son raisonnement global est cosmique, il faut quitter notre planète où il y a trop de monde et où cela ne se passe pas bien. Il faudra donc pouvoir s’installer ailleurs, sur la Lune, sur Mars surtout qui est son rêve d’aller y faire un tour. Ce n’est pas aujourd’hui que nous discuterons du caractère peu réaliste, non pas seulement en moyens techniques, mais en termes de logique de développement de l’humanité d’aller s’installer durablement sur Mars, et en nombre, même si on peut éventuellement mettre quelques petites choses là-bas. Pour ce qui est de l’exploration scientifique, on sait maintenant très largement que l’exploration robotisée automatisée est bien plus intéressante que d’envoyer des kilosatellisés d’Hommes et des kilosatellisés de matériels ayant des performances qui ne sont plus égales, alors qu’au départ l’Homme faisait plus, maintenant, on peut faire beaucoup plus avec un kilo de matériel (ça, c’est pour l’illogisme de son arrière-pensée). Il a réussi, tout le monde le sait, l’opération fusées réutilisables, alors qu’il y avait de grosses difficultés à ce raisonnement, ne serait-ce que parce qu’il faut gaspiller du carburant, donc du poids pour pouvoir ramener quelque chose sur Terre. Il a ensuite réussi la constellation de satellites à de basse altitude, dont on voit d’ailleurs l’efficacité et le caractère unique en Ukraine actuellement. Enfin, il a réussi bien sûr la voiture électrique avec Tesla, ce que personne ne croyait raisonnable, car l’automobile est un domaine à part où le ticket d’entrée pour savoir en faire est très élevé, mais il a réussi. Cela fait oublier qu’il a quand même raté plusieurs choses.

Oui, c’est ce que j’allais dire. Il n’y a pas eu que ces succès, il y a eu aussi les échecs.

Le plus souterrain, c’est l’histoire de la Boring Company (avec le jeu de mots sur « Boring ») qui est de faire un train à haute vitesse sous forme d’un tunnel sous vide avec une sustentation magnétique et une vitesse d’un millier de kilomètres/h. C’est un concept qui existe depuis un siècle et demi, mais la réalisation pratique est à peu près impossible pour des questions de sécurité et de difficultés pratiques. Un truc comme cela, ça ne freine pas si rapidement que cela, ou alors, les gens doivent être ficelés sur leur siège, le moindre incident conduit à une catastrophe et ainsi de suite. Cette chose qui devait révolutionner les transports sur la côte ouest a toutes les chances de ne jamais déboucher sérieusement.

Ensuite, il y a un autre aspect, c’est qu’il s’aventure en géopolitique. Il lance des satellites avec une compagnie qui fait beaucoup de bénéfices, mais il faut bien se rendre compte que sa compagnie de fusées, qui représente le début de son aventure, c’est une pseudo boite privée. Je m’explique, c’est bien lui qui en est le propriétaire, mais la prospérité de l’opération repose sur les commandes d’État des USA. Autrement dit, c’est une compagnie de droit américain dirigée par Elon Musk, mais qui est sous-traitante de la NASA et surtout du département de la défense pour des tas de lancements qui lui sont réservés et qui lui sont payés très chers. L’opération fusée n’aurait jamais pu marcher sans subventions massives – quoiqu’elles soient plus ou moins déguisées – du gouvernement américain. Au départ, finalement, dans ce domaine, Elon Musk est un faux nez, c’est un Sud-Africain naturalisé américain qui permet de présenter comme une initiative individuelle une opération lourdement subventionnée destinée à casser le système européen de l’ESA et du CNES de lancements de fusées et de satellites.

C’est là-dessus qu’il dégage beaucoup d’argent et à partir de cela, il tente l’opération Twitter. Je vous ai dit qu’il avait un concept politique assez libertarien qui est à la fois la liberté au-dessus de tout et « chacun pour soi, et moi d’abord ». D’où des licenciements massifs sans état d’âme. Dans l’opération Twitter, il a constaté que ce mastodonte était assez mal équilibré, qu’on pouvait éventuellement faire plus d’argent et d’autre part, il y avait des risques d’écroulement sous les faux comptes. E Musk pouvait donc récupérer un pouvoir d’influence colossal s’il récupérait cette machine qui représente en quelque sorte la version moderne de la presse. Vous avez vu par exemple chez nous qu’un certain nombre de milliardaires possédaient l’essentiel de la presse, alors que la presse perd de l’argent. Ce n’est pas par hasard, c’est parce que cela donne de l’influence, donc du pouvoir politique et du pouvoir sur la politique. Elon Musk pense qu’avec Twitter, il va avoir un pouvoir, avoir un outil fantastique, mais il a quelques difficultés. D’abord, parce que c’est un peu comme la presse également, Twitter est en effet très dépendant des annonceurs, c’est-à-dire des sociétés qui achètent de l’espace publicitaire qui permet que les algorithmes de Twitter déversent chez vous ce qui vous intéresse et pas chez le voisin, et ainsi de suite. Donc, il ne peut pas se permettre, contrairement à ce qu’il pensait probablement au début, de modifier la ligne éditoriale et de modération de façon inconsidérée, parce que sinon, « les annonceurs » (l’équivalent des annonceurs dans la presse) ne vont pas laisser passer. Cela, il ne s’y attendait manifestement pas puisqu’il a déjà dû faire plusieurs zigzags pour ajuster la ligne en essayant d’aller dans le sens qu’il souhaitait, mais peut-être pas tout à fait jusqu’au bout de ce qu’il souhaitait. Twitter vaut une fortune, mais ne vaut plus rien si les annonceurs laissent tomber et les annonceurs sont non seulement individuels, mais il y a aussi une association d’annonceurs, le pouvoir d’E Musk là-dessus est donc limité. L’aspect régulation par l’État peut aussi compter, mais il devait penser qu’il pourrait opposer les annonceurs et les États, car selon les endroits, la régulation n’est pas la même, mais c’est difficile et il a du mal à y arriver. D’autant qu’il s’aventure aussi en politique et que son essai précédent en Ukraine lançant un plan de paix à contre temps, si on peut dire, a là aussi conduit à un flop, car finalement, il n’est pas un très bon politique. On ne détaillera pas aujourd’hui par manque de temps quel était son plan de paix qui, pour certains aspects, n’était pas tout à fait illogique ni irréaliste, mais pour d’autres, ne tenait pas debout surtout qu’il est sorti à contre temps. Ce n’est pas maintenant que l’on peut proposer un cadre de négociation entre l’Ukraine et la Russie, cela se fera malheureusement plus tard.

Pourquoi parler également de Nicolas Tesla ? C’est pour montrer les ressemblances et les différences. Nicolas Tesla était, comme Elon Musk, quelqu’un d’extrêmement imaginatif. Il était, comme on le dit de nos jours, absolument génial, non seulement parce qu’il parlait facilement 7 ou 8 langues, mais aussi parce qu’il avait inventé des tas de choses importantes et qu’il avait des vues fulgurantes sur ce que l’on pourrait en faire. Par exemple, le courant alternatif  puis tous les moteurs électriques asynchrones, c’est Nicolas Tesla, de votre perceuse électrique jusqu’à bien d’autres choses. Dans la transmission électrique, Nicolas Tesla espérait transmettre de l’énergie par les ondes radio à des quantités d’énergie suffisantes pour pouvoir faire de la transmission électrique sans utiliser des lignes terrestres, comme les câbles de haute tension que vous connaissez. Il espérait également pouvoir faire tenir en l’air les machines, donc faire voler les engins par sustentation magnétique là encore par courant induit. En l’air, cela parait difficile, dans l’eau, ce n’est peut-être pas si stupide, mais dans un cas comme dans l’autre, il a buté sur beaucoup de problèmes pratiques et cela ne s’est pas fait. Nicolas Tesla était donc inventif au sens qu’il trouvait des inventions géniales et qu’il avait des ambitions qui étaient éventuellement totalement irréalistes.

JC, on arrive bientôt au terme de cette émission. On a bien compris finalement qu’Elon Musk et Nicolas Tesla étaient tous les 2 des visionnaires à leur façon, mais qu’est-ce qui les différencie concrètement ?

Dans le cas de Tesla, les visions étaient basées sur de la science ou de la technologie, c’étaient des visions un peu déformantes ou déformées de ce que la technologie qu’il proposait était ou serait capable de faire. Dans le cas de Musk, il a toujours été sur des visions commerciales ou idéologiques, il n’a jamais rien inventé. Il n’a ni inventé les batteries électriques, ni les voitures électriques, ni les tunnels sous vide, etc. Il n’a jamais rien inventé, mais il a su choisir un certain nombre de sujets, en dehors des flops, qui marchent et dont il a très bien su développer l’aspect commercial. Je pense que c’est sa grande souffrance. Il voudrait être un inventeur, mais il ne l’est pas. Ensuite, son comportement que l’on dira atypique, sans entrer dans le portrait psychologique ou psychiatrique du personnage – que beaucoup disent être un autiste de genre Asperger sans être absolument sûr de ce que cela veut dire -. Mais son ambition est appuyée sur la négation, l’impuissance et probablement la rage de ne pas être un inventeur original, ce qu’il aurait certainement préféré.

JC, merci pour cette nouvelle chronique d’actualité. On se retrouve la semaine prochaine ?

Absolument, à très bientôt !

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