Vidéosurveillance à Reims : l’IA détectera-t-elle les autruches municipales ?

JHM COHEN 3 2 2023

Sur les ondes de RCF: LIEN

La chronique d’actualité comme toutes les semaines avec le professeur Jacques COHEN. Bonjour !

Bonjour !

On va parler vidéosurveillance et on ne va pas aller bien loin, on va rester dans la ville de Reims. Si l’on fait une photographie de la vidéosurveillance rémoise, JC, que faut-il en retenir sur les prémices de cette histoire ?

L’histoire récente c’est l’usage, si j’ai bien compris, pendant quelques semaines avant que Thalès ne se retire, d’un logiciel de reconnaissance de personnes et comportements sur la ville de Reims, comme moyen supposé destiné à trier les vidéos quand on veut rechercher le parcours de quelqu’un quelque semaines après, etc. Il y a donc là-dessus, semble-t-il, sinon un non-dit du moins une incompréhension ou plus probablement des cachotteries de la part de Thalès. Car évidemment, Thalès ne s’intéresse pas à mettre au point un logiciel pour reconnaître des plaques minéralogiques, tout bricoleur sait le faire de nos jours.

reconnaissance-faciale-joconde

Détecter les émotions et attitudes……

Une boite sérieuse comme elle s’intéresse aux logiciels sophistiqués qui permettent de reconnaître les gens – officiellement, à cause de la CNIL, on dit que l’on ne s’occupe pas de la reconnaissance faciale. Mais elle est, si j’ose dire, dans le package -, On détecte les mouvements et les objets. Les casquettes et pas les visages à croire le discours des vendeurs de ces choses.  Évidemment, les fusils c’est facile, mais il n’y a pas que cela.

Surtout, le gros problème de Thalès c’est d’avoir un échantillonnage, une tenue qui peut paraître bizarre à un enterrement par exemple est une tenue de sport banale dans un autre contexte, etc. Je pense que ce qui intéressait beaucoup Thalès c’était de récupérer des données rémoises. Comme vous le savez, Notre Dame de Paris est fermée ces temps-ci et nous avons un autre endroit où il est possible de voir des touristes du monde entier avec des habitudes, des habillements, des comportements qui peuvent permettre d’entraîner une intelligence artificielle à distinguer un individu bizarre ou un groupe de telle ou telle sorte. Pour ces logiciels sophistiqués, deux pays sont très en pointe : la Chine et Israël. Notre champion national veut s’attaquer probablement au même marché.

Mais peut-on faire un réel parallèle entre Reims et la Chine ? C’est crédible aujourd’hui ?

Je ne suis pas sûr que ce soit totalement crédible et c’est justement un des paradoxes. La reconnaissance par vidéosurveillance en Chine est extrêmement sophistiquée et, j’allais dire, extrêmement appliquée. Chez nous, l’intelligence artificielle est plus une façon de faire un geste rituel ou d’annoncer une escalade rituelle du sérieux avec lequel on veut traiter la question pendant que dans le même temps l’on joue les autruches sur des exemples concrets à Reims. Le premier exemple que l’on va prendre, ce sont les deux caméras successives en haut d’un lampadaire à Wilson, dont le mat a tout simplement été scié à la disqueuse en plein jour, deux fois, sans que l’on n’ait jamais été capable de retrouver les individus.

Pourtant, JC, je vous provoque un peu, avec les caméras de surveillance, si elles étaient efficaces, on aurait dû réussir à les retrouver ces individus.

C’est même mieux, ils ont été filmés non pas par les caméras qui sont tombées, mais par les gens du coin avec leur téléphone portable. Des images, il y en a de nos jours partout, mais cela montre qu’entre l’image et une politique, il y a une différence. Alors on peut faire des gestes rituels, c’est une autre question. L’autre exemple caricatural c’est la publicité par affichage illicite. À Croix-Rouge, ont été affichés d’une écriture très nette et claire l’endroit où il faut aller pour obtenir telle ou telle drogue et les tarifs. Avec une variation des cours selon les évènements du jour bien sûr. Tout cela dans un endroit bardé de caméras et pour autant, on n’a arrêté personne. On a envoyé les équipes municipales pour passer au noir les inscriptions et peut-être va-t-on les effacer pour de bon. Comme vous voyez, il y a une contradiction entre prétendre vouloir faire une surveillance particulièrement attentive et être incapable de l’exploiter, ce qui est autre chose.

JC, tout cela nous amène à quelle conclusion pour la ville de Reims et surtout pour ce logiciel Thalès qui est venu prendre les données de la ville quelque part ?

Ce logiciel présumé s’appeler Savari est arrêté par Thalès. En fait, il s’agit à mon avis non pas d’un logiciel achevé, mais de briques ou de morceaux de logiciel qui sont en cours de fabrication et quand Thalès aura un machin équivalent à celui des Israéliens, ils iront le vendre à droite et à gauche et ils ne s’en vanteront pas puisque c’est sans doute chez nous que ce sera utilisé en dernier.

Chez nous, il y a cependant un domaine qui va servir d’alibi pour une escalade dans la disparition de la vie privée et la surveillance généralisée, c’est l’affaire des Jeux olympiques. Pour 2024, il faut que l’on soit capable de tout surveiller, de pouvoir surveiller des foules considérables, etc., et là aussi, l’on prétend que le balayage des images de façon automatique nous renseignera. Évidemment, a posteriori, il est probable s’il se passe quelque chose de désagréable que ce balayage soit efficace, mais en termes de prévention, je demande à voir, ou plutôt je doute que l’on puisse voir. La ville de Reims a essayé d’avoir un logiciel lui permettant de traiter vite les réquisitions policières, Thalès a fait semblant, à mon avis, en ayant un tout autre objectif. Ceci souligne qu’il n’y a pas d’intelligence artificielle qui remplace une politique ou qui permette de pallier l’inefficacité d’une politique globale.

Mais JC, lorsque vous nous parlez de la France et de Paris 2024, même si l’on s’éloigne un peu plus de la ville de Reims, cela veut dire qu’on est encore loin en France d’avoir un système de vidéosurveillance aussi poussé que celui de la Chine que vous nous expliquiez il y a quelques minutes ?

Oui, on en est encore loin et heureusement parce qu’il faut aussi savoir ce que l’on veut comme type de société. Si c’est une société où il n’y a aucune vie privée possible, où tout ce que fait chaque individu est disponible pour le pouvoir, lequel surveille, distribue des points de bonne conduite qui se terminent en jours de congés, en facilités, en prime de billet d’avion pour les vacances, en droit de prendre des vacances, etc., le système chinois est parfait. Si c’est le genre de société que nous voulons, il faut absolument se dépêcher de leur demander ou de les imiter. Si ce n’est pas tout à fait ce que nous voulons, il faut réfléchir un peu plus à ce que l’on veut mettre en place.

Merci, JC, de nous avoir éclairés. Il y aura certainement plus d’informations sur votre blog jhmcohen.com. Puis, comme on l’a vu avec vous ces dernières semaines, la domotique, quelles que soient les raisons, ce n’est pas toujours bon, le progrès, il faut des fois un peu le freiner, Professeur.

Ce n’est pas le progrès. Les techniques comme d’habitude n’ont pas de sens en elles-mêmes, c’est la façon dont on s’en sert. En revanche, il faut être au courant de leur potentiel parce que c’est quand on ne le sait pas que certains s’en servent de façon tout à fait désagréable.

Le message est passé sur l’antenne de RCF. À bientôt JC !

À bientôt !

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