Chronique d’actualité enregistrée sur RCF Reims mercredi 25 mars : http://rcf.fr/actualite/pollution-aux-particules-fines
AV: Chronique d’actualité, bonjour Jacques, nous allons nous intéresser à la pollution. On en a beaucoup parlé la semaine dernière avec la mesure de la circulation alternée à Paris, plaques impaires, plaques paires, mais Jacques est-ce que ce genre de mesure est utile. La question : est-ce que c’est l’automobile qui est responsable de cette pollution de l’air ?
D’abord, je crois qu’il ne faut pas regarder seulement les pics. Il faut regarder la pollution comme un phénomène général, et agir sur ce qui fait le fond de la pollution. Parce que les pics, ce n’est que le petit bout de la lorgnette. Le fond de pollution, dans les activités humaines, c’est de brûler de 36 façons des carburants fossiles. Si en terme de réchauffement climatique on dit que le CO2 est le paramètre principal, il faut agir en conséquence. Pendant un certain temps on a beaucoup insisté sur l’ozone qui est un irritant respiratoire. Mais l’ozone c’est aussi quelque chose qui est produit par toute biomasse. Il y a beaucoup d’ozone en Amazonie etc. Donc maintenant on parle des particules fines, ce n’est d’ailleurs peut-être pas innocent d’avoir choisi ce paramètre, d’avoir mis ce paramètre en vitrine, qui se rapporte au diesel.
Il faut se rendre compte qu’il faut regarder l’ensemble des paramètres et chaque carburant a forcément des avantages et des inconvénients pour tel ou tel paramètre. Le diesel donne des particules fines, beaucoup moins dans les voitures avec les pots catalyseurs et les combustions actuelles que dans les installations de chauffage. Mais le diesel est le carburant qui a la meilleure énergie massique. C’est-à-dire qu’avec un gramme de diesel, vous allez plus loin qu’avec un gramme de gaz par exemple. Donc en terme de CO2 il est bon. Et en particules il est mauvais.
Plutôt que de chercher le premier de la classe, ou le dernier de la classe, ou celui qui va être mis au coin, ou celui qui va être puni, il faut regarder plus globalement quelles sont les solutions qui permettent, soit de diminuer à la source, soit de capter et donc d’annuler les pollutions correspondantes. On a par exemple pour les voitures de très gros progrès en diesel sur les systèmes d’injection à très haute pression puis sur les pots catalytiques.
On a des projets pour capter le CO2 et l’utiliser à autre chose, ou l’enfouir. Ce qui est ennuyeux, c’est que la crise économique a mis par terre beaucoup de choses. Il y a eu des droits de pollution c’est-à-dire qu’on a transformé en monnaie les droits de pollution en CO2. Sauf qu’avant la crise économique, les gens qui en consommaient beaucoup essayaient d’acheter les droits de pollution de ceux qui en consommaient moins etc., mais avec la crise tout ça s’est effondré. Les droits de pollution ne valent plus grand-chose. Et donc le projet Ulcos par exemple, qui prévoyait dans les aciéries lorraines de faire un test d’enfouissement, est allé à la casse. Certes, ce projet était doublement spéculatif: il était spéculatif sur les droits de pollution, c’est pour cela qu’il est allé à la casse. Il était spéculatif sur l’état de la technique parce que sans rentrer dans les détails, le CO2 des hauts fourneaux c’est celui qui sera le plus difficile à éliminer, non seulement pour sa quantité, mais pour les autres produits qui lui sont associés. Un essai grandeur réelle, une montée en échelle depuis les installations de laboratoire jusqu’à quelque chose qui soit une réalité, ce serait de prendre une petite centrale thermique au charbon. Mais ce sont des choses qu’il faut faire maintenant, malgré l’absence d’incitation par les spéculations possibles sur les droits de CO2, puisque la crise a réduit cela à pas grand-chose. Donc ça c’est un sujet important de pouvoir se débarrasser du CO2 qu’on produit. Parce que finalement le CO2 est le seul élément qui contribue significativement au réchauffement.
Donc il faut des mesures structurelles pour cette pollution. Mais on se souvient un an en arrière il y avait déjà eu un pic comme ça, il faut regarder du côté de l’agriculture il y a un lien quand même ?
L’agriculture et tous les épandages azotés représentent plus de la moitié largement. Dans notre région, c’est bien plus. Si on élimine ce qui est importé, parce qu’une grande partie de la pollution est importée d’Allemagne en cas de marais barométrique. Si on l’élimine, c’est bien l’agriculture qui est très largement en tête.
Que faire donc: d’une part l’agriculture de précision va employer moins d’intrants, d’autre part on peut travailler encore à les distribuer de façon qu’il s’en évapore moins qu’actuellement. C’est certainement là où les plus gros progrès sont possibles. Le chauffage urbain également. Parce que ce n’est pas tellement dans les chauffages que dans les lieux qu’on chauffe. Les lieux mieux isolés permettent de chauffer moins. Sur le rendement des chauffages lui même on peut encore gagner quelque chose. Mais ce n’est pas aussi spectaculaire que le simple fait de ne plus chauffer un machin qui est ouvert à tout vent. Donc ça, ce sont des éléments structurels. Ensuite, il y a les progrès sur les gros diesels parce que les moteurs de camions sont peut-être de l’ordre d’une douzaine ou d’une quinzaine de voitures comme niveau de pollution. Et ça ça fait des mesures structurelles importantes.
Ce sur quoi on se focalise à chaque pic, c’est-à-dire une voiture qui a un pot d’échappement qui fume, ça ne représente pas quelque chose de significatif quand on le rapporte à l’ensemble de la pollution. Et même dans les pics, c’est loin d’être l’élément essentiel.
En revanche aussi en matière de voiture, il y a le développement de flottes électriques en ville et d’abord de camions de livraison. Parce que les camions rentrent en ville et qu’ils devraient pas. Donc des camions de livraison électriques, ce qui a existé autrefois d’ailleurs et qu’il faudrait reprendre. C’est déjà un élément important qui devrait être encouragé.
Puis les véhicules électriques pour particuliers. Mais pour l’instant les batteries ne permettent pas de faire des véhicules électriques à tout faire. Donc il faut des flottes dédiées pour des activités intra-urbaines, y compris individuelles. On peut l’envisager, mais ça ne sera pas dans le schéma ou dans le modèle économique de la voiture appartenant à un particulier qui s’en sert en ville pour aller au boulot, et qui va sur la côte avec quand il veut partir en week-end. Ce n’est pas la même chose. Donc là il faudra probablement prévoir non seulement des véhicules, mais des modèles économiques qui soient spécifiques.
On pense aux véhicules hybrides quand même qui offrent un compromis aujourd’hui ?
Alors les hybrides ça dépend, parce que les meilleurs diesels marchent mieux que les hybrides. Cela peut paraître provoquant mais c’est comme ça. C’est d’ailleurs pour ça que les constructeurs français ont pris du retard en hybrides, parce qu’ils pensaient qu’ils amélioreraient la source primaire, et qu’ils n’auraient pas besoin de faire d’hybrides. L’hybride, il a l’avantage de l’image, du marketing, d’avoir de l’électrique mais sa partie moteur est généralement très travaillée. Elle ne fonctionne pas sur le même cycle que les autres moteurs thermiques….[suite des explications dans une autre chronique !!]