USA: Les électeurs ont préféré « clown » Trump à « Croock » Clinton….

CHRONIQUE DU 9 novembre 2016

Sur les ondes RCF: https://rcf.fr/embed/1417131

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On reparle de l’élection américaine avec Donald Trump, donc qui l’a emporté. On va s’intéresser un petit peu et essayer de « décortiquer ». Il l’emporte parce qu’il a la majorité des grands électeurs.

Parce qu’il a la majorité des grands électeurs, mais probablement il n’aura pas la majorité des électeurs tout court. Avec un écart en la matière, qui va être un évènement, une première, parce que c’est déjà arrivé : Al Gore a perdu contre G Bush avec un peu plus d’électeurs, mais tout cela restait dans un mouchoir.

Là, on va avoir un très gros écart, c’est-à-dire qu’il va avoir cinquante grands électeurs d’avance et qu’à l’inverse, il est probable qu’il aura 200 000 électeurs tout court de retard.

Cela indique aussi, une inadéquation du système électoral américain.  Mais de toute façon, la première et principale leçon, c’est la percée de la vague populiste qu’il représente.

Et là où les démocrates ont failli dans des états qui sont réputés pro-démocrates et qui, là, sont passés républicains.

Oui, je crois que les électeurs ne se sont pas comportés comme l’attendaient les politiciens et les spécialistes de sciences politiques en tout genre, qui avaient des prévisions minutieuses, qui avaient des tactiques de suivis de la population, qui comme tous les sondages permettent de prévoir ce qu’il s’est déjà passé, mais ne donne rien vis-à-vis d’un évènement nouveau.

Donc, Donald Trump arrive. Est-ce que, alors Hillary Clinton l’a appelé en reconnaissant sa défaite, cela n’est pas fait de manière « publique » encore, elle va le faire ?

Non dans le système américain, s’il annonce un coup de fil, c’est fini. Puisqu’elle s’est exprimée et qu’elle ne pourra pas dire qu’elle n’a pas dit, etc. On n’est pas dans un système européen où les choses qui ne sont pas sur la place publique ne comptent pas : là c’est fait.

Elle a probablement eu le réflexe initial d’envisager de contester, et de gagner éventuellement sur le tapis vert, mais dans le système américain et compte tenu des comtés litigieux, il n’y avait pas de quoi faire. Ce n’est pas la situation de la Floride qui était à « un cheveu » entre Al Gore et Bush.

Donc, effectivement, elle a reconnu sa défaite parce que de toute façon elle n’avait pas le choix.

Ensuite, Donald Trump a fait un discours initial que l’on pourrait qualifier d’irréprochable. Rappelant qu’elle a agi pendant de nombreuses années, Hillary, comme il l’a appelé directement, pour le bien public. Expliquant qu’il doit rassembler tout le monde, que l’Amérique sera grande et qu’il va faire des programmes de restauration des infrastructures, donc des programmes de grands travaux, etc., etc. Et qu’à l’international, il veut la paix, sous-entendu « ce n’est pas ce que faisaient les précédents ». Donc tout cela c’est plein de bonnes intentions, y compris en courtoisie et ainsi de suite.

Après, si j’ose dire « chassez le naturel, il revient au galop ». Il est assez peu probable qu’il ne fasse pas un dérapage de temps en temps, puisque c’est sa nature et comme la grenouille et le scorpion d’Orson Welles « Because it’s my character ». Et le point le plus délicat, c’est que les républicains gardent Sénat et Chambre. Et l’on pourrait croire, puisque c’est en rouge sur les cartes, que c’est pareil que le président. Mais le président il n’est nulle part. L’appareil républicain ne l’a pas soutenu, pas du tout.

Il est tout à fait en dehors du jeu. L’ancien président Bush, est allé voter en disant clairement : « je laisse le haut de la page en blanc », c’est-à-dire « je ne vote pas Trump et je vote pour tous les autres scrutins prévus ».

Les républicains lui ont glissé pas mal « de peaux de bananes ». Et donc en fait il a des Chambres monocolores, mais qui ne lui sont pas acquises. Donc il aura tout autant à négocier avec eux, qu’il aurait eu à négocier avec un Sénat démocrate ce qui était caressé par les démocrates, et une Chambre restant républicaine, ce qu’elle est de toute éternité.

Donc de ce point de vue-là, on va voir ceux qu’il choisit comme secrétaires d’État. Je ne serait pas étonné qu’il prenne un ou deux secrétaires d’État significatifs chez les démocrates.

Sachant qu’en France, on a dressé plusieurs portraits de lui, mais on s’aperçoit, peut-être aujourd’hui, certains l’avaient annoncé, qu’il est malin.

Par définition, si je puis dire, seul le résultat compte en la matière. Il y est arrivé donc, il est malin ! Y compris en faisant un certain nombre de choses qui étaient dangereuses pour lui, mais il y est arrivé.

D’autre part, il est dans les affaires, il a réussi à passer à travers les « gouttes » d’affaires douteuses, et donc, il sera probablement assez réaliste. Mais il y a le problème de sa nature, et donc de temps en temps, il peut faire des grosses bêtises.

Ensuite, le président aux États-Unis n’a pas tant de pouvoir que cela. Le seul secteur où il est totalement libre, ce sont les affaires étrangères et l’armée. Alors vous allez me dire, « c’est important ». Seulement cela n’a pas été le cas depuis l’éternité. Cela n’a été le cas que quand le président fait ce que tout le monde souhaite. S’il commence à faire des choses qu’une bonne partie de la population n’envisage pas ou n’apprécie pas, il faut compter sur le Sénat et la chambre pour se réveiller, surtout sur le Sénat, pour lui rappeler que c’est une coutume, mais que du point de vue du droit américain, le Sénat peut lui attirer de grosses difficultés à faire tout cela.

Le fameux contre-pouvoir : « check and balances ».

Absolument, et donc y compris sur les domaines dits « régaliens », le Sénat a les moyens de l’étrangler. Le Sénat est capable de bloquer le moindre litre de kérosène des avions de chasse. Et donc ils peuvent très bien dire…

Il vote tous les budgets, il prélève l’impôt, il fait…

Donc, ils peuvent très bien lui dire « Tu veux faire la guerre (par exemple, je ne sais pas) contre les îles Fidji, nous, on ne veut pas, donc tu n’auras pas d’essence », quelque chose comme cela, pour schématiser.

« Commander in Chief », mais il a besoin de l’aval quand même du Congrès ?

Autrefois, pour déclarer n’importe quelle guerre, de nos jours avec les guerres non déclarées c’est un petit peu différent, mais le Sénat peut le rattraper. Donc, il y a certainement une inflexion politique de recentrage et de relance internes aux États-Unis. Certainement une inflexion, également, dans des politiques moins agressives. Il doit considérer que les politiques de « containment » de la Russie, sont suffisantes et que l’on en rajoute plus que ce qui est nécessaire pour tenir le pays en respect et que cela coûte cher. Pour le reste, un point crucial aussi, on ne sait pas exactement, s’il va maintenir la politique de « containment » vis-à-vis de la Chine, au même niveau, la relâcher ou l’accentuer. J’aurais tendance à penser qu’il va l’accentuer, mais c’est purement météorologique. Et aujourd’hui on voit bien que la météo politique, c’est une science dont il faut se méfier.

Alors, vous avez évoqué son discours, on l’a regardé ensemble et en VO on précise, il a quand même beaucoup parlé d’économie, de l’emploi, la croissance, « je veux doubler la croissance », c’est quand même des…

Et il a parlé des grands travaux…

Les grands travaux ! Surprenant !

Il a parlé des infrastructures. Non ce n’est pas si surprenant que cela ! Un des points où l’opinion publique américaine est très sensible, c’est de se rendre compte du vieillissement et de la dégradation des infrastructures publiques. N’oubliez pas que les États-Unis sont incapables de passer au 220 volts parce que leur réseau électrique est tellement « pourri » que le 220 volts tuerait du monde. Tandis que le 110 volt on peut encore prendre « une châtaigne » si je puis dire, sans trop de catastrophes.

Et tout est à l’avenant, les ponts, je crois que les États-Unis n’ont pas construit un seul des grands ponts modernes alors que ce sont des équipes européennes, Anglaises, Françaises ou Scandinaves, qui les construisent un peu partout. Donc là-dessus, l’opinion est quand même sensible au vieillissement de toutes les infrastructures, de voir leurs trains régionaux, l’équivalent du RER généralement pourris, alors que le nôtre n’est quand même pas flambant, mais c’est mieux qu’eux, quand on compare.

Et donc, d’autre part, il y a dans l’inconscient Américain justement, des blancs qui ont votés pour lui, le souvenir, paradoxalement, de FD Roosevelt. Le souvenir des barrages dans les Appalaches comme grands travaux pour avoir de l’électricité et relancer l’économie et donner des bases industrielles. Et c’est là-dessus qu’il surfe et je crois qu’il est sincère là-dessus. Qu’il puisse le faire, c’est une autre affaire ! Mais je crois qu’il est sincère sur le fait d’avoir ce choix de relance non pas en relance monétaire, ce qui est déjà le cas et ce qui ne marche pas du tout, mais de tenter une relance par les grands travaux. Donc cela, ce sera intéressant à voir comme résultat, si jamais il essaye vraiment.

Jacques, il nous reste une petite minute, on peut noter que l’on a parlé beaucoup du vote communautaire, que les Hispaniques n’ont pas forcément voté autant Clinton notamment. On remarque beaucoup de choses, n’est-ce pas ?

Je crois surtout que l’appareil démocrate a montré son aveuglement en choisissant la pire candidate, qui était certes la meilleure dans l’appareil démocrate, mais qui était honnie dans l’opinion qui la considère, comme le slogan de Trump, comme une escroc. Parce que Bill et elle ont une longue tradition d’affairisme, et de ce point de vue-là, c’était quand même un sérieux handicap pour paraître la candidate des déshérités, et pour prétendre faire quelque chose de nouveau alors qu’elle était dans le circuit depuis 30 ans.

Merci, Jacques, on aura l’occasion d’y revenir ou en tout cas d’y faire allusion, parce qu’on a le sentiment que ce qui s’est passé aux États-Unis va nous concerner dans les prochains mois, tout du moins un petit peu coté réflexion.

L’irruption populiste qui a eu lieu là-bas est un risque un peu partout, y compris chez nous. Et c’est quelque chose qu’il nous rappelle.

Enfin comme conclusion, je voudrais rappeler une phrase d’A CAMUS qui commentait son « Caligula » : « La politique donne sa chance à l’impossible ».

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