CHRONIQUE DU 16 novembre 2016
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Alors aujourd’hui nous avons décidé de parler d’Emmanuel Macron, il s’est déclaré. Est-ce que c’est sérieux ? Question toute simple Jacques!
Eh bien, je crois qu’il y a deux Emmanuel Macron, ou que Macron a des lunettes à double foyer. Il y a un Macron politicien, réaliste malgré les apparences, dont les buts ne sont pas les buts immédiats qu’il affiche. Et il y a un Macron mystique qui est un peu, j’allais dire, un de Gaulle en culotte courte. Qui annonce qu’il n’est pas là pour la gauche ou pour la droite, mais pour la France, et qui a, en quelque sorte, une mission divine. Mais voyons d’abord quel est le calcul du « Macron » politicien réaliste.
Il pense que les échéances importantes pour lui seront en 2022, et éventuellement dans d’autres élections auparavant, s’il y en a. Il pense aussi qu’il faut un parti, qu’un parti cela se finance. Et que les finances sont assurées par les pouvoirs publics maintenant, au nombre d’électeurs dans les élections. Et que donc il faut avoir des voix, à la présidentielle éventuellement, mais surtout lors des législatives. Et que pour cela, il a aussi besoin d’un noyau militant qui croit en lui. Donc comme on ne peut pas faire croire à un noyau militant que les échéances seront dans des années, il faut se battre hic et nunc.
Au point de vue tactique, il se présente maintenant pour gêner Juppé évidemment, pour peser dans la primaire de la droite. Il prend un gros risque parce qu’il pèse en même temps dans celle de la gauche. Il pèse sur la future primaire à gauche, par sa candidature indépendante, extérieure et anticipée. Il favorise paradoxalement plutôt Valls, qui va pouvoir prendre les habits de l’unité, si le président ne se présente pas. Si le président se présente, évidemment, c’est lui qui sera gagnant après quelques péripéties. Et je pense qu’Emmanuel Macron sera obligé de se rallier dans un second temps, car il n’aura plus d’espace. En revanche, si c’est Valls comme candidat du PS, et Macron à côté. Alors qu’ils courent tous les deux, si j’ose dire, dans la même catégorie des réformistes de gauche, Macron aura fait un assez mauvais calcul. Son souci est que ce dont il aurait besoin, si j’ose dire, si François Hollande n’est pas candidat, c’est d’avoir Montebourg candidat du PS. Dans cette hypothèse, les chances de succès restent minces, mais les chances d’enracinement sont élevées.
Alors à l’inverse, il a aussi une attitude quasiment messianique, où il peut penser à ce moment-là, que d’avoir la gauche, la droite, l’extrême gauche, l’extrême droite, contre lui, d’être seul contre tous, n’a aucune importance s’il a un seul électeur, c’est-à-dire Dieu. Et c’est un peu le thème du cantique de David, le psaume 68, qui a été repris pendant longtemps par les protestants comme chant de guerre, puisqu’il dit que si la face de Dieu paraît, les ennemis épouvantés s’enfuiront.
[ diffusion d’un Extrait du chant à 3:48 du podcast rcf ( lien supra )…].
Donc ça, c’était le psaume des batailles.
Le psaume des batailles que les protestants entonnaient sur le champ de bataille, avant les combats en mettant un genou à terre, et qui fait partie des nombreuses variantes du « Gott mit Uns ».
Le problème étant qu’il est difficile de savoir à l’avance pour qui vote Dieu. Certes les instituts de sondage ont sûrement une réponse, parce qu’ils ont toujours une réponse, mais c’est quand même difficile à prédire pour un mécréant comme moi. j’aurai même plutôt tendance à penser qu’il va s’abstenir.
Donc on a vu Macron politicien, et là on est en train de voir un Emmanuel Macron qui se croit chargé d’une mission, j’allais dire « divine », mais ce n’est pas forcément le mot adéquat, en tout cas lui, il y croit !
Absolument, il est enthousiaste au sens étymologique du terme, c’est-à-dire inspiré par les Dieux. Et il y a un impact indiscutable dans l’opinion. Et pour une certaine frange la possibilité de la constitution d’un noyau militant de façon tout à fait sérieuse. Ensuite, bien évidemment, l’enthousiasme cela ne dure qu’un moment, comme toutes les prophéties, quand les gens se mettent à prophétiser. Et puis, il va falloir donc retomber ou revenir sur terre, et revenir aux difficultés pratiques. Mais, si j’ose dire, avec la foi rien n’est impossible.
Mais il a des idées Emmanuel Macron quand même, parce que, en politique il faut avoir des idées, on a l’impression, si on demande au public, aux gens, quel est le programme d’Emmanuel Macron, on ne sait pas vraiment quoi répondre…
Alors, il faut faire une grande distinction entre les idées et le programme. Les idées d’Emmanuel Macron sont intéressantes et importantes. Et je pense personnellement utile qu’elles soient largement sur la place publique pour éviter d’avoir un débat biaisé entre les caricatures du café du commerce. Aux tables de droite, comme celle de Fillon, on explique que « faut qu’on ; y-a-qu’à » économiser 100 milliards et virer 3 millions de fonctionnaires , et à celles de l’extrême gauche, on explique qu’avec un revenu universel et en faisant payer les riches, on s’en sortira aussi bien. Cela, c’est complètement à éviter.
Et, il est bien que des idées novatrices, des pistes soient explorées pour une gauche réformiste ou pour des choses plus larges éventuellement. Mais, il y a une distinction entre les idées et le programme.
En termes de programme, Emmanuel Macron a annoncé quelques mesures la semaine dernière, qui pour la plupart, étaient assez mal ajustées. Mais signe peut-être divin, c’est tombé au moment des élections américaines et personne n’a relevé. Et bien peu seraient capables de réciter les 8 premières propositions qu’il a faites et dont 6 posent des soucis. Donc, il va être confronté à la difficulté qu’il y a de passer d’idées et de principes généraux, à des propositions concrètes qui puissent devenir des lois et que l’opinion comprenne. Cela, c’est effectivement un défi auquel il va être rapidement confronté, parce que, sinon, il risque de revenir ou de rester au niveau des autres concurrents, en dehors de François Hollande qui lui a « l’expérience du pouvoir » et un bilan. Mais comme les autres, il risque de revenir à une situation de café du commerce, c’est-à-dire de propos vagues, et avec l’énorme problème que les Français ne croient plus du tout aux propos vagues, quel que soit celui qui les profère.
Merci Jacques, et je crois que l’on va pouvoir retrouver le cantique, le psaume des batailles que l’on a entendu, sur votre blog?
Ah certainement ! Il sera en ligne, en lien de cette chronique, quand elle sera transcrite et qu’elle sera en ligne sur mon blog. Et cette fois-ci, il sera in extenso et en version à deux voix, qui sera plus intéressante musicalement, sur un arrangement, si j’ai bonne mémoire, de Claude Goudimel, qui vécut au XVIe siècle. Et qui d’ailleurs, fut l’une des victimes de la Saint-Barthélemy.
Psaume des batailles Psaume 68 à deux voix
Psaume des Batailles : « Que Dieu se montre seulement ! »
et à l’orgue par Michel Chapuis avec choeur: https://www.youtube.com/watch?v=hY6oPLdH4rg
Psaume de David. Cantique.
Psaume LXVIII :
Que Dieu se monstre seulement
1 Que Dieu se monstre seulement
2 Et on verra soudainement
3 Abandonner la place
4 Le camp des ennemis espars
5 Et ses haineux de toutes parts
6 Fuir devant sa face.
7 Dieu les fera tous s’enfuir
8 Ainsi qu’on voit s’esvanouir
9 Un amas de fumée
10 Comme la cire auprès du feu
11 Ainsi des meschans devant Dieu
12 La force est consumée.
Texte Théodore de BEZE Mélodie Matthias GREITER, Strasbourg, 1525.
Psaume des batailles Psaume 68 à deux voix
( Arrangement de Claude Goudimel né en 1510 et mort à Lyon en 1572 lors de la Saint Barthélémy ).
http://www.museedudesert.com/article5673.html