L’Arabie Saoudite et le Qatar : Le bossu et le chameau

Chronique du mercredi 7 juin 2017

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Chronique d’actualité avec Jacques Cohen, bonjour Jacques !

Bonjour.

AV: On va s’intéresser à l’actualité diplomatique de ces derniers jours avec, notamment, plusieurs pays du Golfe qui ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, sous l’égide, de l’Arabie Saoudite qui est là en patron et en leader finalement de cette décision.

Absolument, c’est l’Arabie Saoudite qui a rameuté la plupart des pays du Golfe et l’Égypte contre le Qatar : le Bahreïn, les Émirats arabes unis. Mais par exemple, le Koweït reste silencieux.

golfe 1

Et derrière, il y a les États-Unis qui ont un rôle, mais pas forcément prépondérant. Est-ce que, finalement, Donald Trump là-dedans, ne se fait pas, un petit peu, manipuler ?

La saga qui est vendue dans la presse occidentale par la Maison Blanche, c’est que l’Arabie Saoudite a décidé de renoncer au le terrorisme et même d’en finir  avec lui, tandis que le Qatar n’aurait pas totalement obtempéré. Donc, on lance un blocus qui est tout à fait majeur. C’est quasiment un casus belli puisqu’il s’agit d’un blocus terrestre et aérien, interdiction de pénétrer dans l’espace aérien des autres pays. Mais en fait, cette saga qui est arrosée par de gros achats de matériel militaire de l’Arabie Saoudite aux États-Unis, cette saga ne tient pas très bien et va, finalement, contre les intérêts mêmes des États-Unis.

La question du terrorisme, tout d’abord. Tous ces pays ont soutenu des organisations terroristes et continuent à en avoir dans la manche en cas de besoin. Bien évidemment, ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont soutenues au même moment par les uns ou par les autres. Mais le terrorisme ou les organisations terroristes ne sont qu’un des éléments des stratégies de ces différents pays au Moyen-Orient.

Le point clé, c’est la question de l’Iran. L’Arabie Saoudite a lancé une guerre conventionnelle majeure pour reprendre l’intégralité du Yémen à une rébellion qui est d’inspiration houthiste et qui est soutenue par Téhéran. Cette offensive de grand style a échoué, on se retrouve dans une situation que l’on a connue pour beaucoup d’autres pays, où une armée conventionnelle ne vient pas à bout d’une population. De ce point de vue, le Qatar s’est retiré de cette coalition alors que d’autres pays du Golfe ont traîné, plus ou moins, discrètement, les pieds après une première phase enthousiaste. Mais le Qatar est quasiment en vitrine comme mauvais élève et de ce point de vue, c’est une réaction, j’allais dire, colérique de l’Arabie Saoudite : « vous allez continuer à nous suivre tous jusqu’à l’extermination des Yéménites ».

Les Yéménites sont soutenus, du moins cette faction rebelle yéménite chiite, est soutenue par l’Iran. Le Qatar, ainsi que d’autres pays du Golfe mezzo voce, est partisan d’un modus vivendi avec l’Iran donc, d’une situation de guerre froide, mais beaucoup moins aiguë que précédemment, ce qui permettrait, d’ailleurs, d’exploiter certains champs pétroliers sans trop de danger. Alors que, si les choses sont toujours à deux doigts de se réveiller ou de se réchauffer, c’est un peu plus difficile.

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Il y a, en plus, dans la région, énormément d’armes, d’abord parce que tout le monde en achète aux uns et aux autres. Ensuite, il y a des bases américaines et même françaises, dont une base aérienne aux Émirats arabes unis. Nous avons une académie militaire au Qatar, il y a des bases américaines bien plus importantes évidemment, qui pourraient se retrouver en plein milieu d’un règlement de comptes que l’on pourrait dire entre tribus bédouines comme dans les siècles passés.

Du point de vue des américains, voir un éclatement de la coalition, qui jusqu’à présent, a eu des positions relativement homogènes vis-à-vis de l’Iran et au sujet de l’Irak, serait une très mauvaise chose. Est-ce que le Qatar peut résister longtemps à cette pression ? Le Qatar, c’est tout petit, mais avec beaucoup d’argent. C’est un petit peu comme si la France lançait une épreuve de force avec la Suisse. Le résultat n’est pas absolument garanti.

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Personne n’a d’intérêt à ce que la situation s’envenime quelque part, mais est-ce que les pays voient finalement la paix comme solution ? Finalement, on n’a pas le sentiment.

Alors, c’est effectivement un problème. C’est que l’épreuve de force en elle-même et son risque de conflit majeur n’a aucune raison d’être. Mais ce n’est, malheureusement, pas parce que l’intérêt final des uns et des autres est de ne pas faire la guerre que les guerres ne se déclenchent pas. Il y a donc, un danger d’autant plus que l’Arabie Saoudite lance cette opération en plein Ramadan, ce qui d’emblée, fait monter les enchères puisque c’est un mois normalement, qui devrait du point de vue religieux, être consacré à la réflexion intérieure et ainsi de suite. Faire monter les enchères en plein Ramadan veut dire que, soit, c’est très important ou soit, c’est très urgent. De ce point de vue, cela inquiète tout le monde dans la région.

Et la suite ? C’est une belle inconnue, non ?

La suite est inconnue. Dans un premier temps, le Qatar a commencé par dire qu’il n’était pas question qu’il se fasse mettre sous tutelle. Puis, ensuite, il commence à négocier. Je pense qu’il va essayer, aussi, de dissocier le front de ses adversaires parce qu’il en a les moyens financiers. Non seulement le silence du Koweït est évocateur, mais s’il dissociait les Émirats arabes unis de l’Arabie Saoudite, la situation serait très ennuyeuse pour le régime de Riad.

Dans l’autre sens, Riad est peut-être, tenté par la fuite en avant, comme tout pays qui est confronté à une guerre coloniale. Tout pays impérial qui est confronté à une guerre coloniale qu’il n’arrive pas à gagner et qui peut toujours penser que, comme toujours, c’est en mettant le paquet dans le dernier quart d’heure que l’on va gagner. Puis généralement, cela attire beaucoup plus d’ennuis, d’escalade en escalade.

Merci beaucoup Jacques ! Donc en résumé, les États-Unis, « la bénédiction » des États-Unis achetée par des achats des Saoudiens, chacun ses terroristes, cela ne bouge pas et puis, le point clé, c’est le Yémen avec ce conflit régional avec l’Iran qui s’affronte avec l’Arabie Saoudite.

On peut aussi se demander quel est le jeu de Donald Trump. Qui pourrait ici essayer de faire faire par d’autres ce que le pentagone ne le laisserait pas faire : casser l’accord avec l’Iran, rallumer le conflit du golfe, gênant la production pétrolière, et in fine rendant rentable le gaz de schiste US.

Et le titre de votre chronique ? Le bossu et le chameau d’où viennent il ?

D’un proverbe à la couleur locale qui remplace l’hôpital qui se moque de la charité. Ici le bossu qui se moque du chameau. Pour désigner la manipulation d’organisations terroristes par l’Arabie saoudite, le Quatar, et l’Iran. Chacun dénonçant ce jeu de la part des autres..

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