SMUR,SAMU, SDIS et régression vers les paramedics ?
JHM Cohen 20/07/2019
En dehors de la crise de l’accueil des urgences, qui le plus souvent n’en sont pas, une crise de la gestion des urgences vitales se profile également. Avec de mauvaises solutions, si on s’obstine à ne pas vouloir la voir arriver.
SMUR et SAMU, un succès européen
Il faut revenir aux années 70 pour voir se créer Smur et Samu comme réponse médicalisée aux urgences vitales, alors surtout traumatiques, principalement routières. Pendant un moment d’ailleurs, l’asymétrie de traitement des urgences traumatiques et médicales, laissera ces dernières à…Police-Secours !
Quelle fut la motivation de cette médicalisation des urgences vitales ? Apporter l’hôpital aux malades et non les malades à l’hôpital. En finir avec le « syndrome pinpon ». On désignait ainsi les accidentés ou les malades asphyxiques ramassés par un personnel sans compétence ni matériel, trimbalés au plus vite toutes sirènes deux tons hurlantes, vers les urgences, mourant de choc et d’hypoxie avant même d’y arriver. La doctrine inverse de conditionner les malades sur le lieu de l’accident et de ne les transporter que convenablement conditionnés, oxygénés et perfusés, sans risque également pour leur moelle épinière du fait de matelas coquille adaptés fut un succès éclatant par ses résultats. Des variantes nationales ont poussé en Allemagne vers de véritables blocs opératoires dans des semi-remorques, avant de revenir à des moyens d’intervention plus rapides. Tandis que les Samu français ont au contraire fini par faire plus d’interventions sur le terrain dont la mise en place de circulations extra-corporelles ( ecmo ).
Le modèle franco-allemand a connu deux soucis : i) les limites du conditionnement in situ pour des patients restant instables, qui peut conduire à une perte de temps par trop de gestes avant transport. ( affaire dite du pont de l’Alma). La difficulté de maintenir avec l’extension « de masse » des samu et smur le niveau d’excellence de premiers occupants des camions. Pourtant la plus-value des médecins sur les « para-medics » exige que les médecins ne soient pas dévalués par une formation insuffisante à la réanimation.
Un exemple de masse a contrario fut l’affaire russe de l’assaut contre la prise d’otage du théâtre Est Ouest à Moscou, où malgré l’antidote des gaz utilisé, l’absence de réanimation a tué 120 personnes sur 700 en les trimbalant en vrac dans des bus, sans assistance respiratoire minimale ni même canule de Mayo, ni… chauffage !
Pendant ce temps aux USA, le ramassage des blessés avec rush vers l’hôpital a pour l’essentiel continué, considérant outre le coût du système européen qu’il n’est pas nécessaire pour soigner un blessé d’être atteint par les balles de la fusillade suivante en restant sur le terrain…
Les sauveteurs para-médics, ayant ni droit ni compétence pour de véritables actes médicaux continuent à déposer les malades « tel-quels » dans les services d’urgence comme le montrent bien les séries TV et internet.
Chez nous, à la disparition de Police-Secours, ce sont les pompiers qui ont récupéré le ramassage des problèmes médicaux et chirurgicaux de second niveau. Ce qui leur crée deux problèmes : l’unité de leur métier devient une fiction. Peu de gens étant à la fois des athlètes de haut niveau pour lutte anti incendie, escalades, intervention en milieux dangereux, aussi bien que des assistants sociaux et des infirmiers !
La crise qui s’ouvre et les sature est que le dimensionnement des Samu n’a pas suivi l’extension des occasions médicales de s’en servir. Et que les pompiers ont une parfaite conscience que les soins intensifs et encore moins l’arrêt des réanimations n’est pas de leur compétence. Eux-mêmes également débordé par les broutilles qu’ils voudraient bien sous-traiter s’il y avait un partenaire suivant pour le ballon prisonnier.
La tentation des expédients est à la fois de créer des « para-medics » à la fois à partir de pompiers qui quitteraient leurs corps et d’infirmiers qui pourraient enfin revêtir le costume moral des cow-boys du Samu. Le tout bien sûr avec une baisse dramatique de niveau. Vers une médecine de cases à cocher et traitements « globaux » genre « one size fit all ». Malheur aux histoires complexes ou trompeuses et aux polypathologies que les « intelligences artificielles » sont bien en peine de comprendre…
Sur cette pente, nous reviendrions aux années 60 en démantelant les progrès et avantages du système européen de médicalisation. Pour en revenir au système américain qui en dehors de quelques îlots est un système du tiers-monde.
Pouvons nous encore réaliser des réformes de structures ?
Un corps unifié d’intervention sanitaire séparé de celui des pompiers, fusionné avec les SAMU comme second niveau semble souhaitable. Ses personnels seraient recrutés ou formés à un niveau équivalent à celui des ibode ( infirmières de bloc opératoire ) et des infirmiers de soins intensifs.. tandis que le niveau des urgentistes médecins en réanimation voire anesthésie de terrain serait amélioré.
Nous avons pu à la toute fin des 30 glorieuses de l’après-guerre en finir avec Police-Secours et les ambulanciers dont la compétence se limitait à une blouse blanche. Sommes nous encore capable d’une réforme radicale ?