Mayotte: l’opération de police, une des dernières chances gâchée.

Jacques HM Cohen le 28 4 2023

Sur les ondes de RCF: LIEN 

La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques COHEN avec nous par téléphone. Jacques bonjour.

Bonjour.

Et vous voulez nous emmener sur l’île de Mayotte, tension migratoire, c’est sur l’archipel Jacques. Si l’on fait une photographie, que se passe-t-il à Mayotte ?

Vous y emmener, j’en doute, parce que ce n’est pas très sûr de se promener à Mayotte ces temps-ci. Mais ce qui s’y passe, c’est tout à fait grave. Il y a une opération lancée par le Ministre de l’Intérieur de « décasage », c’est à dire de destruction d’un bidonville et d’expulsion de ses habitants immigrés illégaux. Il y a bien sûr une très large arrière-pensée politique : une politique de fermeté sur l’immigration comme exemple pour le territoire national métropolitain de ce qu’il se passe là-bas.

Or, il y a deux aspects. L’aspect de cette opération, d’une part, et l’aspect général de l’immigration à Mayotte qui est très différent de ce que l’on a en France et qui est quelque chose de beaucoup plus préoccupant, d’autant que Mayotte est un département français et donc il n’y a pas de sas, il n’y a pas de tampon. Il s’agit d’une situation particulière avec une généralisation d’accès légal entre Mayotte et la métropole, même si de fait, on a commencé à réduire certaines choses, comme le droit du sol pour les enfants des Comores qui viennent y naître.

mayotte voitures

Situation courante à Mayotte

Justement, quelles sont les particularités, Jacques COHEN, en quelques mots, que nos auditeurs comprennent bien le sujet ?

Il faut déjà se rendre compte de l’échelle du problème. Mayotte est une île des Comores, celle qui lors du référendum avait choisi de rester française quand les Comores sont devenues indépendantes. Il y a 4 grandes îles aux Comores. A partir de là, les autres Comores qui sont encore plus pauvres que Mayotte ont déversé leur population sur l’île française, laquelle est tenue à bout de bras financièrement par la métropole, bien évidemment, parce qu’elle n’a pas beaucoup de ressources propres, c’est le moins que l’on puisse dire et à part d’être une position stratégique au milieu du canal du Mozambique. Au point de vue échelle, il y a 300 à 400.000 mahorais français et il y a déjà au moins autant, voire un peu plus d’immigrés illégaux. C’est déjà quelque chose de spectaculaire.

Les Comores ont une attitude ambivalente classique qui est qu’elles aident au départ, mais qu’elles n’ont rien contre que leur population bénéficie de l’aide de la France, et qu’il est hors de question qu’elles restreignent leur immigration. On a essayé timidement un peu d’accords de développement avec les Comores. Les Comores au total, c’est 1.7 million d’habitants et ce n’est pas énorme, mais l’argent s’est évaporé comme d’habitude.

Il faut aussi voir que c’est un pays qui est maintenant sous influence islamique et où les pays du Golfe ont un pouvoir d’influence tout à fait considérable. On n’est pas allé négocier avec eux et c’est une grosse bêtise parce qu’on a dans cette histoire de Mayotte, finalement, pas tellement de choix. Ou on s’entend de gré et de force avec les Comoriens, c’est-à-dire avec leurs protecteurs, ou on laisse faire et à ce moment-là, si on laisse faire, c’est la situation actuelle. Ou bien l’opération de Darmanin, ou des choses équivalentes réussissent, ou bien il faudra remballer avec un épisode intermédiaire qui peut être calamiteux, qui est ce que je crains le plus, c’est-à-dire la guerre civile. Il faut bien se rendre compte que la population de Mayotte est plus qu’excédée par les bandes de jeunes immigrés agressives et là, il ne s’agit pas de lancer des cailloux. Tout le monde est armé de machettes. Ils tuent du monde. De temps en temps, ils mutilent à coup de machette, on coupe un bras sans aucun problème, etc. Ils détruisent les biens de Mahorais « installés », le tout dans un contexte assez curieux, si j’ose dire, d’une part d’extrême pauvreté généralisée, d’autre part, comme dans toute situation insulaire, de quelques situations privilégiées, voire quelques trafics et une population mahoraise qui demande à cor et à cri qu’on arrête l’immigration et surtout qu’on anéantisse les bandes armées, puisqu’il faut les appeler comme ça, parce que c’est la réalité et une incompréhension complète en France où l’on voit l’immigration mahoraise comme des boat people parce que ce sont des petits bateaux qui les amènent.

Mais il s’agit d’une situation inverse où le risque est de voir la prise de pouvoir de fait par les immigrés sous forme de bandes armées semant la terreur. Ce n’est pas du tout un changement de gouvernement, c’est un envahissement avec une pression des Comores pour récupérer l’île en disant que dans ce cas-là, pour que des citoyens français y restent, la République continuera à payer et ils pourront se partager le magot. Mais c’est tout à fait illusoire. Si on laisse faire, soit il faudra rembarquer, c’est à dire évacuer, soit la population locale se révoltant va mener une guerre civile qui sera tout aussi impitoyable que ces bandes de jeunes. Il suffit de regarder l’exemple de Haiti ou la population locale sous forme de comités de quartier, vient de brûler vifs une douzaine de voyous armés sur lesquels ils avaient mis la main. On voit d’ailleurs très bien aux déclarations, qui ont fait un tollé en France, d’un élu du coin disant « tant qu’on n’en aura pas abattu un, ces bandes croiront qu’elles resteront en impunité totale parce que les gendarmes ne tirent que des grenades lacrymogènes ». De toute façon, si on affronte un peu sérieusement ces bandes de jeunes, je pense effectivement que les grenades lacrymogènes ne suffiront pas. On a déjà eu en quelques jours la nécessité pour des forces de l’ordre de tirer en l’air pour se dégager. Si on continue, cela se passera de toute façon différemment. Le tollé et l’incompréhension sur les déclarations de cet élu montrent une méconnaissance complète de la situation locale.

Alors, l’opération de Darmanin, il y a des tas de gens en France qui sont ravis de le voir s’enrayer et rater avec le refus de reprendre, de débarquer les expulsés par les Comores, avec le Tribunal Administratif trouvant à redire à la destruction du bidonville. Mais il faut bien voir que cet échec d’une politique, j’allais dire naïve et de mouvement de menton, de force, n’implique pas que toute politique utilisant la force soit impossible à Mayotte. Si c’était le cas, il faudrait mettre la clé sous la porte, parce que force doit rester à la loi et les bandes armées qui sèment l’insécurité doivent être mises hors d’état de nuire. Sinon, comme je vous ai dit, on ne peut pas imaginer autre chose que deux solutions, s’en aller, ou la guerre civile où c’est la population du coin qui va faire le ménage, avec un massacre de la même façon qu’au Rwanda  ou au Zaire.

Jacques COHEN, là c’est pour le point de vue on va dire français, mais du point de vue du gouvernement des Comores, quelle est l’attitude ? Est-ce qu’il n’y a pas un double discours, là aussi ?

C’est un gouvernement malheureusement d’un pays pauvre, très peu représentatif, parce qu’il s’agit d’une oligarchie prébendière qui ramasse ce qu’ils peuvent prendre, qui est tombée sous l’influence des islamistes. Parce qu’il faut bien voir aussi qu’il y a une influence, un « soft power » islamiste dans la région qui n’est pas du tout sunnite, qui est wahhabite et que même à Mayotte même, les conseils municipaux ont beaucoup moins d’influence que l’imam du coin. On a maintenant une situation où on a accepté de fait que la société civile soit quadrillée par le réseau islamiste et aux Comores c’est pire. Donc ce gouvernement joue de façon classique pour tout un tas de régimes africains à engranger le plus possible pour quelques-uns et là aussi sans que la population n’ait réellement voix au chapitre. Nous pourrions très bien contribuer au développement des Comores avec une aide significative à condition de la gérer nous-même. Nous pourrions par exemple installer une grande maternité moderne à Moroni avec des personnels français. Le fait de donner l’argent au gouvernement du coin n’a strictement aucun intérêt. Il faudrait pour cela s’entendre avec leurs protecteurs d’Arabie Saoudite ou du Golfe, pour dire les choses clairement, parce que sinon c’est une opération coloniale vraie, c’est-à-dire de reprendre le contrôle des 3 îles qui elle, parait complètement hors de saison.

Quelle suite Jacques COHEN à donner à cette opération ? Qu’est-ce qu’il peut se passer dans les prochains jours ?

Là aussi, il y a plusieurs possibilités. Soit l’opération de Darmanin s’enraille complètement avec un échec politique et l’acceptation d’une insécurité majeure dans l’île et je l’ai dit dans ces cas-là, ce qu’il me paraît inéluctable, c’est la guerre civile. Les populations qui ont demandé à la République d’assurer leur sécurité et voyant qu’elle ne le fait pas, vont finir par décider d’aller faire le ménage elles-mêmes. Soit on s’entend avec les protecteurs des Comores « indépendantes ». Et on mène une opération de police, non pas tant centrée sur les bidonvilles que sur l’interpellation et l’expulsion ou l’incarcération en France métropolitaine des délinquants. Juridiquement, il suffit de poursuivre les atteintes aux personnes et aux biens impunies aujourd’hui, de rappeler l’interdiction des machettes et cocktails Molotov qui sont classés comme des armes de guerre. Avec hélas l’usage de la force nécessaire, et sans doute la destruction de bidonvilles « refuges » comme conséquence et non primum movens.

Et on aura sûrement l’occasion de vous retrouver sur l’antenne de RCF pour parler de cette situation et puis on donne aussi rendez-vous sur votre blog, jhmcohen.com. Il y a d’ailleurs quelques années vous aviez commencé à évoquer ce problème, Jacques COHEN. Vous aviez peut-être anticipé la situation ?

Et oui hélas, parce que j’avais dit « Mayotte, il est déjà trop tard » comme titre de l’article précédent.

Mayotte, il est déjà trop tard

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Donc c’est une situation totalement calamiteuse et qui peut parfaitement se terminer dans un bain de sang. Et je ne vois pas très bien, si nous n’organisons pas quelque chose de progressif pour intégrer et traiter le problème des 4 îles à la fois, ce que nous pourrons faire d’autre que de nous sauver quand cela sera incontrôlable.

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Un article d’ambiance de nov 2022. Noter la machette portée par un émeutier:

Mayotte tente de panser ses béantes plaies sociales avec l’appui du pouvoir de Paris

A très bientôt Professeur.

A bientôt.

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