Jacques HM COHEN le 5 mai 2023
Sur les ondes de RCF: LIEN
La chronique d’actualité avec le Professeur Jacques COHEN, avec nous, par téléphone. Jacques bonjour.
Bonjour
Le sujet dont vous voulez nous parler, aujourd’hui, est un petit peu drôle. Il le sera un peu moins lorsque l’on va développer davantage, mais vous voulez évoquer l’art du mensonge Jacques COHEN, c’est-à-dire ?
C’est-à-dire que les drones ukrainiens tombés autour du Kremlin permettent, sur leur revendication, de voir que l’art du mensonge ukrainien est exactement symétrique de celui des russes et qu’il est assez médiocre.

Voilà plus d’un siècle que le premier aéronef sans pilote (UAV : Unmanned Aerial Vehicle) décollait de la base militaire d’Avord. C’est en effet le 2 juillet 1917 que le français Max Boucher réussit le décollage d’un avion de type Voisin 150 HP sans pilote Le 14 septembre 1918, avec un Voisin BN3, il réalise un vol sans pilote de 100 kilomètres environ qui dure 51 minutes d’un circuit complexe. En1923, le vol est mixte préprogrammé et radio-piloté. Source https://www.studiosport.fr/guides/drones/qui-a-invente-le-premier-drone.html#:~:text=Une%20invention%20militaire,-Voil%C3%A0%20plus%20d&text=C’est%20en%20effet%20le,carburant%20pour%20poursuivre%20son%20vol%20! https://artillerie.asso.fr/basart/article.php3?id_article=1683
La technique la plus simple, c’est de dire ce sont les autres qui se le sont fait eux-mêmes. C’est déjà le cas pour le gazoduc Nord Stream, c’est à nouveau le cas pour ces drones. On peut comparer avec de bien meilleurs virtuoses en matière de mensonge, les Américains étant extrêmement entraînés à cela, parce que chez eux, un mensonge est le pire des délits, un mensonge éhonté. Alors que chez les russes et les ukrainiens, le mensonge éhonté ça ne tue pas, si je puis dire. C’est une tradition que l’on a appelée stalinienne, mais qui remonte probablement à plus loin. Aux Etats-Unis, un mensonge éhonté, ce n’est pas possible. Mais il est quand même possible de mentir, bien évidemment de façon beaucoup plus sophistiquée. Et il suffit de ne pas dire les choses en répondant à côté. Par exemple, si on demande aux américains s’ils étaient au courant de tel ou tel bombardement en territoire russe, « nous avons comme politique constante de ne pas encourager des attaques en territoire russe, qui sont contre productives ». Cela permet de ne pas répondre pour ne pas dire s’ils étaient au courant ou pas, etc. Les Israéliens ont eux une technique très simple, qui est de ne jamais commenter, « c’est nous, ce n’est pas nous, on n’a rien à vous dire là-dessus, on ne commente jamais ». Les ukrainiens ont essayé cela, mais l’ennui c’est qu’ils n’ont pas pu s’empêcher à chaque fois de rajouter quelques petites blagues du genre « et bien le Moskva, le croiseur russe, c’est un nouveau sous-marin dont vous parlez, on l’a peut-être aidé à plonger, on ne sait plus bien », etc. Donc une façon de ne pas revendiquer, tout en revendiquant. Qui peut aussi comporter un autre élément, qui est l’action des irréguliers, si on peut les appeler ainsi.
C’est-à-dire que le système ukrainien est polycentrique et que l’extrême droite à une politique assez autonome qui peut être utile au pouvoir central, ou qui peut, de temps en temps, le dépasser. Ou qui peut servir d’alibi au pouvoir central par rapport à ce que les Américains ou les européens ne voudraient pas. Alors, il faut tout de suite rappeler que cette extrême droite est quand même quelque chose de préoccupant depuis le début, à une échelle, au départ, bien moindre que ce que racontait Poutine, qui parlait de dénazification nécessaire, etc.
Il faut bien voir que la survie et la croissance de cette extrême droite est aidée par Poutine de deux façons. D’une part, en envahissant, parce que par définition les gens ne sont jamais contents qu’on leur tire dessus. Et qu’il y a une logique de radicalisation durant le conflit. D’autre part, même beaucoup plus précisément, il y avait plus de 2000 prisonniers du régiment Azov, donc un régiment de néonazis, le symbole de leur écusson est une croix gammée dont on a simplement tronqué deux branches. Il y avait 2000 prisonniers dans l’aciérie d’Azovstal à Marioupol et il en a rendu 1000 par des échanges. Constatez l’illogisme complet qu’il y a à dire qu’il avait 2000 prisonniers pro-nazis et que VV Poutine en a renvoyés 1000. Or, ceux-là lui sont très pratiques, comme vous allez le voir, parce qu’ils continuent à croître et à embellir, ils ont monté des opérations en territoire de la Fédération de Russie sous forme de quelques sabotages. Jusque-là cela paraît de bonne guerre en matière militaire. Mais sous forme d’incursion où les types tirent sur la première voiture qui passe et flinguent, si je puis dire, un papy qui conduisait les gamins à l’école et blesse un des gamins, c’est plus dur à justifier. Donc tout cela n’est pas très, j’allais dire ragoûtant, et le gouvernement ukrainien dément « non, non, on n’est pas au courant ». Alors quand même, qu’ils sont censés avoir un certain contrôle de leurs frontières dans cette région.
Le point le plus important, c’est que l’un des rescapés échangés d’Azovstal a donné une interview au Washington Post pour expliquer tout simplement ce qu’il envisageait au moment de la contre-offensive ukrainienne. Donc, au moment de la contre-offensive, il envisage tout simplement une opération raid en Russie pour prendre une petite ville. Pas une grosse, bien sûr, il sait que ce n’est pas possible, mais prendre une petite ville et prendre la population en otage, c’est ça le plus important. En prenant comme exemple, ce qui s’était passé durant la guerre de Tchétchénie. Alors cette tactique serait d’avoir 2000 à 3000 otages et de dire aux russes « et bien, vous ne pouvez pas nous bombarder puisqu’on a des civils ». Il est à craindre que la réaction russe soit de pulvériser tout le monde, sans faire de détails. Mais cela peut être une opération de diversion ou une opération politique astucieuse pour l’extrême droite, si l’offensive, la grande offensive ukrainienne, n’obtient pas de conquête très significative et montrer que, eux, ils peuvent avoir un impact politique, j’allais dire à moindre frais. Cela peut être coordonné, parce que s’il s’agit de faire quelque chose dans la région au nord de la ville de Troïtske en Ukraine, cela peut aussi être coordonné avec une offensive ukrainienne qui ne serait pas dans le sud où tout le monde l’attend, mais qui serait dans l’est à nouveau, et qui bénéficierait de cette rupture des voies de communication russes pour continuer une offensive vers l’est.
On a tout de même l’impression Jacques COHEN avec ce que vous nous présentez aujourd’hui pour parler de l’art du mensonge, qui est l’origine de votre chronique, qu’ensuite cela créé une escalade à tous les niveaux ? On a d’abord une escalade dans le mensonge, puis une escalade dans les actes, etc.
Oui, l’action et le verbe, comme vous le savez, se renforcent l’un l’autre et on peut avoir encore d’autres choses dans l’irréalisme, si on regarde, par exemple, l’attitude russe. A partir du moment où deux drones sont passés à travers les mailles du filet pour aller exploser à proximité du Kremlin, il est invraisemblable que la parade du 9 mai, celle de la victoire de 1945, soit maintenue pour lundi. C’est quand même un comportement extrêmement étonnant. Et bien plus que la parade, il y a un défilé des immortels, c’est à dire que tous les moscovites et dans beaucoup d’autres villes, c’est pareil, sortent l’après-midi de la parade, avec les portraits de leurs parents qui sont soit morts, soit qui ont fait la grande guerre, la seconde guerre mondiale et c’est un défilé à Moscou de 1,5 million de personnes. Il y en a plein les rues et donc faire tomber deux, trois machins qui soient venus de très loin ou qui soient tirés localement par des gens infiltrés, c’est un risque majeur en période de guerre où on ne fait pas de rassemblement majeur. Or, pour l’instant les russes n’ont pas annoncé le moindre changement de programme, le défilé du matin, la grande parade de l’après-midi. C’est un petit peu la même chose que les ukrainiens. C’est à dire, on nie le problème et puis après, on pourra toujours expliquer que c’est la faute des autres, si on n’a pris aucune précaution, parce qu’ils n’auraient pas dû, etc. Tout cela pouvant conduire à une escalade de représailles en Ukraine, comme vous pouvez bien l’imaginer. C’est ce que cherche l’extrême droite ukrainienne parce qu’ils savent très bien que s’ils ne vont pas à Moscou, les ukrainiens, sur la durée, ne pourront pas sur leurs seules troupes contenir la mobilisation russe, si elle continue à se faire par palier. Donc pour eux, il faut absolument une politique d’invasion, une politique d’anéantissement de la Fédération de Russie, ce que certains alliés et baltes souhaitent, mais ce que les américains, en pratique, ne souhaitent pas et probablement ni les français, ni les allemands. On est ainsi dans une situation extrêmement dangereuse, parce qu’il y a une logique infernale aux opérations militaires et aux opérations clandestines qui peut aboutir à une situation que personne ne voulait. Je vous rappelle l’escalade express, on n’est pas dans les mêmes délais certes, mais l’escalade express dans l’été 14, personne ne pensait que l’on aboutirait à une guerre mondiale et le banquier, conseiller du Kaiser en Allemagne, avait d’ailleurs donné comme position, « ne soyez pas stupide, notre croissance est supérieure à celle des autres, il suffit d’attendre trois, quatre ans et sur un rapport de force économique plus important, nous pourrons contester l’hégémonie coloniale de la Grande-Bretagne et de la France ». Et le Kaiser pensait, qu’effectivement, il avait raison le banquier et pourtant, il s’est retrouvé avec une guerre sur les bras, en moins de trois mois. Donc là, on n’est pas dans une guerre généralisée, pour l’instant, mais on pourrait y arriver par palier, ne serait-ce qu’avec cette idée curieuse d’annoncer, urbi et orbi, que l’on fabrique des munitions pour l’Ukraine à tel ou tel endroit. Si les russes se retrouvent en mauvaise posture, ils vont finir par dire que les usines qui fabriquent des munitions pour l’Ukraine sont des cibles légitimes. Alors pas forcément pour les bombarder, car de nos jours, il y a 150 solutions pour saboter au sol.
Donc tout cela, ce sont des risques d’escalade et là aussi, on ne met en vitrine que l’escalade nucléaire, qui est celle qui est la moins probable. Mais il y en a plusieurs autres, il y a ce que je viens de vous dire, les attaques ciblées en occident, la guerre des gaz, qui malheureusement est la plus efficace sur les guerres de tranchée et de position, et qui pourrait très bien revenir et puis, ce n’est pas la peine d’en donner d’autres en donnant des idées à certains. Mais il y a un risque majeur et ce n’est pas parce que nous sommes autour de 440 jours de combat que, puisqu’il ne s’est rien passé de très grave chez nous jusqu’ici, nous sommes à l’abri jusqu’à la nuit des temps. A jouer avec le feu, comme vous le savez, on finit par se brûler.

vol programmé avec pilote automatique et radio guidé en 1923. Il ne manque que le GPS ! Et la doctrine d’emploi. Car le programme est arrêté en 1924. Il faudra attendre 1938 pour qu’une bombe guidée ‘(non motorisée ) soit développée par M Hurel et J Turck
Merci professeur de nous avoir éclairé sur l’art du mensonge dans le conflit Ukraine-Russie et on vous dit à la semaine prochaine.
A la semaine prochaine.