Ma chronique sur RCF Reims le mercredi 7 janvier, jour de l’attaque de Charlie Hebdo :
http://rcf.fr/actualite/lattentat-charlie-hebdo-0
AV: Mercredi à 11 h 30 Charlie Hebdo a été attaqué, plusieurs morts, dont des dessinateurs, Cabu qu’on a bien connu du côté de Châlons-sur-Marne à l’époque puis qui a fait des dessins dans l’union. Tout d’abord votre réaction, forcément on est choqué ?
La réaction, c’est tout d’abord le chagrin. Le chagrin de voir la disparition de ces personnes. Que ce soit des dessinateurs talentueux ou des gens beaucoup plus anonymes, que ce soit des membres des forces de l’ordre ou des journalistes. Le chagrin donc, la première chose est de devoir s’incliner devant les victimes et de soutenir leurs proches. Et également la pitié devant le désastre que cela représente et la difficulté qu’il y a bien évidemment à protéger tout un chacun. Et toute la liberté d’expression que nous devons continuer à brandir. Pour laquelle nous devons tous être prêts à nous battre, y compris à faire des sacrifices si besoin.
Il y a une émotion populaire ?
Je pense. Parce qu’il est tout à fait symbolique que ce soit ce journal. Ce n’est pas un journal à l’eau tiède. C’est un journal qui a toujours soutenu les faibles et les opprimés, y compris par exemple les Palestiniens. Mais c’est un journal qui a toujours été intraitable sur les valeurs fondamentales de la République et la laïcité. C’est-à-dire le droit pour chacun de dire du bien ou du mal de l’une ou l’autre religion. Le blasphème est un droit de chaque citoyen français. Et il y en a qui sont contre ce droit et qui sont prêt à le contester les armes à la mains, eh bien ces gens-là doivent être mis hors d’état de nuire.
Ensuite, le principal danger, c’est de tomber dans le piège. Le piège est évident, c’est de considérer que puisqu’il s’agit d’une réaction de défenseurs du prophète, tous les partisans du prophète doivent être assimilés à ces gens-là. Or l’adage de base de l’anti-racisme, c’est d’admettre, si vous me permettez l’expression, qu’il y a des cons partout, et qu’il peut aussi y avoir des salauds, et que ce sont souvent les mêmes. Et donc il faut bien considérer une action d’individus, et ne pas la confondre avec telle ou telle religion qui est bien évidement parfaitement honorable et respectable, comme le sont ceux qui partagent l’une ou l’autre religion ou qui n’en ont aucune.
Est-ce que c’est dans ces moments là qu’on va voir ce que la nation a au fond d’elle-même ?
C’est ce qu’il faut espérer. Nous devons à la fois montrer l’union nationale pour défendre cette position, montrer la retenue car notre force nous permet la retenue, de ne pas tomber dans les pièges, de ne pas tomber dans les généralisations, d’éviter toutes soi-disant représailles ou autres actions nuisibles. Et grâce à cela, de donner un exemple au monde.
Nous sommes un pays qui, par exemple, refuse la torture, et nous continuerons à le faire. Contrairement à d’autres démocraties qui y perdent leur âme. Nous sommes un pays qui défend ses idées jusqu’au bout. J’espère, justement parce que ce n’était pas, je le dis encore, un journal à l’eau tiède mais des gens qui avaient des positions souvent radicales que beaucoup de Français ne partagent pas, mais que tous les Français se retrouveront pour défendre ces gens-là parce qu’ils avaient le droit d’exprimer ce qu’ils ont dit.
Les conséquences que peuvent avoir cet attentat, aussi bien sur la politique intérieure que la politique internationale de la France?
Il faut être raisonnable là-dessus. Nous savions depuis longtemps qu’il y avait des risques. Ces terroristes d’ailleurs, il faut le dire tout de suite, sont des terroristes français. Je ne participe pas à l’enquête mais je peux vous le dire immédiatement. Il suffit d’entendre crier allah ou akbar avec un épouvantable accent français pour comprendre que ce sont des Français. Ce sont des terroristes endogènes si je puis dire. Alors qu’ils aient des soutiens, ou pas, dans tel ou tel groupe, c’est une chose mais c’est un mal qui est en nous, et c’est là qu’il faut le chercher
Est-ce que dans les prochains jours, selon vous, l’émotion va perdurer encore ? On a vu des communes qui vont mettre leurs drapeaux en berne pendant trois jours, c’est le cas à Charleville Mézières notamment
Mais l’émotion ne dispense pas aussi de la méthode et de l’efficacité. Manifestement, ces gens-là ne pensaient pas quitter les lieux et autant la première partie était redoutablement bien organisée, autant la suite et la fuite paraissent improvisées. Cela nous donne une petite chance de les retrouver rapidement. Sinon ce sont leurs traces qui permettront de trouver s’ils sont connus, et sinon ce sont les renseignements qui permettront de les avoir. Ceci montre que les mesures de police sont indispensables, que ce n’est pas le fichage de toute la population qui sert à quoi que ce soit ; que les caméras permettent peut-être d’avoir des images mais ne préviennent rien ; qu’il faut donc avoir une police organisée pour continuer à déjouer la plupart des attentats en amont, avant qu’ils ne se produisent, et d’être capable de réagir vite lorsqu’ils se produisent malheureusement, ce qui est inévitable. On ne peut pas avoir 100% de réussite en prévention.
Un petit mot, pour finir, sur ces événements qui marque la France. Le dernier, pour vous, c’était la tuerie de Toulouse, Mohamed Merah ?
Dans ce groupe de malheurs, c’est effectivement l’épisode précédent qui est emblématique. Et j’en profite pour regretter qu’on n’ait pas pu le prendre vivant, non pas pour le torturer. Je répète encore une fois que ce n’est pas la solution mais on remonte beaucoup mieux les pistes quand on a les gens que quand on ne les a pas. Et j’espère pour ceux-ci que justement ils seront pris et qu’on pourra montrer comme leurs têtes sont creuses, comme leurs idées sont vaines, plutôt que de montrer leurs cadavres.