Chronique d’actualité enregistrée mercredi 25 février sur RCF Reims : http://rcf.fr/actualite/la-grippe-pour-tous
AV : La grippe pour tous, vous allez nous éclairez un peu, c’est une maladie, c’est un virus, c’est quoi la grippe, est-ce que ça tue ?
Et bien, la réponse aux trois questions c’est oui. C’est un virus, c’est une maladie, et ça peut tuer. C’est un virus qui est contagieux, qui se propage surtout l’hiver, par temps humide et pas trop trop froid. Qui survit très peu en dehors d’un individu mais qui est excrété sous forme de toutes petites gouttelettes chaque fois qu’on éternue dans des proportions astronomiques, donc c’est un virus très contagieux. C’est un des plus contagieux, ça veut dire qu’il contamine à peu près un quart de la population, entre 5 et 25 % de la population, cela peut paraître peu, mais en fait c’est un record.
C’est une maladie bien typique qui comporte des courbatures, une énorme fièvre pendant 5 jours, et éventuellement un jour de rémission au milieu. Et puis c’est une maladie qui a des complications: des complications pulmonaires, quelques complications tardives neurologiques, des névralgies faciales, des troubles de l’équilibre etc, des troubles de la marche… Mais surtout ce sont les complications pulmonaires qui font la gravité parce que si les poumons ne marchent plus, on est quand même dans une sale situation. Et ça peut arriver très vite au deuxième ou troisième jour sur des sujets jeunes. C’est aussi une maladie où les gens peuvent se surinfecter et faire une bronchite voire une pneumonie, des abcès. Et c’est souvent cela qui tue les personnes âgées.
Et comment ça se soigne ?
Il n’y a pas de traitement. C’est-à-dire que les produits comme le Tamiflu ont une efficacité très limitée. Les traitements sont des traitements symptomatiques, c’est-à-dire respecter la fièvre mais éviter cependant qu’elle soit astronomique. La fièvre c’est un mécanisme de défense. Bien boire. Faire attention à bien cracher également, à éviter que les poumons ne s’encombrent. Eventuellement il faut dans les cas graves les aspirer, donner une assistance respiratoire et tout et tout. Et puis c’est au médecin de juger s’il faut ou pas passer aux antibiotiques si ça devient nécessaire. Il n’y a pas d’autre traitement que les traitements symptomatiques.
On parle beaucoup du vaccin et on entend tout et son contraire. Alors le vaccin de la grippe il faut le faire ou pas ?
Bien sûr. Le vaccin anti-grippal ne protège pas tous les individus mais il protège la population. Il est fait en quelque sorte comme le tiercé ou le quinté, en pronostiquant chaque année sur quelques cas sporadiques quel sera le gagnant de l’année suivante. Mais on est dans une année exceptionnelle cette année: l’outsider n’avait pas été prévu. Donc l’épidémie actuelle est très peu couverte par le vaccin. Mais c’est un cas rare et la plupart du temps chaque année on prévient correctement. Il y a une preuve. La preuve c’est que, par les courbes de mortalité, on a pu voir que la population de personnes âgées qui a traditionnellement, ou qui avait, un pic de mortalité concomitante à la période des épidémies de grippe, et bien les années où la grippe est prévenue par le vaccin, et les années où les personnes âgées sont protégées à plus de 50%, ce pic disparaît.
Une petit question qui me vient comme ça Jacques Cohen, quand on lit les journaux, on voit grippe mais alors il y a plein de sortes de grippes, est-ce que vous pouvez nous éclairer un petit peu là-dessus pour qu’on comprenne un peu plus ?
Alors on parle de grippe, de syndrome grippal etc. On a tendance à rattacher toutes les histoires virales à la grippe. Non, la grippe c’est une chose et il y en a d’autres. La plupart du temps, la grippe est stéréotypée ou du moins une épidémie donnée a des signes qui sont assez homogènes. Certaines ont des formes digestives. d’autres pas. Il y a des conjonctivites dans certaines formes, surtout les formes liées aux volatiles. Mais la grippe en gros, on la reconnait par la brutalité de son arrivée, par l’importance de sa fièvre et de ses courbatures sans pour autant qu’il n’y ait d’autres signes, on dit sine materia. Il n’y a pas de signes de gravité sur chacun des organes, sauf quand il y a des complications et donc ça la distingue de beaucoup d’autres maladies. Pas d’encéphalite comme dans la dengue ou quelque chose comme ça. On parle souvent de grippe quand les gens sont patraques, qu’ils ont un enterovirus et des troubles digestifs, c’est rarement la vraie grippe.
Un petit point sur l’histoire de la grippe un petit peu ?
La grippe est une vieille connaissance de l’espèce humaine. C’est une maladie qui est récurrente, les épidémies sont saisonnières, que l’on peut tracer jusque dans l’antiquité, et qui a toujours eu jusqu’il y a 50 ans un aspect très particulier. Il y avait des grippes courantes qui ne tuent que quelques personnes par-ci par-là, ou les personnes âgées, des grippes graves qui survenaient tous les 5 à 7 ans, et des grippes vraiment graves qui ont donné des choses dont on se souvient comme celle de la grippe espagnole dont on se souvient encore, qui survenaient à peu près trois fois par siècle. Depuis 1972 où c’était une grippe assez grave mais pas une vraie vraie grave, il n’y a pas d’épidémie de grippe grave qui survenait 3 fois par siècle. On n’a plus ce cycle depuis 50 ans. C’est un peu comme les tremblements de terre, une épidémie redoutable, on n’en a pas eu depuis une cinquantaine d’année, et ça, cela semble être une nouveauté, un changement par rapport aux cycles traditionnels qu’on peut tracer jusqu’au XVIIIe siècle sans trop de difficultés.
Un petit mot, avant de conclure Jacques Cohen ?
On a des grippes de variété variable et maintenant on sait un peu mieux pourquoi. On a pu, en analysant le virus, trouver des éléments qui déterminent qu’elle soit courante, grave, ou très très grave. Ce sont des éléments qui vont nous aider bientôt pour le traitement mais pour l’instant on n’a pas de traitement autre que symptomatique. En revanche le vaccin protège bien, protège presque tout le monde, protège presque chaque année et il faut absolument se faire vacciner.
Et la période pour se faire vacciner, c’est trop tard ?
C’est un peu tard mais on ne sait jamais. Certaines grippes frappent deux fois. En 1918 justement elle a frappé en novembre et en avril 1919. Si les gens ne sont pas encore vaccinés, c’est pas bien gênant de le faire.