Maladie d’Alzheimer : dérembourser des médicaments  pour les tuer! !!!

Chronique du vendredi 1er juin 2018

Sur RCF: https://rcf.fr/embed/1839495

 

Avec nous, aujourd’hui, Jacques Cohen, et on va parler d’une thématique santé. Cela faisait un petit moment.

Le sujet du jour : les médicaments qui permettent de traiter la maladie d’Alzheimer qui désormais ne seront plus remboursés. C’est vrai que quand l’on voit ça de loin, on a tout de suite l’impression que c’est un scandale presque absolu. 

Absolument, c’est l’impression première pour un non-spécialiste alors qu’en fait, si j’ose dire, c’est pour la bonne cause. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que la législation et la réglementation sont tellement compliquées que pour retirer un produit il est souvent plus simple d’utiliser une procédure tarabiscotée comme son non-remboursement plutôt que de l’interdire purement et simplement. Ce qui ouvrirait le droit à la contestation pour celui qui était détenteur de l’autorisation, qui va demander s’il y a des faits nouveaux, qui va demander des études, et tout et tout. Alors, c’est faisable et c’est facile quand il y a un gros pépin, mais quand il n’y a pas de gros pépin, qu’il n’y a pas beaucoup de changement par rapport à la situation initiale, et bien c’est difficile d’obtenir un retrait classique, c’est-à-dire un retrait d’AMM ( autorisation de mise sur le marché )

D’où le titre de cette chronique : « dérembourser pour tuer…. » un médicament pas un malade !!!.. Une fois le médicament « déremboursé » c’est le fabricant qui va le retirer du marché faute de pouvoir en vendre suffisamment. 

alois-alzheimer-250

Aloïs Alzheimer. Mort à 51 ans d’insuffisance cardiaque.

Donc, on fait disparaître des médicaments que l’on a autorisés?

Exactement, ils ont été autorisés, et comme on le regrette un petit peu, on prend la procédure du déremboursement pour les tuer de fait. Alors pourquoi les avait-on autorisés ? Eh bien, parce que ce sont des médicaments qui tentaient de faire du bien dans une maladie où l’on n’a pas beaucoup de solutions. L’ennui c’est qu’ on s’est aperçu assez rapidement qu’ils ne font aucun bien et qu’ils font un peu de mal.

Vous allez nous dire un petit peu justement. Que font-ils de bien, que font-ils de mal ces médicaments ?

Le bien, il n’y en a pas puisqu’ils n’améliorent pas l’état des malades malgré les espoirs initiaux. Et le mal, c’est qu’il y a un certain nombre d’effets secondaires, sur lesquels je ne m’étendrai pas, qui sont dus à la toxicité de ces médicaments.

Est-ce que cela n’aurait pas été plus simple, quelque part, avec ce que vous nous dites là, Jacques Cohen, de les interdire alors ces médicaments ?

Les interdire ? Vous voulez dire au sens de ne pas les autoriser. Eh bien, cela montre que la subjectivité s’insinue toujours. Ce n’est pas seulement une question de lobby, de méchants fabricants qui veulent fourguer leur came envers et contre tout. Il y a une pression à vouloir faire quelque chose pour les malades. Et quand on n’a rien, à essayer de voir avec les yeux de Chimène un effet pour des médicaments qui n’en ont pas. Et de fait, les études avaient toutes conclu à de modestes effets et ainsi de suite, favorables sur la maladie. Finalement, avec le recul, il n’y a pas d’effets significatifs, et il y a une toxicité qui n’est pas obligatoire, mais qui est non négligeable. Plus toxiques, on pourrait les retirer sans problème, compte tenu de l’absence d’effet positif significatif. C’est une question de balance risque/bénéfice.

Et il y a également ce problème de procédure, ce serait une procédure longue et complexe que de les retirer du marché  ?

Les retirer du marché demanderait des faits nouveaux par rapport à l’autorisation. Et en fait, quand on n’a pas eu de très bonne raison de les autoriser on n’a pas de très bonne raison de les retirer.

Quand on les a autorisés, on pensait qu’ils faisaient du bien et plus maintenant ?

Parce que, j’allais dire, c’est humain. Quand on espère tellement ont fini par croire au miracle, et on finit par les voir. Mais la réalité, au bout d’un certain temps, rappelle à la raison.

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Auto Portraits successifs de l’artiste Utermohlen avec la progression de sa maladie.

Il faut aussi remarquer la réaction des associations de familles de malades, très hostiles à la mesure. Elle ne peut que rappeler celles des associations d’hémophiles réclamant dans les années 80 les produits dangereux, dûment cornaquées par le Centre national de transfusion sanguine à l’époque. Le lobbying des fabricants ne s’exerce pas que sur les médecins…

Cela veut dire qu’aujourd’hui, le 1er juin, on n’a pas de solution pour traiter la maladie d’Alzheimer ?

Absolument, nous n’avons malheureusement aucun médicament qui guérisse, retarde ou limite la maladie d’Alzheimer. Seules des thérapeutiques comportementales qui consistent à stimuler les neurones restants, sont une possibilité d’action, mais le médicament miracle, encore une fois, n’existe pas.

La recherche va peut-être essayer de pousser plus loin parce que, comme vous l’avez dit au long de cette chronique, l’idée, c’était de trouver de l’espoir de pouvoir faire du bien un jour. Cela veut dire qu’il va y avoir une recherche qui va se faire de façon à ce qu’un jour on ait vraiment un traitement fiable et efficace ?

Il y a beaucoup de voies de recherche. D’abord parce que le mécanisme de la maladie n’est pas totalement élucidé et donc c’est très important de continuer une recherche fondamentale sur cette maladie parce que c’est probablement de cette recherche fondamentale que viendront des idées. Le fait de rechercher autour de ce que l’on a déjà et qui ne marche pas, cela a peu de chance de créer de nouvelles situations. En revanche, il faut s’éloigner de l’appliqué, il faut accepter des études qui semblent purement décoratives, scientifiques ou culturelles, mais qui sont très importantes pour pouvoir trouver de nouvelles pistes sur lesquelles l’on pourra avancer vers des thérapeutiques. Les choses ne sont pas linéaires, il ne faut pas toujours croire que c’est le financement d’une recherche appliquée concernant des traitements qui les amène. La plupart du temps, c’est une recherche qui fait progresser les connaissances générales qui va apporter des pistes, qui elles, auront des résultats.

On va s’éloigner un petit peu du sujet du jour, mais cela fait un petit moment que l’on n’avait pas eu de chronique santé avec vous alors j’en profite. Il y a également une réforme qui fait débat en ce moment, ça serait le paquet neutre des médicaments dans les pharmacies. Ce paquet neutre, que pourrait-il changer ?

Eh bien, je n’en suis pas un fanatique extraordinaire parce que les gens se rappellent de leurs médicaments à cause du packaging, à cause des boites. Si tous les médicaments se ressemblent, les confusions de boîtes de médicaments risquent d’être beaucoup plus importantes. Je me souviens autrefois d’un médicament dont je ne donnerai pas le nom à l’antenne et dont l’emballage ressemblait beaucoup à celui de la Colchicine. Ce médicament se prenait de 6 à 9 comprimés par jour. J’ai tout à fait le souvenir d’un patient qui avait pris ces 6 ou 9 comprimés par jour en se trompant de boîte, et 9 comprimés de Colchicine en une journée c’est mortel !

De votre point de vue, ce serait plus un danger pour le patient de ne pas se repérer dans son traitement habituel, plutôt que d’avoir une sorte de neutralité ?

Cela me paraît, encore une fois, une mesure simpliste, avec de bonnes intentions, mais posant un peu plus de problèmes qu’elle n’en résout.

Merci, Jacques Cohen, d’avoir été avec nous aujourd’hui, d’abord pour évoquer le traitement de la maladie d’Alzheimer et ses médicaments qui ne sont plus remboursés, vous nous avez expliqué pourquoi, et puis d’avoir donné un petit peu votre point de vue sur cette réforme qui pourrait arriver du packaging neutre des médicaments dans les pharmacies.

À très bientôt, Jacques Cohen, pour une nouvelle chronique. On parlera peut-être d’autre chose que santé la semaine prochaine ?

Nous verrons, d’ici là, ce qu’il y a dans l’actualité et donc, à bientôt !

À bientôt, Jacques Cohen, merci beaucoup !

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